« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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CÔTE D’IVOIRE : 11 AVRIL 2011, L’AUTRE 11 SEPTEMBRE 2001

Nul esprit n’oubliera l’attaque terroriste perpétrée contre les USA le 11 Septembre 2001. La violence des attaques ainsi que les dégâts qu’elles ont engendrés, inscrivent celles-ci dans le classique des actes les plus ignobles que le monde ait connu. La Cote d’ivoire a aussi connu son 11 Septembre, qui lui, s’est produit le 11 Avril 2011. Cette journée apocalyptique, en raison, de sa nature et des dégâts, est aussi détestable que celle vécu 10 ans plutôt par le peuple américain. Même si les acteurs ne sont pas les mêmes et les circonstances différentes, il n’en demeure pas moins que cette journée nous rapproche du traumatisme vécu par les américains.
Lundi 11 Avril 2011, il est 12 h lorsque les médias internationaux, précisément la chaine française de propagande «  France 24 », annonce (avant de se dédire peu après), la capture du Président Laurent Gbagbo par les forces françaises. Une opération savamment préparée par les autorités françaises en relation étroite avec les forces de l’Onuci, les rebelles pro-Ouattara et l’état major du Rhdp regroupés pour la circonstance à l’hôtel, Qg de Campagne de Dramane Ouattara. L’objectif était d’installer Ouattara au pouvoir par les moyens les plus inconstitutionnels possibles. Le 11 avril 2011 s’offre à tous comme le parachèvement du coup d’état longtemps goupillé par l’Elysée avec la bénédiction de certaines mains noires ivoiriennes (qui en jouissent aujourd’hui) et africaines. L’apocalypse du 11 avril consacre, à n’en point douter, la victoire du faux et se présente comme une véritable catastrophe pour les démocrates.
11 avril 2011, la victoire du faux
Procédons à une mise en parallèle entre le Président Gbagbo et Dramane Ouattara avant d’énumérer les actes qui traduisent la victoire du faux.
Laurent Gbagbo, on ne le dira jamais assez, a sacrifié sa vie à lutter pour une vraie alternance en Côte d’Ivoire. Pour y arriver, il a formé avec ses camarades de lutte, un parti politique : le FPI. Pendant plus de 30 ans, Laurent Gbagbo a été opposant et n’a jamais été tenté de prendre des armes pour parvenir au pouvoir d’Etat. Son seul leitmotiv, l’alternance par les urnes. C’est pourquoi toutes les avancées démocratiques réalisées en Côte d’Ivoire portent son nom. Le vote à 18 ans, l’urne transparente, le bulletin unique, la Commission électorale indépendante, les PV de dépouillements des bureaux de vote destinés aux représentants des candidats. Laurent Gbagbo est parvenu au pouvoir en Octobre 2000 après avoir battu le Général Guéi Robert dans les urnes et mis fin à sa tentative de coup d’Etat électoral. C’est donc régulièrement qu’il a été porté au sommet de l’Etat. En homme d’état, il a toujours tendu la main à ses opposants c’est ce qui explique le fait qu’il ait fait rentrer d’exil Ouattara et Bédié, amnistier les rebelles et offert la primature au chef de la rébellion Soro Guillaume.
Alassane Ouattara est l’antithèse de Laurent Gbagbo, le jour et la nuit. Ouattara est apparu dans l’univers politique ivoirien en 1989 d’abord comme président d’un comité interministériel, ensuite comme premier ministre. Ses pratiques hitlériennes l’ont conduit à fomenter le complot du 18 Février 1992 qui s’acheva par l’emprisonnement des démocrates ivoiriens. A la mort de Félix Houphouët Boigny, il tenta, naturellement, de confisquer le pouvoir en écartant Henri Konan Bédié, le dauphin constitutionnel aux termes de l’article 11 de la constitution. Ses Problèmes avec la justice ivoirienne déclenchés sous le règne de Bédié expliquèrent son départ pour l’exil d’où il rentra comme annoncé pour « passer le réveillon » en Côte d’Ivoire au soir du coup d’état contre Henri Konan Bédié. Il ne serait pas inutile de préciser qu’il avait averti Bédié qu’il frapperait son pouvoir moribond et que celui-ci tomberait. Sûrement pas par la voie des urnes. Le pouvoir moribond de Bédié tomba le 24 Décembre 1999 sous les assauts des proches de Ouattara dont feu Ibrahim Coulibaly. Ouattara se frotta les mains en affirmant qu’il s’agissait d’une « révolution des œillets » et qu’il rentrait en Côte d’Ivoire comme « le nouveau Président. » Les acteurs de la rébellion déclenchée en septembre 2002 sont tous des proches de Ouattara. Sur ce sujet, il n’y a aucun mystère puisque même les médias internationaux l’affirment sans gène. Cela nous amène à dire que Ouattara et la rébellion forment un couple parfait. Son séjour volontaire au Golf hôtel répond à l’idée qu’il n’a jamais fait des urnes, le mode d’accession au pouvoir. C’est de cet hôtel que Ouattara fit porter à la tête de l’Etat de Cote d’Ivoire le 11 Avril 2011. Sa présence à la tête de l’Etat ivoirien consacre la victoire du faux. La victoire du faux c’est aussi l’arrestation de Gbagbo opérée, non par les hommes de Dramane Ouattara, mais par les forces françaises de Nicolas Sarkozy. La chaine France 24 ne manqua pas de saluer le mérite des forces françaises en affirmant publiquement que Laurent Gbagbo a été capturé par les forces de Sarkozy. C’est également la remise, par des forces étrangères, d’un Président régulièrement élu et déclaré comme tel par le Conseil Constitutionnel, a des forces rebelles n’ayant aucune légitimité et qui ont attaqué la Côte d’Ivoire le 19 Septembre 2002. La victoire du faux, c’est en outre le transport de Laurent Gbagbo à l’hôtel du Golf, aux pieds de Dramane Ouattara, Konan Bédié, entourés des forces rebelles coalisées. La victoire du faux c’est enfin la présentation de Gbagbo sur la chaine pirate TCI offerte par la France à Ouattara en violation de la loi ivoirienne. Chacun des actes ci-devant énumérés constitue en soi un rabaissement de l’éthique, de la morale politique et un mauvais exemple pour les jeunes générations. C’est la raison pour laquelle ces actes constituent une catastrophe sans précédent.
11 Avril 2011, une véritable catastrophe pour les démocrates.
Aucun démocrate sérieux ne peut et ne doit applaudir la négation des règles démocratiques portées en triomphe le 11 Avril 2011. Heureusement que tous ceux qui arborent la date du 11 Avril comme un trophée de guerre n’ont jamais été cités, par les intellectuels sérieux, comme des démocrates. Toutes les personnes qui s’agitent à qualifier de démocratique le triste avènement de Ouattara au pouvoir, ont un réel problème avec la définition du terme démocratie. Ce ne sont ni les rebelles, qui sont la perfection des contre valeurs, ni Sarkozy qui définit la démocratie selon ses intérêts du moment, encore moins les membres du Rhdp qui savent tout sauf la définition de la démocratie, qui nous en diront le contraire.
La première catastrophe fut l’érection du Golf Hôtel en centre de coordination des actes de déstabilisation et de déconstruction de l’Etat. La proclamation parallèle de la prétendue victoire de Ouattara au golf hôtel, rejetant ceux du conseil Constitutionnel, est un acte de gangstérisme politique de haute portée. L’histoire de l’humanité ne nous a pas encore offert un exemple du genre. Il a fallu qu’un homme nommé Nicolas Sarkozy et son ami Dramane Ouattara existent pour que l’organisation des nations unies se rabaisse au point de perdre sa crédibilité dans la poussière. La deuxième catastrophe est le soutien apporté à des rebelles par la France, l’Onu et la Cedeao et l’UA, pour saper les bases démocratiques d’un Etat. C’est la même opération qui s’est produite en Libye et qui, grâce à la vigilance de la Chine et de la Russie, peine à être mise en œuvre en Syrie. La troisième catastrophe consiste dans le refus d’un recomptage des voix proposé par le Président Laurent Gbagbo et refusé par Dramane, fort du soutien d’un secrétaire Général de l’Onu qui juge juste le recomptage des voix en Haïti, aux USA, mais injuste lorsqu’il s’agit de la Côte d’Ivoire. La dernière catastrophe réside dans le fait qu’une armée étrangère bombarde pendant des jours la résidence d’un chef d’état africain avec la complicité de certains chefs d’état, des présidents paillasson. Ces actes constituent une véritable catastrophe, en cela qu’ils réduisent à néant tous les acquis démocratiques capitalisés dans la douleur. Une catastrophe nationale car, ils nous replongent tristement dans les paradigmes de gouvernance de l’ère Houphouët Boigny, au grand bonheur de la France. C’est pourquoi, le 11 Avril 2011 est pour nous, ainsi que pour tous les démocrates africains, une journée de deuil national, de recueillement, de réflexion profonde sur l’Etat, le droit international, la notion de souveraineté, le droit d’ingérence, la démocratie.
C’est donc une défaite pour les tenants du pouvoir d’être regardés, à raison, comme des personnes qui n’ont pas assez de cran pour mener un combat politique loyal. C’est aussi un déshonneur pour le pouvoir d’avoir déshonoré la Côte d’ivoire au point de faire de ce beau pays, un pays tyrannique situé à milles lieues de la démocratie. La mémoire collective doit retenir pour toujours que le 11 Avril est la journée qui mis un terme à la démocratie en Cote d’Ivoire et consacra le règne du mal.
Tous, en union de prière, tenons nous les mains pour nous souvenir du jour où la démocratie a été assassinée en Côte d’Ivoire.

Alain BOUIKALO
Juriste-consultant
bouikhalaud@deboutciv.com

Mon, 09 Apr 2012 11:47:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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