« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Categories: Politique

Déclaration du C.I.P.J à l’occasion de la journée Internationale de la liberté de la presse

Mardi 03 mai est une date importante pour nous tous, celle de la Journée internationale de la liberté de la presse.

L’occasion est ainsi donnée au Comité Ivoirien de Protection des Journalistes (C.I.P.J) de rappeler ses valeurs et alerter la communauté nationale et internationale sur l’état des lieux de la liberté de la presse en Côte d’Ivoire.

L’occasion est également donnée au C.I.P.J de lancer un appel aux nouvelles autorités, pour la protection des journalistes de divers bords pour la préservation de la pluralité d’opinion et de presse en Côte d’Ivoire.

État générale de la liberté de la presse après la chute du président Laurent Gbagbo

Le C.I.P.J a été saisi de plusieurs cas d’atteintes graves à la liberté de la presse à l’encontre de journalistes supposés proche du président déchu Laurent Gbagbo et de leur lieux de travail.

Ces atteintes sont allées de simples menaces à des attaques systématiques de rédactions et de domiciles ciblés, d’agents de médias du camp opposé au président Ouattara.

C’est le cas de la rédaction du groupe Cyclone éditrice du quotidien Le Temps et de 2 hebdomadaires (Le Temps Hebdo et Prestige Mag), du Groupe La Refondation, du journal Le quotidien d’Abidjan et de l’Agence Ivoirienne de Presse (AIP), aussitôt le président sortant arrêté, le 11 Avril 2011.

La Radio d’Anyama, propriété de la mairie dont elle porte le nom, a quant à elle été mise à sac par une foule de pillards, ce même 11 Avril 2011 causant un préjudice de près de huit millions de franc CFA selon un de leur responsable.

En dépit des gages de sécurité données par plusieurs dignitaires du régime actuel, au CPJ basée aux USA, l’imprimerie du groupe La Refondation, à moins de cent mètres d’un détachement d’éléments des FRCI, a été incendiée dans la nuit du 21 au 22 Avril 2011.

Pis, le jeudi 28 avril 2011 une équipe de journalistes qui accompagnait le Groupement des éditeurs de presse de Côte d’Ivoire (Gepci) avec à sa tête son président Dénis Kah Zion venue constater les dégâts au sein de ce groupe de presse proche du parti de l’ex président Gbagbo, a été vidée des lieux par des un élément des FRCI en furie, qui a usé de son arme en tirant en l’air pour les éconduire des locaux du Groupe la Refondation. Tout en leur indiquant que l’accès au lieu est désormais soumise à une autorisation émanant de l’Hôtel du Golf.

Plusieurs journalistes à qui il est reproché d’avoir diffusé les idéaux du camp Gbagbo, dont ceux du quotidien Le courrier d’Abidjan, du groupe Cyclone et du groupe La Refondation, reçoivent directement et fréquemment dans leur boite électronique ou sur leur téléphone portable des menaces individuels ou groupées de tout genre.

Nombres d’agents de média ont été obligés de trouver refuge à l’étranger ou dans des lieux tenus secrets et à demander l’asile vers l’Occident.

Tout ce ceci à occasionné la ‘‘disparition’’ dans les kiosques à journaux, des journaux ‘‘bleu’’, d’opinions différentes à celle du camp Ouattara.

Ce climat de terreur, dans la sphère de la presse de Côte d’Ivoire, si rien n’est fait par les nouvelles autorités, risque de nous faire régresser à l’ère de la pensée unique, qui a prévalu peu après l’époque coloniale, trahissant ainsi tous les acquis sur la liberté de presse inscrits dans la loi 2004-643 et 2004-644 du 14 décembre 2004.

Le Comité Ivoirien de Protection des Journalistes dénonce toutes ces atteintes graves à la liberté de la presse et le peu d’intérêt des nouvelles autorités ivoiriennes à assurer la protection de ces hommes de médias et de leur rédaction, en dépit de toutes les interpellations faites.

Le Comité Ivoirien de Protection des Journalistes rappelle que la constitution de Côte d’Ivoire sur la base de laquelle la communauté internationale à reconnu la légitimité de nos nouvelles autorités, consacre aussi à tout citoyen le droit à l’information, le droit à connaitre les faits et les opinions de tout un chacun et aux journalistes le droit à la pluralité de presse.

Quelques recommandations du CIPJ aux nouvelles autorités

Le Comité Ivoirien pour la protection des journalistes demande au président de la République, SEM Alassane Dramane Ouattara, en qui nous plaçons tous beaucoup d’espoir, de marquer avec fermeté la rupture définitive d’avec les pratiques du passé.

Le Comité Ivoirien de protection des journalistes demande en outre au président Ouattara de prendre des mesures urgentes, pour sécuriser toutes les rédactions de presse notamment en y déployant des éléments des forces de l’ordre aux abords de celle-ci.

Le Comité Ivoirien de Protection des journalistes demande enfin que soit pris en compte dans la dynamique actuelle de réconciliation et de reconstruction, à l’instar des médias d’état, tous les médias privés qui ont été touchés par cette crise post-électorale.

Fait à Abidjan le 02 Mai 2011
Le Secrétaire Général Du C.I.P.J
Stéphane Goué
40007010
ivoriancommiteeprotectjournalist@yahoo.fr

Liberté de presse: à quand un retour au calme en Côte d’Ivoire?

La Côte d’Ivoire a été au cœur de l’actualité ces derniers mois pour qui s’intéresse à la liberté de presse à travers le monde. La crise politique qui a secoué ce pays de l’Ouest africain a touché de plein fouet les journalistes et, malgré le départ de l’ancien président Laurent Gbagbo, leur situation demeure critique. À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté le presse, Projetj a joint à New York le responsable de l’Afrique subsaharienne au Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Mohamed Keita, pour faire le point sur le dossier ivoirien.

Quelle est la situation à l’heure actuelle en Côte d’Ivoire?

Malgré les déclarations que les responsables du gouvernement Ouattara nous ont faites en faveur de la liberté de presse et les promesses de protéger tous les journalistes, y compris ceux qui travaillent avec les médias pro-Gbagbo, nous recensons toujours des agressions contre des salles de rédactions, des journaux.

Ils sont harcelés par les forces républicaines fidèles au président Allassane Ouattara. Plusieurs salles de rédaction ont été saccagées de même que l’agence ivoirienne de presse, un média d’État. Récemment des rédacteurs en chef de journaux pro-Gbagbo ont été dispersés par des forces loyales à Ouattara qui ont tiré en l’air pour interrompre une réunion. Dans ce contexte, plusieurs journalistes des médias jugés pro-Gbagbo sont cachés depuis deux ou trois semaines. Ils ne se sentent pas en sécurité. La crainte de représailles est toujours vive.

Un retour à la normale rapide est-il envisageable?

On ne peut qu’espérer que ce soit possible. Mais la situation sécuritaire globale en Côte d’Ivoire est mauvaise. Les bandes armées occupent encore la rue et sont en mode règlement de comptes. Elles commettent des pillages et toutes sortes d’actes de banditisme. Dans ce paysage, les journalistes, qui sont facilement identifiables, sont des cibles à haut risque à cause de leur affiliation à tel ou tel média. Une douzaine de journalistes sont hors d’Abidjan. Ils ont fui pendant les derniers jours du règne du président Gbagbo.

Je dirais que leur retour vers Abidjan serait peut-être possible dans trois mois. C’est néanmoins une prévision optimiste. Selon les cas, il se peut que ce soit bien plus long. Les journalistes associés à des médias pro-Ouattara se sentiront plus en sécurité, mais ceux qui ont conservé une certaine indépendance en critiquant autant le camp Ouattara que celui de son adversaire durant la crise, seront certainement plus à risque.

Quel portrait faites-vous de la situation à Bouaké, dans le nord du pays, où se sont réfugiés plusieurs journalistes?

À Bouaké la situation sécuritaire est meilleure. Cependant, les journalistes qui s’y trouvent sont dans une situation précaire. Ils sont des réfugiés comme les autres, ils ne peuvent exercer leur profession sans s’astreindre à une certaine auto-censure, car c’est une zone qui est sous le contrôle des anciens rebelles maintenant au pouvoir. Ils ne peuvent donc se permettre de critiquer le gouvernement Ouattara et des autorités locales.

C’est néanmoins une zone qui mérite d’être couverte étant donné le flot de réfugiés qu’elle accueille. Les journalistes ont différents techniques pour contourner la censure et, éventuellement, je suis sûr que nos confrères ivoiriens seront très créatifs en ce sens pour produire des reportages d’intérêt public.

Le phénomène des médias de la haine vous inquiète-t-il?

Nous avons été alarmés à plusieurs reprises par des reportages de la télévision d’État ivoirienne, la RTI, qui incitait aux tensions ethniques à travers certains reportages et le ton du discours envers l’opposition, soit essentiellement le camp Ouattara. On y entendait une sorte de langage codé contre certains groupes ethniques identifiés à l’opposition. Cependant, on ne peut pas vraiment dire qu’il y avait des appels à la violence et à la haine, comme ce qu’on a pu entendre à l’antenne de Radio Mille Collines qui a joué un rôle significatif dans le génocide au Rwanda.

Que fait le CPJ pour soutenir les journalistes ivoiriens?

Avant la crise, nous entretenions un dialogue soutenu avec le gouvernement Gbagbo. Nous les confrontions sur leurs politiques à l’égard de la presse. Durant toute la crise, nous avons dénoncé les abus contre la presse commis pour la plupart par le camp Gbagbo, et nous comptons maintenir la pression sur les nouvelles autorités en place pour qu’elles prennent leurs responsabilités et respectent leurs promesses au chapitre de la liberté de presse.

Tout au long de la crise, nous avons utilisé notre réseau d’influence pour faciliter l’évacuation des journalistes menacés d’Abidjan vers Bouaké. Nous avons sollicité l’assistance des forces onusiennes pour qu’elles mettent à la disposition de ses journalistes des appareils pour permettre leur évacuation. Nous avons relayé les cris de détresse des journalistes coincés dans les quartiers d’Abidjan pour qu’ils reçoivent l’assistance de l’ONU.

Dans toutes ces démarches, nous avons travaillé sur place avec le CIPJ qui s’est distingué par son dynamisme et son professionnalisme dans la documentation et la dénonciation des abus contre les médias. Des avocats des droits de l’Homme à Abidjan, qui avaient déjà défendu des journalistes emprisonnés par le régime Gbagbo, ont également collaboré à nos actions.

La situation de la presse ivoirienne est-elle la même que dans le reste de l’Afrique subsaharienne?

La Côte d’Ivoire a toujours eu une des presses les plus libres et les plus dynamiques de l’Afrique francophone. Ses difficultés actuelles sont en fait symptomatiques de ce qui arrive bien souvent en temps de crise. Les journalistes sont en général pris pour cible à cause de leurs reportages et de leurs opinions et parce qu’ils sont en première ligne sur le terrain. Ils courent les plus grands risques sans avoir nécessairement de support institutionnel pour venir à leur secours. En ce sens, la crise ivoirienne n’est pas différente des autres. Elle a été largement menée à travers les médias partisans. On a assisté à une véritable bataille pour le contrôle des médias.

L’attitude à l’égard de la presse des politiciens ivoiriens est-elle différente de celle d’autres leaders africains?

C’est une attitude qui existe déjà partout en Afrique. Les médias publics, qui sont supposés êtres des canaux d’information pluralistes au service de la population, sont en fait des médias d’État. Ils sont confisqués d’office par les gouvernements en place et deviennent de véritables canaux de propagande qui se gardent bien d’examiner de près les gouvernants. Même en Afrique du Sud, le réseau public a été victime de censure politique pendant la présidence de Thabo Mbeki, entre 1999 et 2008.

Toutefois, en Côte d’Ivoire, il faut noter que l’ancien président Gbabgo, avant et pendant la crise, n’a jamais fermé d’office les journaux d’opposition. Ils faisaient l’objet de harcèlement par ses forces, de menaces, et de suspensions intempestives. M.Gabgbo a toujours employé la Loi sur la presse, même s’il en abusait. En ce sens, son attitude a donc été bien différente de celle de beaucoup d’autres chefs d’État africains qui, dès qu’ils se sentent critiqués par une presse dynamique, ferment immédiatement les médias concernés et jettent en prison les journalistes responsables.

C’est ainsi que se comporte le président de Gambie, Yahya Jammeh, par exemple. Nous avons également vu ce type d’attitude en Érythrée avec le président Issayas Afeworki, ou en Éthiopie avec le Premier ministre Meles Zenawi. Pas plus tard que cette semaine, le président de l’Ouganda a menacé la presse.

Anne Caroline Desplanques – mardi, 3 mai, 2011
ProjetJ.ca

Thu, 05 May 2011 00:08:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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