« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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Enquête express / Abidjan-Plateau / Difficultés de logements : Quand les Ivoiriens squattent les immeubles

Abidjan-Plateau. Dans le prolongement de l’avenue Delafosse se trouvent des immeubles qui ajoutent un charme certain à la cité des affaires. Ces belles bâtisses dans cette avenue rappellent bien que nous sommes, comme aime à le dire le premier magistrat de cette commune, dans la vitrine de la Côte d’Ivoire, « le petit Manhattan ». Tout est parfait dans cette artère sauf les peintures externes quelque peu défraichies. Cependant, dans le rayon de l’immeuble (pellieu), un édifice se présente comme un cheveu sur la soupe. C’est l’immeuble Shell, pris en ‘’sandwich’’ entre la résidence ‘’Belle rive’’ et la résidence Eden. Du haut vers le bas, son aspect crée une distorsion dans l’agencement architectural harmonieux de cette partie du Plateau. Et pourtant, le parking est bondé de véhicules de luxe. Petit renseignement pris, il s’agit d’un parking payant, géré des mains de maître par un habitant de cet édifice. En s’y aventurant, nous sommes hélés par un homme flegmatique avec des cheveux aux allures de rasta. Lui, c’est le gérant du parking de ce qui reste de l’immeuble ‘’Shell’’. « Où est-ce que vous allez ? », nous questionne-t-il. « Nous l’informons que nous sommes venus rendre visite à une tante qui y habite ». Cet argument fait office de visa. Et nous voilà en exploration dans l’immeuble ‘’Shell’’. Du Rez-de-chaussée jusqu’au dernier étage, les fils électriques pendent de partout. En cette saison pluvieuse, la dalle du premier étage suinte énormément. Pour accéder à chaque étage, il faut bien emprunter l’escalier fissuré de toute part. Les signalétiques des offices qu’abritait cet immeuble sont tout aussi vieillissantes que les locaux. Ce qui atteste qu’il y a longtemps que les locataires officiels ont plié bagages. Qu’à cela ne tienne, nous continuons notre exploration. Nous rencontrons une restauratrice venue faire sans doute des livraisons pour midi. « Est-ce qu’il y a des gens qui habitent au 3ème ». Notre interlocutrice répond par l’affirmative. « Oui, il y a des gens qui habitent ici mais il y a aussi des bureaux. Moi, je suis venue donner la nourriture à une amie qui ne se porte pas bien », dit-elle. Petite question et elle se met à table. « On vend ensemble et elle dort ici, c’est le week-end que nous rentrons à la maison », confie-t-elle. Toutefois, les poubelles disposées devant les portes sont un véritable indicateur que cet immeuble est squatté. Au quatrième étage, une femme sermonne son fils. La porte entrouverte de leur « appartement », laisse découvrir des fauteuils vieillissants et dégarnis. La disposition des choses fait penser à une caverne de brocanteur, tant les objets sont vétustes mais ils vivent bel et bien dans la commune du Plateau. Et le rayonnement de la ‘’Belle rive et Eden s’en trouve ramolli.

Qui sont ces ‘’squatteurs’’ ?

Le gérant du parking, finit par accepter de se prêter à nos questions et nous renseigne au mieux. « Mon cher ami, est ce qu’à Abidjan, il y a des maisons ? Les gens se débrouillent ici. Tout le monde vit ici, il y a des fonctionnaires, des bonnes, des chauffeurs, des techniciens de surface… mais il y a quand même quelques bureaux et cabinets d’études. Ce n’est pas parce que les gens s’y plaisent mais c’est la situation. C’est mieux qu’aller dormir à la mosquée du Plateau », nous confie-t-il. Cependant, quand on lui pose la question de savoir qui perçoit le loyer, le gérant du parking qui refuse qu’on l’appelle Rasta, se rétracte et lance une interrogation. «Moi, je me débrouille en surveillant les voitures du parking. Mais pensez-vous que quelqu’un qui touche 30.000 FCFA ou 45.000FCFA le mois peut se louer une maison à Abobo ou même Yopougon et venir chaque matin travailler au Plateau ? », questionne-t-il. Un jeune homme que nous croisons avec un seau d’eau à la main au deuxième étage n’en dit pas plus. « Moi je ne vis pas ici, je suis venu faire des réparations, c’est parce qu’il n’y a pas d’eau là haut que je suis là. La plomberie est défaillante ici », explique-t-il. Visiblement gêné par notre préoccupation. Alors que nous quittons les lieux, le vigile de l’immeuble mitoyen, nous fait savoir que pour savoir qui sont ceux qui squattent cet immeuble, il faut plutôt venir la nuit. Dans la ruelle qui mène à l’immeuble de la CNPS, pas besoin d’exploration. Les foyers avec bois de chauffe sont perceptibles au rez de chaussée. En attendant que le propriétaire achève sa bâtisse, elle est squattée. Les cordes de linge supportent tant bien que mal des habits et draps en cette journée un peu ensoleillée.

Les astuces pour squatter

Pour M. A. Boa qui gère son cabinet de communication à l’immeuble Nassar sis à la rue du commerce, ce n’est pas seulement l’immeuble Shell du Plateau qui est squatté. « Il y a plus d’immeubles squattés que les gens pensent au Plateau. Même à la Rue du commerce, beaucoup de personnes passent la nuit, faute de moyens dans des magasins. Que ce soient les petites vendeuses ou même des commerçants », nous confie-t-il. Avant d’indiquer que pour les commerçants ambulants, l’astuce est de se faire passer gardien des lieux une fois la nuit venue. Si on ajoute à cette information, les enfants de la rue qui dorment dans l’immeuble de l’Union européenne, maintenant immeuble de la Sorbonne ou même sur les tables ou les bancs et ce bâtiment abandonné non loin du quai fruitier, il est bien aisé de comprendre que la situation est critique

Avec le partenariat de l’Intelligent d’Abidjan / Par K. Hyacinthe

Thu, 15 Jul 2010 03:49:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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