Enquête-express / Ecole de danse Rose Marie Guiraud : L’EDEC, un patrimoine qui se meurt

Photo : DR
Créée en 1973 par Rose Marie Guiraud avec des jeunes du Lycée Classique d’Abidjan et d’européennes, amoureuses de l’Art africain, l’Ecole de danse et d’échange culturel (EDEC) a perdu son lustre d’antan. Clôture délavée et incomplète, champs de maïs et d’arachide ça et là. Bâtiments en ruines ou non achevés. C’est le spectacle qui s’offre à tout visiteur de la naguère prestigieuse école basée à la Riviera-Palmeraie. Seulement trois bâtiments et quelques cases sont disponibles. Le directeur adjoint de l’EDEC, Tié Lazare avec émoi explique. « Il n’y a que deux dortoirs pour les 45 étudiants que compte le centre à ce jour. L’un d’entre eux a été réhabilité grâce a l’un de nos étudiants, aidé par une mairie en Espagne. Le second qui était en réalité des classes de cours a été transformé en dortoir vu le nombre croissant d’étudiants». Le troisième logis a été rénové grâce à une société de téléphonie mobile qui en avait fait la promesse après la victoire de Lyne Guiraud, fille de la fondatrice au concours Passionaria organisé en 2006 par Yves Zogbo Junior. Malheureusement, indique le directeur adjoint, cela n’a pas suffi. « Malgré leur bonne volonté, les actions sont restés superficielles. Ils ont refait la peinture, les portes, déversé du gravier et planté du gazon. Pourtant, il y a des constructions qui ne sont pas terminées. On aurait voulu qu’il le fasse pour nous », a-t-il souhaité. L’auditorium qui devrait abriter les vestiaires et la grande salle de spectacle pouvant accueillir plus d’une centaine de personnes sont laissés à la merci des souris, des cafards et des algues.

Les ‘’Guirivoires’’, confiants malgré tout
9 heures du matin. Tout le monde en piste, la répétition commence. Bien avant, un peu d’échauffement pour réveiller les uns et les autres et c’est parti. C’est ainsi du lundi au jeudi. Les ‘’Guirivoires’’, étudiants de l’EDEC, ne comptent pas laisser le manque de moyen matériel et financier suscité en eux le découragement qui peut conduire à l’abandon de leur passion : l’art. « Ces danseurs et danseuses que vous voyez, sont des personnes qui n’ont pas de famille ou qui vivaient dans la rue. Nous les avons recueillis pour leur apprendre quelque chose et faciliter ainsi leur insertion sociale. Nous leur avons appris la danse, le théâtre, la peinture et tout ce qui concerne l’art africain. Aujourd’hui, ce sont des professionnels passionnés. Ils se battent pour que leur travail soit reconnu à travers des festivals nationaux et internationaux», a expliqué Tié Lazare. Outre la danse, les ‘’Guirivoires’’ s’adonnent à de petites activités lucratives telles que, la coiffure, la vente de nourriture et de boisson. Ils ont eux-mêmes construit des hangars aux alentours du centre de formation pour cela. « Il faut bien que nous arrivions à faire face aux différentes factures chaque fin de mois. Et cela est difficile dans la mesure où, depuis le départ de Rose Marie Guiraud, nous n’avons de pas grands moyens. Personnes ne pensent à nous. Alors, nous avons réduit les répétitions à une seule par jour. Et dans l’après-midi, chacun se cherche», a-t-il indiqué avec tristesse.

‘’Le cri des oubliés’’ dans la Palmeraie
Pour les étudiants de l’EDEC, la situation se détériore tout simplement parce que les Ivoiriens, disent-ils, n’aiment pas leur culture. « Les troupes de danse s’en sortent plus à l’étranger puisque là-bas, les gens se déplacent nombreux aux différents spectacles. C’est dommage, quand en Afrique, on ne reconnaît la valeur ou le mérite des artistes que lorsqu’ils sont morts », a commenté le chorégraphe Oulaï Bamba. Il est soutenu par son directeur adjoint qui a rappelé les beaux jours de la troupe les ‘’Guirivoires’’. « Spécialisés dans la danse traditionnelle Africaine et ivoirienne, nous avons participé au Masa (Ndlr ; Marché des arts et du spectacle africain), aux festivals d’Avignon et Vaucluse en France avec la création ‘’Le cri des oubliés’’. Un scénario écrit par Rose Marie Guiraud pour être la voix des sans voix. Une confrontation de la tradition avec le modernisme », s’est-il souvenu. Depuis, l’EDEC peine à signer des contrats pour des spectacles aussi bien au niveau national qu’international. Quand cela arrive, c’est une ou deux fois dans l’année. « Tous ceux qui ont des troupes de renom aujourd’hui sont partis d’ici. Marie Rose est la pionnière et première chorégraphe de Côte d’Ivoire. C’est triste de voir qu’elle et son école ont été mis aux oubliettes », a regretté Tié Lazare. Pour y remédier, la direction a instauré des spectacles tous les vendredis à partir de 19 heures au sein de l’EDEC et des activités culturelles pendant les vacances. Mais là encore, ceux qui y participent sont comptés sur le bout des doigts

P.A.T.

Fri, 16 Jul 2010 02:07:00 +0200

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