« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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Interview / Cellou Dalein Diallo (candidat de l’UFDG en Guinée) : ‘’Rien ne s’oppose au retour de Dadis Camara’’

Après Ibrahima Bary les semaines passées c’est à votre tour de venir à la rencontre des Guinéens de Côte d’Ivoire. Qu’est ce qui justifie cette ruée vers vos compatriotes vivant en Côte d’Ivoire ?
Comme vous le savez, il y a une forte communauté guinéenne qui vit en Côte d’Ivoire. Une partie non négligeable de cette communauté s’est fait enrôler ici. On a ici environ 27.000 enrôlés ce qui n’est pas négligeable dans la compétition qui va être serrée. Et chacun veut s’attirer les faveurs de cette communauté guinéenne. En ce qui concerne l’Ufdg, c’est une fédération dynamique avec beaucoup de militants au sein de cette fédération. Je suis donc venu répondre à l’invitation de cette fédération et j’ai demandé une audience auprès des autorités de ce pays pour leur faire part de ma candidature et leur dire que je suis attaché en particulier à la coopération ivoiro-guinéenne dans le cadre bilatéral mais également dans le cadre de la Cedeao et de la Mano River Union.

Si vous arriviez au pouvoir en Guinée comment vous y prendrez-vous face au dossier Dadis Camara et plus généralement face à tous ceux qui ont géré la transition ?
Il n’y a pas un « dossier Dadis », il y a les événements du 28 septembre. Il y a de présumés coupables selon un certain nombre de rapports dont celui de la commission d’enquête internationale, de certaines Ong comme ‘’Human Right Watch’’. Mais il n’y a personne d’abord qui ait été déclaré coupable. L’important c’est que les enquêtes soient menées et que ceux qui sont présumés coupables viennent se défendre devant les tribunaux compétents. Soit les tribunaux guinéens, soit la cour pénale internationale qui s’intéresse déjà au dossier.

Dadis va-t-il rentrer à Conakry si vous arriviez aux affaires ?
Il n’y a rien pour le moment qui s’oppose à ce que Dadis rentre en Guinée. Pour l’instant c’est un citoyen guinéen qui n’a pas perdu ses droits. A ce que je sache, il n’a jamais été condamné. Mais je dis que les investigations sur les événements du 28 septembre 2009 sont entrain d’être menées et je pense que ceux qui sont présumés responsables de ces événements vont répondre devant les tribunaux qui décideront de leur culpabilité ou non. Donc je pense que pour le moment, Dadis est un citoyen qui jouit de tous ses droits et qui peut à mon avis revenir en Guinée.

Qu’est ce qui fonde votre espoir avec le Général Sékouba Konaté à qui vous avez rendu un hommage appuyé pour son engagement à organiser des élections ?
J’avais déjà dit à un moment donné que la Guinée ne devait pas désespérer de son armée. J’avais dit que je pense qu’il y a des hommes qui sont conscients de leur responsabilité au sein de cette armée. J’avais même dit aussi qu’on aurait sans doute des républicains et des démocrates au sein de cette armée. Et bien le Général Sékouba en est un. Imaginez vous un officier, jeune comme lui, qui prend le pouvoir et qui décide d’organiser des élections sans y prendre part, prend toutes les dispositions pour que les élections soient organisées à bonne date dans les délais impartis et en exigeant que ni lui, ni son premier ministre, ni les membres de son gouvernement de transition ne soient candidats. C’est là, un acte qui mérite d’être salué.

Le dire simplement constitue-t-il un gage de confiance. N’avez-vous pas le sentiment que le Général a un candidat ?
Je n’ai aucun soupçon. Je considère que c’est un patriote, intègre et honnête qui tient à l’équité des élections. Pour le moment je n’ai aucune raison de douter de sa confiance.

Il se raconte qu’après plus de 50 ans d’indépendance, c’est la première fois que les guinéens ont l’occasion de s’offrir véritablement un Président de la république. Est-ce votre avis ?
Je pense que les meilleures conditions sont réunies. D’abord le président en exercice, les membres du gouvernement de transition ne sont pas candidats. C’est un atout majeur pour la promotion de la démocratie. N’oubliez pas que dans notre pays c’est le président de la république qui nomme les préfets, les gouverneurs, les juges et qui peut influencer la désignation des responsables de la Ceni (Ndlr : commission électorale nationale indépendante). Lorsque celui-ci est candidat, les élections ne peuvent être aussi équitables que souhaitées. Dans ce cas de figure, les guinéens ont une opportunité exceptionnelle. Et lorsqu’un responsable agit ainsi, il mérite d’être salué, respecté et félicité.

Il y a plusieurs candidatures qui sont annoncées pour cette élection. La pluralité de candidatures n’est elle pas une menace pour la cohésion de la Guinée ?
La pluralité de candidatures est une chose normale dans la démocratie mais il faut que les guinéens et les leaders politiques fassent preuve de maturité et de responsabilité. Qu’on considère que c’est comme une compétition sportive où l’on s’engage avec l’acceptation à priori des résultats. Vous souhaitez qu’il y ait des arbitres neutres et impartiaux mais vous êtes prêt aussi à accepter la défaite tout comme vous souhaitez la victoire. Je souhaite que tous les leaders, tous les responsables et tous ceux qui vont s’engager dans la compétition se respectent, qu’ils évitent la violence, les injures et que chaque candidat présente son programme et que le débat soit organisé afin que notre peuple puisse choisir en toute connaissance de cause.

Monsieur le Premier ministre, vous n’êtes pas nouveau sur la scène politique guinéenne. Vous avez été ministre après avoir occupé de hautes fonctions sous le général Lassana Conté. Aujourd’hui que proposez-vous de nouveau aux guinéens ?
J’ai dit que la première de mes priorités c’est la mise en place d’un état de droit, l’amélioration de la gouvernance et la deuxième priorité pour la Guinée et son avenir c’est le système éducatif. Il faut que la Guinée puisse disposer d’un système éducatif performant. La troisième priorité c’est les infrastructures. Les guinéens doivent avoir accès à de l’électricité de qualité, à un prix abordable, à de l’eau courante dans les villes, de l’eau potable dans toutes nos campagnes. Les ressources hydriques de la Guinée le permettent et à moindre coût. Seulement il faut une volonté, un gouvernement responsable qui s’attèle à cela de manière sérieuse en améliorant la gouvernance des entreprises qui sont chargées d’exécuter ces travaux. Il faut moderniser l’agriculture pour la rendre compétitive. Nous proposons aussi une gestion judicieuse du secteur minier qui est un atout majeur pour le développement de la Guinée. Il faudra des politiques susceptibles de favoriser l’insertion et l’emploi des jeunes. Nous avons une jeunesse désœuvrée dont la plupart se trouve à l’extérieur de nos frontières. Il faut créer des opportunités pour cette jeunesse pour qu’elle reste en Guinée et qu’elle contribue au développement de ce pays et qu’on favorise son épanouissement. Il y a certes beaucoup de priorités mais celles que je viens d’évoquer seront les priorités des priorités de mon gouvernement.

Justement pour réussir ce programme, il vous faudra le soutien non seulement des guinéens mais également de vos partenaires extérieurs comme la France. Comment entrevoyez-vous la coopération avec la France ?

La France est un partenaire privilégié qui a longtemps été le premier bailleur de fonds du pays. On aura besoin de décomplexer complètement les relations franco-guinéennes. Il faut que ce soit des relations sereines. Nous partageons beaucoup de choses : la langue, une histoire commune, une série de facteurs qui font que la relation avec la France doit être une relation privilégiée dans le respect mutuel et dans l’intérêt bien compris des deux pays.

Vous êtes également économiste et en tant que tel, pensez-vous que le franc guinéen, dans les conditions actuelles, peut impulser le développement économique de votre pays. N’y a-t-il pas lieu de faire adhérer la Guinée à une zone monétaire ?
Je suis un fervent militant de l’intégration africaine. A cet égard, je pourrai envisager l’adhésion de la Guinée à la zone Franc. Mais la monnaie est une question de gestion. On peut avoir sa propre monnaie et si elle est bien gérée dans le respect des règles et des procédures habituelles, elle peut être une monnaie stable. Mais le Fcfa est devenu un facteur d’intégration de la sous-région. Et à cet égard, la Guinée n’exclut pas d’adhérer à l’Uemoa pour favoriser son intégration dans la sous-région.

En Côte d’Ivoire, on soupçonne de nombreux étrangers de s’être inscrits sur les listes électorales. Si certains de vos compatriotes se retrouvaient dans cette situation, quels conseils auriez-vous à leur donner ?
Je ne suis pas au courant de cette accusation et je ne sais pas que répondre à cette question. Je ne peux pas me mêler des affaires intérieures ivoiriennes.

Quels conseils avez-vous à donner à la classe politique ivoirienne pour sortir de la crise que vit la Côte d’Ivoire depuis 2002 ?
Lorsque la Côte d’Ivoire prospère, la Guinée prospère. Regardez cette forte communauté qui vit ici. Lorsqu’il y a crise ici, elle affecte nécessairement la Guinée. Je souhaite donc que la Côte d’Ivoire sorte de cette crise et qu’elle continue de prospérer. Ce sera à l’avantage du peuple ivoirien mais également à l’avantage du peuple guinéen. J’appelle tous les ivoiriens à plus de sérénité, à plus de compréhension afin que cette locomotive de l’Afrique de l’ouest puisse reprendre sa place et son rôle dans la sous-région.

Avec le partenariat de L’Intelligent d’Abidjan / Par Réalisée par S. Débailly

Wed, 19 May 2010 01:05:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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