« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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Interview / Pr Traoré Flavien :‘’Les élections à l’Université sont fortement influencées par la politique et l’argent‘’

Vous avez donné récemment, au cours d’une conférence de presse, un ultimatum de dix jours au gouvernement pour se pencher sur votre situation sociale. Faute de quoi, vous rentrerez en grève. Les dix jours sont passés et la CNEC n’est pas rentrée en grève. Qu’en est-il exactement ?
Il faut dire que, suite à notre conférence de presse, le gouvernement a fait un certain nombre d’effort, de sorte qu’aujourd’hui, nos agents comptables ont perçu la moitié des sommes nécessaires pour payer les heures complémentaires. Et, concernant la prime de recherche, celle de décembre 2009 va être pratiquement soldée, de telle sorte que l’Etat ne nous devra plus que la prime de juin 2010. Qui doit être payé à partir de la fin du mois de juin. Donc, je pense que dans l’ensemble, le gouvernement a posé les actes nécessaires qui vont dans le sens de l’apaisement. Voila pourquoi, vous n’avez pas encore vu d’Assemblée Générale ni de mot d’ordre appelant nos militants à mener des actions.

Précisément, quand la prime de recherche de décembre 2009 sera-t-elle soldée ?
Cette prime, il faut le dire a été payée à l’Université d’Abobo Adjamé, à l’INPHB, à l’ENS. À l’Université de Bouaké, 75% de cette prime de recherche de décembre 2009 ont été payées. Donc, le gros problème se situe surtout à l’Université de Cocody. Où, nous avons perçu la moitié de cette prime de recherche. Pour cela, nous avons exigé que l’autre moitié nous soit versée. Et le DG du trésor a promis verser cette somme le lundi (ndlr : hier) ou mardi (ndlr : aujourd’hui) prochain afin que la prime de recherche de décembre 2009 soit intégralement payée aux enseignants et aux chercheurs de l’Université de Cocody.

S’agissant de la revalorisation de vos salaires, où se situe actuellement le débat avec l’Etat?
Au niveau des salaires, il y a deux décrets qui ont été signés. Un décret portant grille particulière des enseignants du supérieur et des chercheurs et un autre décret portant sur la bi-appartenance des médecins, des pharmaciens et des chirurgiens dentistes universitaires. Ces deux décrets ont été satisfaits à moitié. C’est-à-dire, le surplus du revenu qui devait venir sur les salaires que nous percevons a été payé à moitié et l’autre moitié, on promet qu’elle sera payée lorsque la Côte d’Ivoire sortira du PPTE. Sur ce sujet, nous ne sommes pas tout à fait d’accord. Parce qu’il faut que l’Etat nous donne une date. La sortie du PPTE ne nous rassure vraiment pas parce qu’il n’y a pas de date fixée. C’est donc un combat qui doit être mené. Pour le moment, nous envisageons que cette situation puisse être réglée par la négociation. Nous avons écrit au ministre de l’intérieur afin qu’il nous reçoive et qu’il permette que des négociations s’enclenchent pour que nous puissions discuter de l’application effective de ces deux décrets.

L’élection à la Présidence de l’Université de Cocody s’est déroulée le vendredi dernier avec la victoire du Pr Aké N’gbo. Quelle est donc, l’espoir que vous placez en ce nouveau Président ?
D’abord, je souhaite que le nouveau Président de l’Université de Cocody avec tous les Présidents des autres Universités publiques, œuvrent au changement des textes qui régissent l’élection des Présidents d’Université. Ces textes sont tels qu’aujourd’hui la probabilité pour avoir un Président d’Université populaire et compétent est faible. Parce que ces élections compte tenu de leur mode sont fortement influencées par la politique et par l’argent. On achète les voix. Donc ceux qui sont élus à la tête de nos Universités Publiques, sont généralement des Présidents qui sont politiquement très soutenus et qui déboursent des sommes importantes pour acheter les voix. Et je crois que ce n’est pas vraiment la meilleure manière de voter un Président d’Université. Donc, pour moi, cela doit changer, c’est pourquoi, la CNEC a proposé un enseignant, une voix. Nous avons proposé que tous les enseignants votent. C’est-à-dire à l’Université de Cocody, les 1200 enseignants doivent voter, de la même manière que tous les enseignants de Bouaké et d’Abobo-Adjamé doivent élire leurs Présidents et non seulement les membres du conseil comme les textes actuels le stipulent. Je pense qu’avec les expériences que nous avons, nous pouvons affirmer qu’avec ce mode actuel, la probabilité d’avoir un Président populaire et efficace est faible.

A entendre le Pr Traoré Flavien, les élections à la Présidence de nos Universités publiques, sont plus politiques qu’académiques?
Vous savez de façon traditionnelle que l’enseignement supérieur et la recherche scientifique sont considérés comme un secteur de contestation. Donc la classe politique essaie pour cette raison d’avoir la main mise sur ce secteur d’activité. On y met beaucoup d’argent, plusieurs millions de FCFA, lorsqu’il y a des élections. Et ces facteurs font que, souvent, arrivent à la tête de ces Institutions des personnes qui ne sont pas très populaires et des personnes qui ne sont pas également très compétentes. Ce que nous souhaitons c’est que tous les enseignants et chercheurs d’une Université puissent voter le Président de l’Université. Pareil pour le Directeur d’un centre de recherche qui doit être voté par tous les chercheurs du centre. Même dans les Grandes Ecoles où les Directeurs sont encore nommés, il faut que ces derniers soient aussi votés par tous les enseignants et tous les chercheurs. Ainsi il sera très difficile aux politiques de corrompre la grande majorité des enseignants. Ce qui permettra d’accroître la probabilité d’avoir à la tête de ces structures d’enseignement supérieur des personnes populaires et compétentes. Sur ce sujet, la CNEC a fait des propositions au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Mais depuis plus de trois ans, ces propositions n’ont pas été retenues par ce ministère. Toutefois, nous allons continuer le combat pour que dans quatre ans les textes puissent être modifiés afin que tous les enseignants du supérieur et tous les chercheurs des Universités publiques, des Grandes Ecoles, et les chercheurs des centres de recherches puissent participer sans exception à la désignation de celui qui va avoir la destinée de leur structure.

Au niveau de la redynamisation de l’Université de Cocody, quelles sont vos attentes vis à vis du nouveau Président de cette Institution ?
Je souhaite que le nouveau Président de l’Université de Cocody et les Présidents des autres Universités publiques accompagnent vraiment les syndicats que nous sommes dans l’amélioration des conditions de vie des enseignants du supérieur et des chercheurs. Ça n’a pas toujours été le cas. En général, ils se mettent dans la peau d’administratif pour mener des combats contre les syndicats. Et ça, ce n’est pas normal. Dans les autres corporations comme les magistrats, comme le corps préfectoral, souvent, ce sont même les représentants du secteur qui œuvrent à l’amélioration des conditions de vie de la corporation. Donc nous souhaitons que le nouveau Président puisse collaborer avec les syndicats de façon à améliorer nos conditions de vie. Au niveau des conditions de travail, il y a un manque criard d’infrastructures qui est connu de tous, il y a aussi un manque d’enseignants, ce qui fait que la qualité de l’enseignement baisse. Il y a également l’insuffisance de matériel didactiques et le manque de matériels de recherches. C’est un ensemble de problème qui perdure depuis plus d’une décennie et qu’il serait bon que les nouveaux présidents d’Université puissent œuvrer à l’amélioration de ces conditions de travail. En outre, je souhaite qu’ils puissent insister auprès du gouvernement pour qu’il y ait une adéquation entre les recherches effectuées dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, et les problèmes du développement de la Côte d’Ivoire. Parce que, souvent les recherches qui sont effectuées, se font à titre personnel et ne sont pas de concert avec les problèmes économiques et sociaux. Il est vraiment dommage que l’élite intellectuelle que nous sommes, travaille sur des axes de recherche qui n’ont aucune adéquation avec les besoins de la Côte d’Ivoire. Je pense que sur ces trois axes, nous comptons sur les nouveaux présidents d’Université pour mener des actions afin de sortir l’enseignement supérieur et la recherche scientifique de la situation déplorable dans laquelle, ils se trouvent. Par ailleurs, la CNEC a produit un document où on trouve plusieurs solutions en vue de régler les nombreux problèmes de l’enseignement supérieur. Une copie de ce document a été remise au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et une autre copie a été également remise à la Première Dame.

Avec le partenariat de L’Intelligent d’Abidjan/ par R.D

Tue, 18 May 2010 07:56:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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