« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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Pourquoi Charles Konan Banny doit démissionner

Après la « capturation » (merci Madame la ministre Kandia Camara pour avoir enrichi notre vocabulaire) de son adversaire Laurent Gbagbo et son installation au palais par les forces françaises, Alassane Dramane Ouattara a cru bon de mettre sur pied une commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) dirigée par le premier ministre Charles Konan Banny et chargée de réconcilier les ivoiriens qui ont vécu dix ans d’une drôle de guerre dont les élections présidentielles ont été l’apothéose. Alors, selon le président de cette commission, c’est pour guérir cette plaie et mettre le pays à l’abri de nouvelles commotions que le Président de la République a institué la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR).
« Être un artisan du retour d’une paix véritable et durable en Côte d’Ivoire», telle  est la vision de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation  qui a pour mission générale d’œuvrer à la réconciliation et au rétablissement d’une paix durable entre toutes les communautés vivant en Côte d’Ivoire.
Cette noble mission assignée à cette commission sera dévoyée par Alassane Dramane Ouattara.
Entre les actes qu’il pose au quotidien et la vision de cette commission, il y a un hiatus.
En pareille situation, le chef de l’Etat est censé donner l’exemple par ces actes, par ses prises de parole etc. puisqu’il est le garant de l’unité nationale comme le prescrit notre Constitution. Mais que non ! Bastonnades, arrestations arbitraires, exécutions extrajudiciaires, gel de compte, occupations illégales de domiciles, traques des personnalités et journalistes de l’opposition constituent le lot de souffrance que vivent les pro-gbagbo chaque jour avec la bénédiction d’ADO « solution ».
Alassane Ouattara nous a enfin fait comprendre tout dernièrement qu’il est venu au nom de sa «tribu » pour régler des comptes. L’opinion extérieure qui croyait à une division entre les ivoiriens tout bord confondu doit se rendre à l’évidence qu’il n’en est rien. Le chef de l’Etat vient de poser clairement le problème : c’est une guerre entre d’un coté les ivoiriens « dioulas » du Nord qui représentent 40 % de la population dont il est le porte-flambeau et les ivoiriens de l’Est, de l’Ouest, du Centre et du Sud qui représentent en tout et pour tout 60 % de cette population.
Selon l’ancien gouverneur de la Bceao, Charles Konan Banny, à la CDVR, les crimes commis seront exposés, leurs auteurs seront identifiés et les souffrances des victimes seront reconnues. Ce qui favorisera la mise en œuvre des réparations morales et des préjudices subis.
Si par victimes, notre président réconciliateur pensait à tous les ivoiriens, qu’il sache que son chef vient de réduire la liste. Elles sont déjà reconnues. Il s’agit uniquement des « dioulas » qui représentent 40 % de la population du Nord. Cette population est la seule à avoir subie des préjudices donc elle seule bénéficiera des réparations. Ces réparations seront justes des « rattrapages », rien d’autres.
Alors, Charles Konan Banny doit avoir le courage de rendre sa démission parce que son chef vient de lui tirer une balle dans le pied.
Cette noble mission qu’il comptait bien mener est d’avance vouée à l’échec par la faute de son chef qui vient d’élargir cette fosse déjà béante laissée par dix ans de guerre des rebelles du Nord.

Et si « Le rattrapage » n’était en fait qu’une épuration ethnique ?

Les incidents qui émaillent nos villes ces derniers temps sont inquiétants. Hier, c’étaient à Yopougon, Sikensi, Lopou, Dabou, Gagnoa, Bonoua, Bassam, Toulepleu, Guiglo, Bouaké, Abengourou etc. où il y avait des heurts entre communauté principalement entre les dioulas et les autres groupes ethniques. Aujourd’hui, c’est à Arrah, à Soubré, à Galebré que le feu s’est déclenché. « Le nouveau réveil », le journal de Bédié nous parle d’un front qui se prépare à Béoumi.
La population ivoirienne vit au rythme de la valse des FRCI, l’armée tribale « rattrapée » d’Alassane Ouattara.
Ce matin, je parcourais les titres des journaux avec un ami mien. Après avoir lu les manchettes qui traitaient de la barbarie des FRCI à Arrah, il m’a sorti cette interrogation qui m’a fait froid dans le dos : « Et si le "rattrapage" d’ADO n’était en fait qu’une épuration ethnique programmée ? ».
A chacun de le méditer.

Charles Tiekpo
tiekpocharles@yahoo.fr

Thu, 16 Feb 2012 15:26:00 +0100

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La Dépêche d'Abidjan

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