« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Arts et Culture

Zoo humain : L’histoire d’un village ivoirien, installé dans un parc zoologique à Nantes, racontée par le documentaire “Village Bamboula”

En 1994, 25 hommes, femmes et enfants ont vécu six mois retenus dans un parc animalier à Port Saint-Père dans la relative indifférence de la société de l’époque, avec la bénédiction des pouvoirs publics. Cette histoire est liée à celle d’un biscuit chocolaté vendu dans les années 80 : Bamboula.

Du documentaire de Yoann de Montgrand et François Tchernia, on ressort abasourdi, sidéré, atterré. Comment cela a-t-il pu arriver il y a moins de 30 ans, en France ?

Comment, alors que Nantes vient d’organiser en 1992 Les Anneaux de la Mémoire, première exposition internationale sur la traite et l’esclavage en Europe, en arrive-t-on deux ans après à montrer des hommes, des femmes et des enfants dans un village ivoirien reconstitué au cœur d’un parc animalier à 30 kilomètres de là ?

Dans l’esprit de ses promoteurs il s’agissait de développer le tourisme dans le Pays de Retz et de créer de l’emploi. Et de permettre à des sponsors d’associer leur marque à l’attraction et parmi eux, la biscuiterie Saint-Michel qui avait vu là un tremplin pour son produit-phare de l’époque : le sablé chocolaté Bamboula.

Cette histoire-là démarre en 1985 : sur un segment très concurrentiel ou règnent Prince, Pépito ou Granola, la biscuiterie Saint-Michel lance son propre biscuit: il s’appellera Bamboula. Peut-on ignorer à l’époque déjà le caractère péjoratif du mot ? Les études marketing qui précèdent le lancement n’en disent rien, et la commercialisation est un succès.

La marque est perçue comme sympathique, une mascotte est créée : un petit bonhomme noir sympathique, vêtu d’une peau de bête façon Tarzan et coiffé d’un béret basque au motif Léopard.

Les produits dérivés pullulent : aventures en BD, autocollants, figurines, création d’un 3615 Bamboula. Nul doute, nous sommes dans la France des années 80, celle des débuts de “Touche pas à mon pote” en même temps que celle d’Intervilles qui présente à la télévision un jeu où des mascottes géantes de Bamboula se font courser par des vachettes.

Quelques années plus tard en 1992, un projet d’envergure voit le jour à Port Saint-Père en Loire-Atlantique : le Safari Africain, né de l’imagination d’un entrepreneur qui ne ménage pas sa peine, Dany Laurent. Un vaste zoo que les visiteurs parcourent en voiture, pour y admirer la faune sauvage qui y a été installée et y vit la journée en plein air. 600 000 visiteurs sont attendus, l’entreprise est soutenue par le Département de Loire-Atlantique et la Région des Pays de la Loire.

Attraction familiale inspirée des univers africains très en vogue à l’époque dans la culture populaire, le Safari Africain correspond au positionnement marketing de Saint-Michel.

Et c’est tout naturellement que la marque va sponsoriser l’espace de boutiques et de restauration qui accueille le public à l’issue de la visite : ce sera “Le village de Bamboula”.

On y entre par une arche où figure l’inscription aux côtés du logo de Saint-Michel, gardée par une version géante de la mascotte Bamboula.

Le Safari Parc et Saint-Michel font un mariage d’intérêt. Deux ans plus tard, ce sera un mariage pour le pire.

En 1994, Dany Laurent se déplace aux obsèques du président Ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Il a des contacts sur place, qui lui permettent de mettre en œuvre sa nouvelle idée : pourquoi ne pas créer au sein du parc un village Ivoirien qui aurait l’air authentique pour des visiteurs français en mal d’exotisme ? Tous les matériaux sont importés de Côte d’Ivoire et rapidement, un village de cases “traditionnelles” s’élève dans l’enceinte du parc animalier.

Les “habitants” en seront des artisans qui viendront faire la démonstration à plein temps et devant le public de leurs savoir-faire  traditionnels, mais aussi des musiciens et danseurs. Eux font partie d’une troupe, le Djolem, dont le leader Salif Coulibaly a signé un contrat de 6 mois avec la direction du Parc. En mars 1994, les ivoiriens arrivent à Port Saint-Père. Parmi eux, des enfants séjournant sans leurs parents.

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NB : Titre de la rédaction

 

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La Dépêche d'Abidjan

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