« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Arts et Culture

Essai sur l’Infériorité de l’Afrique

La véritable plaie de l’Afrique est le racisme dont elle est victime de la part des autres, notamment les Blancs  – c’est-à-dire les Européens judéo-chrétiens et les Arabes musulmans – qu’imitent à leur tour les Asiatiques, qu’ils soient proto-Chinois ou proto-Indiens, bouddhistes ou hindouistes.

Pancarte à Durban expliquant que la place est uniquement réservée aux blancs conformément à l’article 37 de l’arrêté de Durban sur la plage. Les langues exposées sont l’anglais, l’afrikaans et le zoulou, la langue de la population noire habitant en zone de Durban.

Ce racisme est la cause du malheur continu de l’Afrique. Il a été la cause de l’esclavage – les Blancs nous réduisaient en esclave, parce que nous étions des Noirs, leur contraire non seulement en couleur mais aussi en nature, nous étions des êtres sans âme, là où eux en avaient et pouvaient juger les autres. Le même racisme a été la cause de la colonisation qui avait pour projet de civiliser les sous-hommes que nous étions.  Le racisme est aussi la cause de tous les tourments actuels de l’Afrique, derrière lesquels on retrouve toujours le Blanc bien qu’il prétende être parti, bien qu’il prétende avoir aboli l’esclavage, bien qu’il prétende avoir donné leur indépendance aux Africains.

C’est le racisme qui est la cause de ce qu’on appelle le néocolonialisme mais qui n’est que la continuation du colonialisme, dans une sorte de fausse nouvelle ère consécutive aux parodies d’indépendance ; roublardise, par certains côtés ahurissant, qu’on ne peut infliger qu’à des gens considérés comme des demeurés, de grands enfants qui ne comprennent rien à rien.

Par exemple, dans la sphère française, c’est le racisme qui est la cause de l’arnaque du franc CFA. Sinon, comment expliquer que des États, prétendument souverains, ne soient pas autorisés à émettre leur propre monnaie et doivent se la voire battre, émettre et gérer par un autre État, d’un autre continent, qui se trouve être celui qui prétend leur avoir donné l’indépendance ? Comment se fait-il que ces états monétairement émasculés voient plus de la moitié de leur devise confisquée depuis plus de soixante ans par cet état colonial membre éminent de l’ONU, qui feint de n’en rien savoir ?

C’est le racisme qui est à l’origine de l’ascendance politique des puissances occidentales sur les États africains, de leur paternalisme. C’est le racisme qui les amène à imposer des satrapes à la tête des États africains au prix de guerres et de coups d’État plus ou moins sanglants et fratricides. Combien d’États européens ont jamais tenté de faire élire le président de la république de Chine ? Or en Afrique, ils ne font que ça, jour et nuit et ne s’en cachent pas, bien au contraire !

Carte postale représentant le lynchage de Lige Daniels, 16 ans, à Center au Texas, le 3 août 1920.

C’est le racisme qui instaure un mode d’échange impair entre les Blancs et les Noirs où d’un côté les uns entrent en Afrique comme chez eux, et les autres, les Noirs sont soumis au visa ; c’est le racisme qui fait que d’un côté les prix des matières premières sont en baisse continue et sont fixés par les Blancs alors que les prix des services et des produits manufacturés venant de chez eux augmentent sans arrêt.

C’est le racisme qui justifie la présence et la prolifération des bases militaires en Afrique. Les bases militaires étant pour l’époque actuelle ce que furent les comptoirs aux temps pré coloniaux et coloniaux. C’est le racisme qui justifie l’invasion actuelle du Sahel transformé en eldorado masqué où sous prétexte de lutter contre le terrorisme, les Blancs se ruent, pillent les richesses du sol et du sous-sol,  et mènent des opérations diverses pas souvent militaires dans une scandaleuse opacité. Depuis quand les Blancs nous aiment-il à ce point, pour être soudain si soucieux de nous protéger des dangers du terrorisme, alors que peu leur chaut si nous mangeons à notre faim ou si nous mourons de maladies diverses ?

C’est le racisme qui entraîne l’acharnement sur nos richesses et non l’inverse. Voici la preuve : Prenez toutes les richesses du sol et du sous-sol africains et allez les mettre sur le sol et dans le sous-sol de la Suède, du Danemark et de la Norvège ; et regardez ensuite si les autres Blancs – Américains, Européens – tenteront de mettre ces trois pays nordiques en esclavage, regardez s’ils essayeront de les coloniser, de renverser leur régime ; regardez s’ils tenteront de provoquer des guerres fratricides, des génocides ; regardez s’ils installeront des bases sur le territoire de ces trois pays nordiques !

En vérité, le racisme des Blancs à notre égard, c’est l’idée que nous ne méritons pas les richesses que le ciel à mis sous nos pieds, et qu’en tant qu’hommes véritables, il leur revenait d’en disposer coûte que coûte. Après tout, supposez qu’en lieu et place des Noirs, l’Afrique fût couverte de forêts boisées et peuplée de rhinocéros, d’éléphants, de zèbres, d’antilopes, de gnous, et bien d’autres essences caractéristiques de la savane. Que n’apparaîtra-t-il évident à leurs yeux de s’accaparer des richesses de ce continent peuplés d’animaux au besoin en massacrant ceux-ci ou en les capturant pour alimenter des divers zoos de leurs pays respectifs ? Et personne ne trouverait rien à y redire !

C’est ainsi que les Blancs voient les choses. Pour eux, le Noir est un occupant embarrassant voire indu des riches terres d’Afrique dont eux, hommes supérieurs et véritables ont le devoir sacré de prendre possession, par tous les moyens, par la violence ou la ruse. N’oublions pas qu’en Amérique, ils ont miné et exterminé une race humaine entière pour prendre possession de sa terre – qu’ils pouvaient bien partager humainement sans problème, une horreur qu’ils parviennent magistralement à banaliser ou dénier en plein jour de la conscience humaine.

C’est de ce génocide qu’ils n’ont pas pu faire en Afrique qu’ils nous hantent aujourd’hui avec notre infériorité de fait, d’essence imaginaire mais qu’ils s’échinent depuis des siècles à réaliser.

Adenifuja Bolaji

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La Dépêche d'Abidjan

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