« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Arts et Culture

Les Mystères d’Isis, source de Vie : religion matricienne et inversion judéo-chrétienne ?

Le judaïsme et le christianisme sont un dévoiement des mystères d’Isis et d’Osiris, où le pouvoir de Vie de la Déesse-Mère Isis est désormais détenu par le Dieu-Père Yahvé, la Sainte Esprit devient le Saint Esprit. Le christianisme n’est pas seulement un syncrétisme de cultes plus anciens, mais surtout l’inversion du culte d’Isis : la résurrection par le mystère de la croix de vie éternelle, ce n’est plus la Déesse-Mère mais désormais le Dieu-Père, Yahvé remplace et vole les attributs d’Isis. La religion est une mythologie symbolique, une allégorie du système de pensée de ses adeptes : le père et non plus la mère est source de la vie, et donc propriétaire de l’enfant. La loi des dieux légitime la loi des hommes : on passe du droit maternel au droit paternel, du matriarcat au patriarcat.

Le Grand Architecte spolie Isis

À Vienne, dans la Loge maçonnique Zur wahren Eintracht s’élabore une nouvelle interprétation de l’Isis-Nature. En 1787, le philosophe Karl Leonhard Reinhold (1757-1823) disserte sur les mystères hébraïques (Kabbale) et prend la suite de John Spencer et William Warburton en voulant démontrer que la Révélation de Dieu à Moïse n’est qu’un emprunt à l’antique sagesse des Égyptiens. D’une manière forcée, il assimile les paroles d’Isis « Je suis tout ce qui a été, qui est et qui sera » à celles que Yahvé prononça devant Moïse lors de l’épisode du Buisson ardent « Je suis qui je suis (YHWH) » (Exode 3:13-14).

 

Isis contre Moïse

Des secrets de la déesse du bonheur à la vengeance du dieu jaloux de Jean-Paul de Lagrave.

Isis, cette déesse éminemment solaire qui régna pendant trois millénaires, qui « a triomphé de la mort par l’amour », malheureusement réduite à son aspect lunaire par les Grecs, fut célébrée en Egypte, en Grèce et dans tout l’Empire Romain. Elle survécut au christianisme.

L’amour d’Isis triomphe de la mort

L’auteur a divisé son essai en trois parties. La première, L’amour d’Isis, traite « de la nature de cette divinité, la conception qu’en avaient les plus anciens adorateurs, son culte, ses mystères et son rayonnement ».

Le judaïsme, une hérésie venue d’Égypte

La deuxième partie « envisage les forces maléfiques qui s’opposent au règne de la déesse, sous la figure de Seth, le dieu jaloux et vengeur, le Yahvé de Moïse, prêtre renégat d’Héliopolis ». NDLR, d’après Manéthon, un prêtre égyptien cité par Flavius Josèphe (Contre Apion I: 237-266), écrit (vers -280).

Extermination du culte d’Isis

La troisième met en scène Isis « face aux persécuteurs du christianisme et de l’islamisme. De l’attaque du temple de Philae à la suppression des hiéroglyphes, du Moyen Âge des bûchers à la mutilation du Sphinx, les adorateurs de la déesse sont pourchassés, emprisonnés ou tués. »

Jean-Paul de Lagrave, par une succession de tableaux brefs basés sur les textes anciens, l’art égyptien antique, les inévitables Plutarque et Apulée, dresse peu à peu le portrait complexe de la déesse à la joie et au rayonnement infinis.

Dans la deuxième partie, il met en évidence les mécanismes religieux, sociaux et politiques de l’opposition du séthien Moïse au modèle pharaonique. Selon l’auteur, Yahvé présente toutes les caractéristiques de Seth, féroce, colérique, rigoriste, menaçant.

Religion d’amour et non de crainte

« Les antiques religions solaires, nous dit-il, présentaient dans l’ensemble un visage plus ouvert et plus accueillant que la religion dite monothéiste des Hébreux. Celle-ci culpabilisait ses fidèles d’une façon traumatisante et bien susceptible d’assombrir leur vie. Saint Paul (Saul de Tarse) devait être pour les chrétiens le théoricien implacable du « péché originel », et la hantise du péché sous toutes ses formes marquerait profondément le christianisme, issu du judaïsme. Or, l’âme du véritable croyant d’Isis était habitée par l’amour non par la crainte. »

La résistance isiaque

Dans la dernière partie, Jean-Paul de Lagrave montre comment se mit en place peu à peu une véritable politique inquisitoriale hostile au culte d’Isis. Des foyers étonnants de résistance apparurent toutefois comme ces Blemmyes, derniers adorateurs de la déesse, Bédouins du désert de Nubie, qui résistèrent sept décennies à la Byzance chrétienne, maintenant une « religion joyeuse et douce » dont Isis était le cœur.

Une atteinte contre la liberté sexuelle

Et à travers Isis, c’est aussi la femme qui est atteinte et l’érotique joyeuse et réconciliatrice dont elle est l’initiatrice.

« Autant l’idéal égyptien d’une vie sensuelle manifestait une mystique de la beauté, autant les bûchers chrétiens, que la haine théologique du corps alluma en Occident, témoignent d’une véritable métaphysique de la torture. (…) De par son concept mystique du péché, l’Eglise chrétienne confiait aux bûchers, sans faire aucune distinction, tous les rebelles intellectuels, sexuels ou religieux. »

Ce livre, nécessaire introduction à une contre-histoire religieuse, invite à renouer avec l’enseignement de la Vallée du Nil, non dogmatique, non dualiste et lumineux.

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La Dépêche d'Abidjan

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