« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP

Ivoiriennes, Ivoiriens, et chers Amis !

Nous nous plaisons à continuer à rêver “éveillés “, et à clamer haut et fort, et sans discontinuer, que la Côte d’Ivoire est – et se doit d’être – un pays de démocratie moderne !
Pour nous donc, sa gouvernance doit être concentrée sur la réunion de tous les facteurs qui permettront de donner le maximum de valeur aux produits du pays, en priorité en mettant au travail son immense réservoir de compétences humaines. Condition préalable pour installer le pays sur une ligne de développement continu qui permettra d’assurer à tous ceux qui y vivent un niveau de revenu et d’existence correct, se rapprochant des standards mondiaux.

Et dire que c’est en cette même Côte d’Ivoire que le Président Alassane Ouattara prend, ce vendredi 3 mai 2024, des décrets de nomination, à la Présidence de la République et au District autonome d’Abidjan, qui nous ramènent à la dure et triste réalité que la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui se réduit à la seule volonté de l’Empereur qu’il campe désormais.

C’est avec amusement – et même mépris – que Mr Alassane Ouattara regarde s’agiter tous les opposants mobilisés contre son quatrième mandat ; son vaisseau spatial à lui a déjà dépassé cette escale, et est déjà entré dans les galaxies du pouvoir à vie.

Se trouvera-t’il une banderole pour interpeller les jeunes délégués de près de dix pays venus célébrer << Abidjan, capitale mondiale des libéraux 2024 >>? Se douteront-ils que leur mouvement et leurs idéaux sont froidement utilisés pour participer à l’événement Présidentiel d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire, et à l’avènement de l’Empire Ouattara ? Puisque changer totalement l’esprit des constitutions est désormais la formule favorite des dictateurs africains, pourquoi est-ce que celle du futur empire ne serait pas déjà prête, dans le vaisseau spatial ?

Oui, ces nominations qui ne peuvent se comprendre que par rapport à la volonté de faire fort aux élections présidentielles, nominations qui préfigurent le prochain régime monarchique puisque l’appareil d’État et ses moyens sont actionnés au service de la seule volonté du Prince et de ses intérêts, et de manière cinglante et ostentatoire !

Ivoiriennes, Ivoiriens, le combat social et politique en notre pays risque de se présenter sous un nouvel et autre angle, et imposer à tous ceux qui aiment ce pays de reprendre réflexions et analyses pour affronter l’Empire.

En attendant, revisitons ensemble un évènement d’actualité récente qui n’a pas, à notre avis, retenu toute l’attention qui lui est dûe.

Le mardi 27 février 2024, à l’Etat Major des Armées au Plateau, une convention a été signée entre l’armée des États-Unis d’Amérique (USA) et l’armée de Côte d’Ivoire. S’ajoutant à tous les textes qui lient déjà cette superpuissance à la Côte d’Ivoire depuis les années 1960, cet accord a été spécialement dédié au << partage des renseignements à travers un cadre mutuel, mention spéciale étant faite à la lutte contre le terrorisme >>.

Le gouvernement américain était représenté par son Ambassadeur en Côte d’Ivoire, une diplomate dont l’image est désormais familière à tous, puisqu’elle est sur tous les fronts, pour marquer la volonté de son pays de compter la Côte d’Ivoire comme partenaire privilégié dans la grande région Ouest africaine.
Elle a accompagné une autre dame, le Général de brigade Rose Lopez Keravuori, Directrice du Renseignement d’Africom, le haut commandement militaire des USA pour l’Afrique, basé à Stuttgart, en Allemagne.
Pour la Côte d’Ivoire, cela est rassurant, et cela apaise.

Tout comme, il y a quelques semaines, le 7 décembre 2023, l’Ambassadeur de Norvège, Mme Ingrid Mollestad, a signé avec le Ministre Ivoirien des Affaires Étrangères, un accord de renforcement des capacités militaires des Forces Armées Ivoiriennes, au terme d’une opération de crise simulée qui s’est déroulée à l’Académie Internationale de Lutte contre le Terrorisme de Jacqueville, (Flintlock édition 2022).

Et c’est dans la foulée, que les 28 et 29 avril 2024, la Côte d’Ivoire a reçu la visite du Général Michael Langley, le grand patron D’AFRICOM. Il a félicité l’armée Ivoirienne qui prouve des progrès significatifs dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.

La semaine précédente, c’est Charles Michel, le Président du Conseil Européen, qui était en Côte d’Ivoire, dans un souci identique, et a insisté sur la dimension exceptionnelle que tient le renseignement dans les conflits atypiques tels que le danger terroriste.

Il convient désormais que les Ivoiriens soient instruits du contexte global, qui a conduit à la réalisation de deux infrastructures précises sur leur terroir.

Tout d’abord l’Académie Internationale de Lutte contre le Terrorisme de Jacqueville, et ensuite la vaste aire d’hébergement des réfugiés, d’une capacité d’accueil de 50.000 personnes, dans le département de Ferkessédougou, à la frontière Nord Est du pays.

Pour les jeunes générations, nous sommes obligés de revenir à la fin de la deuxième Guerre Mondiale et à sa principale suite qui a été la division du monde en deux blocs ; l’ouest rassemblée sous l’autorité politique et militaire des États-Unis d’Amérique, et l’Est sous celle de l’Union Soviétique.

Les indépendances des années 60 ont vu les différents pays d’Afrique opter officiellement pour un bloc ou pour l’autre, des variantes et particularités s’y étant inéluctablement invitées et imposées.
Le Président Houphouet Boigny avait opté pour l’ouest avec un tel prosélytisme qu’il a été considéré comme une référence de l’Occident en Afrique Noire. Ce choix a grandement contribué au rapide développement économique de la Côte d’Ivoire même s’il est assorti de boulets qui continuent de plomber l’image de notre pays au plan africain.

Aujourd’hui, en 2024, et pour les décennies à venir, le facteur réfèrent du développement économique va désormais laisser la première place à celui de la stabilité et de la sécurité, des états comme des hommes.
Tous les pays se retrouvent dans une arène qui laisse peu de choix ou de marge de décision à leurs dirigeants. Les pays à faible capacité économique, donc au modeste potentiel militaire et de défense – comme la Côte d’Ivoire, sont condamnés à s’inscrire dans le pool de l’une des trois superpuissances dont le potentiel militaire intègre le nucléaire de dernière génération, la capacité à le déployer, le spatial et la communication par satellites.
Les grands pays qualifiés de puissance moyenne sont eux-mêmes obligés de se mettre sous le parapluie de ces super grands.
Les super grands eux-mêmes ont besoin d’avoir en permanence, dans leur écurie et à disposition, maximum de pays, de population et de potentiel géographique.

La Côte d’Ivoire a été inscrite par le Président Houphouet Boigny dans le grand camp occidental chapeauté par les États-Unis d’Amérique, avec pour bras armé l’OTAN, à l’invite naturelle de la France.
Les derniers pouvoirs militaires de la zone sahelo-sahelienne semblant opter pour une prise de distance nette envers la France, donc avec l’Occident,

Il faut donc s’attendre à ce que, à moyen terme, les États-Unis, l’Europe et l’OTAN fassent de la base de Jacqueville leur plus grande base du Golfe de Guinée.

Dans l’intervalle, l’assurance sécuritaire contre les djihadistes armés, qui sont une menace pour tous les pays du sud du Sahara, est entretenue en Côte d’Ivoire par le partenaire historique et privilégié qu’est la France; ce n’est pas la récente visite à Abidjan de l’envoyé spécial d’Emmanuel Macron vers les pays d’Afrique Noire ex colonies françaises qui le contredira.

Les jeunes de Côte d’Ivoire, qui seront les cadres et décideurs de demain, doivent être instruits de ce que leur pays est engagé auprès de l’Occident et de l’OTAN depuis le Président Houphouet Boigny. Que les avantages et inconvénients de ce choix puissent leur être expliqués, et surtout en dehors de toute émotion et de relation avec les figures de Emmanuel Macron désormais vomi des << néo souverainistes >> et de son binôme Ouattara. La Russie et la grande Chine, qui avance et est déjà en bonne et due place, sont à accueillir pour agrandir l’éventail des opportunités, mais sans oublier que la partie avec eux, BRICS ou pas, ne se présente pas du tout dans les mêmes termes qu’en 1960/1970.

Il nous paraît juste et relever du maximum de culture démocratique et républicaine qu’un sujet de première importance de ce genre soit largement exposé et explicité à notre population., ce qui contribuera par ailleurs à élargir sa perception du monde d’aujourd’hui et de ce qui peut être les limites de souveraineté d’un pays comme la Côte d’Ivoire, dans le contexte géographique et géopolitique qui est le sien.

Dans la fièvre de la préparation des élections présidentielles de 2025, qui est portée à incandescence 18 mois à l’avance, il convient de marquer une pause pour une véritable formation et information de notre jeunesse qui, vive et engagée, est trop facilement livrée aux fameux << réseaux sociaux >> devenus la nouvelle << vox mundi >>.

Que la Côte d’Ivoire demeure sous la bonne garde du Très Haut !

Abidjan, le 8 mai 2024
KOBENA I ANAKY
Président du MFA

 

Retrouvez  La Chronique du Président KOBENA I. ANAKY tous les mercredis sur www.ladepechedabidjan.info

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La Dépêche d'Abidjan

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