« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Arts et Culture

L’Europe chrétienne à l’épreuve de la laïcité olympique.

Antonio Tajani, vice-premier ministre italien, ministre des Affaires étrangères et leader du parti Forza Italia (chrétien-démocrate), s’est récemment exprimé sur le lien indissociable entre religion et civilisation. Selon lui, l’Europe appartient à une civilisation fortement influencée par le christianisme, et tenter d’effacer cette réalité revient à nier l’identité historique et culturelle de la région.

Cette prise de position fait écho à la récente polémique autour de la suppression de la croix du dôme des Invalides sur l’affiche officielle des Jeux Olympiques de Paris 2024. La décision a suscité de vives réactions en France, notamment de la part de figures politiques comme Marion Maréchal, qui s’est interrogée sur les réseaux sociaux : « Pourquoi avoir effacé la croix au sommet du dôme des Invalides sur l’affiche officielle des JO 2024 ? Pourquoi aucun drapeau français ? Quel intérêt d’organiser les Jeux olympiques en France si c’est pour cacher ce que nous sommes ? »

Pour Antonio Tajani, cet retrait représente une tentative de gommer les racines chrétiennes de l’Europe sous couvert de laïcité. Il estime que la laïcité ne devrait pas consister à effacer l’histoire, mais plutôt à garantir à chacun la liberté de vivre sa foi et son identité culturelle. Il souligne que ni les musulmans ni les juifs n’effaceraient leurs propres traditions religieuses, et qu’en renonçant à respecter son héritage, l’Europe risque de perdre le respect des autres.

Cependant, il est important de noter que l’absence du drapeau du pays hôte, la France, sur l’affiche des Jeux Olympiques, se justifierait par la volonté de ne favoriser aucune nation lors des compétitions, conformément aux règles des Jeux Olympiques. De plus, la suppression de la croix des Invalides serait expliquée par l’article 50 de la charte des Jeux Olympiques, qui stipule qu’aucune « sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ».

Toujours est-il que la déclaration d’Antonio Tajani ouvre une réflexion sur la relation entre religion et civilisation.

Le vice-premier ministre italien souligne que chaque civilisation est associée à une religion. Il cite le judaïsme pour les Juifs, l’islam pour le monde arabe et le christianisme pour l’Europe. Ces religions sont des systèmes de croyance sur lesquels ces sociétés ont bâti leurs civilisations. Et ce point de vue soulève une interrogation essentielle concernant les peuples qui ont subi des tragédies historiques, comme les Africains noirs, qui pratiquent majoritairement des religions introduites par les colonisateurs et les missionnaires chrétiens et musulmans. 

Les religions qui dominent aujourd’hui en Afrique sont le résultat d’une histoire marquée par la traite négrière, l’esclavage et la colonisation, des événements qui ont imposé des croyances étrangères aux peuples africains, au détriment de leurs traditions spirituelles.

Ainsi, les propos du politicien italien résonnent comme un appel éloquent à la reconnaissance et au respect du patrimoine et de l’identité de chaque peuple. Pour les Africains, en particulier les Africains noirs, il est impératif de se réapproprier leur passé afin de démanteler la domination spirituelle imposée par les conquérants au fil des siècles. Cette hégémonie spirituelle, perpétuée par des religions introduites sous la contrainte ou par la ruse, ne peut être éradiquée que si les Africains prennent pleinement conscience de leur histoire.

Il est crucial qu’ils comprennent que ces croyances étrangères, qu’ils pratiquent sous le prétexte de l’universalité, ont érodé leurs traditions spirituelles et restructuré leurs sociétés selon des paradigmes qui ne leur appartiennent pas.

La véritable libération religieuse passe par un éveil à la réalité de cette emprise et par une volonté de reconquérir leur autonomie spirituelle. 

Briser les chaînes de la dépendance culturelle ne consiste pas seulement à rejeter les influences extérieures, mais aussi à réhabiliter et promouvoir les pratiques spirituelles et les croyances authentiquement africaines.

Pour ce faire, il est nécessaire de restaurer les traditions spirituelles qui ont été marginalisées ou effacées et de réaffirmer ce legs comme socle de leur futur. En rétablissant un lien avec leurs racines spirituelles, les Africains noirs peuvent véritablement se libérer de l’héritage colonial et forger une identité religieuse qui leur est propre, en harmonie avec leur histoire et leur culture.

La controverse autour de l’affiche des JO de Paris 2024 illustre bien que la tradition reste fondamentale pour chaque peuple. Elle assure la continuité des valeurs ancestrales et joue un rôle important dans la préservation de l’identité culturelle et spirituelle. En ce sens, elle sert à la fois de lien avec le passé, de vecteur d’unité et de cohésion au sein des communautés.

Axel Illary

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