La récente déclaration d’Alpha Blondy dans l’émission « Couleurs Tropicales », animée par Claudy Siar sur RFI, où le chanteur a affirmé avoir sollicité Alassane Ouattara pour obtenir la libération de Laurent Gbagbo, a suscité une vague de réactions accusant l’artiste de travestir l’histoire.
Dans cette lettre ouverte, Sylvain Sinsin exprime, avec amertume, sa désillusion face à celui qu’il considérait jadis comme une icône. Une prise de parole cinglante, entre colère, mémoire et devoir de vérité.
Depuis ta sortie honteuse sur RFI, tu ne m’inspires désormais que du dégoût…
Oui, et je n’ose même plus prononcer ton nom, car je ne ressens plus la même charge émotionnelle que j’ai toujours eue pour ta personne.
En souvenir de toi, j’avais gardé dans ma discothèque ton tout premier vinyle, sorti dans les années 80.
Hélas, toute cette magie a pris fin après le visionnage de la capsule vidéo diffusée il y a deux jours par RFI, où tu t’exhibais honteusement face à un Claudy Siar et ses chroniqueurs incrédules, surpris de te voir mentir sans vergogne, avec autant d’aisance.
Tu as dit en substance à peu près ceci à Couleurs Tropicales : « À travers ma radio, j’ai demandé à mon grand frère de faire en sorte que Gbagbo ne meure pas en Occident, et le président Ouattara a pesé de tout son poids pour le faire libérer… et ça, même ses partisans ne le savent pas… »
Je n’ai pas eu la force de repasser une seconde fois cette vidéo, tellement j’ai eu honte du regard de tes hôtes du jour.
La perfidie et l’ingratitude qui t’ont toujours caractérisé dégoulinaient sur ton visage de misère…
Tu as été accusé d’être à la base d’une certaine charte du Nord…
Certains de tes proches, rencontrés au hasard d’une causerie, ont toujours relevé ta duplicité, ton ingratitude sans pareille, ton infamie et ton goût très prononcé pour les coups fourrés…
Tant que cela sortait de la bouche de tierces personnes et que je n’avais aucun moyen de vérifier ces informations, je mettais cela sur le compte de quelques rumeurs.
Mais revenons à cette sortie sur RFI.
Que tentais-tu de faire croire à tes auditeurs du jour, sur ce plateau sérieux de Couleurs Tropicales ? Que sans ton intervention, le pauvre Gbagbo serait inévitablement mort chez les Occidentaux ?
Dis-moi donc, pour quelles raisons l’aurais-tu fait ? Par humanisme ?
Toi qui, lors d’un concert loin de chez nous, l’as fustigé avec mépris sur scène en le traitant d’avoir perdu la raison dans la prison de Scheveningen ?
Mais enfin, dis-moi s’il te plaît ! Que t’a fait cet homme ? Qu’a-t-il fait de mal à l’un des tiens pour que tu le haïsses ainsi ?
Soit. Mais pourquoi, à travers cette radio magique que tu es certainement le seul à posséder sur cette terre des hommes, n’as-tu pas fait éviter à notre pays les drames de 2010-2011 et avant ?
Cette sale guerre a pourtant, sous tes yeux, défiguré notre pays au point où nous en sommes encore à panser des blessures qui ont du mal à cicatriser. Des milliers des nôtres ont perdu brutalement la vie. Pourquoi… pourquoi n’es-tu pas intervenu ?
Si ta seule voix, transportée par les oscillations des ondes d’une radio, est capable d’agir sur les décisions, même internationales, pourquoi avoir laissé faire ?
Pourquoi n’as-tu pas interpellé ton grand frère ?
Pourquoi n’as-tu pas interpellé Gbagbo, qui n’est certainement pas ton grand frère, mais qui pourtant était une de tes connaissances ?
Ne t’avait-il pas, à maintes occasions, reçu en te faisant l’amitié de te présenter ses projets pour notre pays, et notamment ceux relatifs au transfert de la capitale à Yamoussoukro ?
Pourquoi, quand Gbagbo a été libéré en première instance à La Haye, toi qui tenais tant à le sauver, n’es-tu pas intervenu afin que des avocats dits de l’État ivoirien n’y soient pas envoyés pour réfuter sa libération, afin de ne pas retarder, par ce fait, son retour en terre natale ? Pourquoi..?!
Dix ans ! C’est la durée de son incarcération, d’abord à Korhogo, ensuite dans les geôles de la CPI.
Ta radio, tout ce temps, ne fonctionnait-elle plus ?
Et toi, étais-tu en manque d’inspiration ?
En dix ans, dans des conditions carcérales aussi difficiles qu’éprouvantes pour un sexagénaire, cet homme n’aurait-il pas eu le temps de passer de vie à trépas ?
Si tant est que ton souci consistait à le sauver de la mort, pourquoi avoir autant attendu ?
Soyons sérieux..!
À un moment donné, il faut arrêter de se payer la tronche des gens.
OK ! Faisons ensemble une petite ellipse temporelle — ou narrative si tu veux…
Gbagbo est rentré et mène, depuis son arrivée, la seule activité qu’il sait le mieux faire : la politique.
Que penses-tu de sa condamnation à vingt ans de prison pour le casse de la BCEAO, dont il est accusé, et où la supposée victime ne s’est jamais constituée en plaignante ?
Que penses-tu de l’atmosphère délétère qui prévaut actuellement avec sa non-inscription sur la liste électorale, situation qui pourrait occasionner des troubles ?
N’est-ce pas là l’occasion ultime, pour le sauveteur que tu es, de faire valoir ta voix et de semer un climat apaisé dans ce pays qui compte tant pour toi, pour moi, pour nous, ainsi que pour eux..?
Oui, j’ai du dégoût pour toi, comme je n’en avais jamais eu auparavant, et comme je n’en aurai jamais pour aucune autre personne.
Dès cet instant, aucun fichier sonore, aucune image de toi ne figurera dans mes archives, car tu ne le mérites plus !
Le ciel ne te tombera certainement pas sur la tête — pas plus que sur la mienne d’ailleurs — parce que j’ai pris la décision désormais de me débarrasser de tout ce qui te concerne, ici et maintenant.
Ce qui me console, c’est le fait que le temps, qui avance sans répit et qui a changé bien des choses depuis lors, est toujours là pour nous juger et pour nous ramener sur terre…
Que la paix soit sur ce beau pays, qui n’a que trop souffert des turpitudes de ses propres enfants !
Bien à toi.
Sylvain Sinsin