C’est le deuxième officier général qui, en quelques semaines, rejoint la diplomatie française (le général d’armée Roland Gilles a été nommé ambassadeur en Bosnie-Herzégovine (…) Cinquante ans après les indépendances, et alors que nos armées sont à la recherche d’une nouvelle raison d’être sur le continent africain (devenir diplomate ?), est-ce la nostalgie de la « colonne Voulet-Chanoine » qui, partie de Dakar pour conquérir le Tchad, sema la terreur dans toute la zone sahélienne ? Ou bien, plus « diplomatiquement », la prise de conscience de notre responsabilité à l’égard de nos amis africains ? Ce pourrait être, encore, un alignement de Paris sur Washington qui a fait, justement, de Ouagadougou sa place forte dans son combat contre AQMI (cf. LDD Burkina Faso 0226/Jeudi 1er juillet 2010). Notre ambassade à Ouagadougou, depuis quelques mois, multiplie les messages d’alerte à l’attention de nos compatriotes au Burkina Faso. La zone ne serait pas sûre et les enlèvements « d’occidentaux » seraient à l’ordre du jour ! François Goldblatt, notre ambassadeur à Ouagadougou, évoquait dans un entretien accordé à Sidwaya à l’occasion du 14 juillet, « la lutte contre les menaces transversales qui nous sont communes : le terrorisme, le trafic de drogue, le fondamentalisme religieux ». Ce que Goldblatt ne disait pas alors (mais le savait-il déjà ?), c’est qu’il allait quitter la capitale burkinabè pour céder la place à un général 4 étoiles. Et pas n’importe lequel : Emmanuel Beth, un vieux routier de l’Afrique noire, premier patron de « Licorne » en 2002 (…) Les confins sahélo-sahariens seraient devenus une zone à risques, la situation n’est pas stabilisée au Niger ; au Mali, le général d’armée Amadou Toumani Touré, président de la République, va probablement laisser la place à un « civil » lors de la prochaine élection 2012. A Abidjan, la présidentielle d’octobre 2005 sera organisée (au mieux) en octobre 2010 ; et si cela ne se produisait pas on peut penser que l’axe Abidjan-Ouagadougou en subirait les effets collatéraux (pour ne pas dire plus). A Ouagadougou, Blaise Compaoré va rempiler (sans surprise) pour cinq ans à la suite de la présidentielle du 21 novembre 2010 (dans tout juste trois mois). C’est dire que Ouaga est le centre de gravité du triangle Abidjan/Bamako/Niamey. Voilà pour le contexte. Pour le reste, ce sera le job de Beth (…) En 2002, la réélection de Chirac à la présidence de la République et la nomination de Jean-Pierre Raffarin au poste de premier ministre vont mettre fin à la troisième cohabitation (la plus longue : cinq ans !) et, du même coup, au séjour de Beth à Matignon (Raffarin va le garder auprès de lui jusqu’au 30 septembre 2002 ; il sera alors remplacé par le général de brigade aérienne Stéphane Abrial, aujourd’hui un des patrons de l’OTAN). Le 1er août 2002, Beth obtient ses deux premières étoiles : général de brigade, et se voit confier le commandement de la 11ème brigade parachutiste à Balma, non loin de Toulouse. La 11ème BP, qui a été créée en 1999, est l’héritière de l’histoire tourmentée de notre armée au sein de l’empire colonial français, tout particulièrement en Algérie. Cette brigade, considérée comme une unité d’élite, a été fondée pour être capable de se « projeter dans l’urgence afin de fournir une réponse à une situation de crise ». Cela tombe bien : dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, la crise ivoiro-ivoirienne prend une nouvelle tournure et la France se retrouve dans une situation diplomatico-militaire inextricable (…) En Côte d’Ivoire, Beth a vécu des événements politico-militaires majeurs. La multiplication des médiations, les deux visites particulièrement délicates du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin (27 novembre 2002 et 3 janvier 2003), et l’exfiltration d’Alassane Ouattara et de ses proches, les affrontements dans l’Ouest, notamment à Man et à Danané puis à Duékoué au début de l’année 2003 au cours desquels les militaires français vont être confrontés à leur premier accrochage meurtrier, les tensions et les manifestations anti-françaises à Abidjan à la suite de la signature de l’accord de Marcoussis et de la nomination de Seydou Diarra comme Premier ministre d’un gouvernement de réconciliation nationale, tensions qui vont conduire au renforcement de « l’opération Licorne » (3.000 puis 4.000 hommes), l’adoption de la résolution 1479 des Nations unies (13 mai 2003) qui crée une Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (MINUCI).
Source La dépêche diplomatique