« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Categories: Lu pour vous

Etablissement des attestations d’identité – À chaque commissariat son tarif

«Ah, vous voulez vous faire établir une attestation d’identité ? Eh ben, pas de souci. Il vous faut fournir les papiers afférents que sont la photocopie d’une des pièces de l’un de vos parents, une photocopie de votre extrait de naissance et la copie originale de votre certificat de nationalité. Avec 5000 FCFA, si vous voulez bien-sûr l’obtenir dans un délai très court. »
Celui qui s’exprime ainsi se cache derrière les initiales de T.T, jeune démarcheur basé dans l’enceinte du commissariat du 16ème Arrondissement de Yopougon-Sicogi. Il répondait pour la circonstance à la demande de l’infernal « Eléphant » qui souhaitait avoir des informations sur les conditions rapides d’établissement d’une attestation d’identité.
Trouvant le montant excessif, le quadrupède a jugé bon de s’orienter vers un lieutenant de police, en service dans ledit commissariat. Lequel confirmera la donne : « Cet argent est dispatché au sein de plusieurs services concernés par le travail ».
Lesquels services ? Eh bien, « partout, c’est comme ça ! », répond-il. Devant cette absence de possibilité de marchandage dans un pays où tout prix se négocie, l’infernal quadrupède décide de faire un petit tour du côté du 19ème Arrondissement, aux Toits rouges. Toujours dans la même commune. Objectif : comparer les prix avec le précédent commissariat.
Une fois sur place, « L’Eléphant » découvre que les réalités sont toutes autres. Assis sur une chaise de fortune, sous un manguier, un démarcheur (décidément) nous accueille avec courtoisie. « Je peux vous aider? », nous demande-t-il.
« Bien sûr, pour une attestation d’identité », lui répondons-nous. «Ok, remettez-moi les papiers plus
2500 FCFA, et repassez demain après-midi pour le retrait de votre pièce ». Vu le montant exigé, nous nous exécutons avant de mettre le cap sur le 27ème Arrondissement, à Adjamé-Bracodi. Là, l’ambiance est également singulière. Apprécions-la ensemble, avec cette dame venue se faire établir une attestation d’identité. «J’ai tous mes papiers. Mais combien dois-je payer ?», demandet- elle au policier commis à ce service. «Votre papier, le voulez-vous aujourd’hui même ou bien vous n’êtes pas trop pressée ? », lui rétorque l’expert en établissement de certificat d’identité, un sourire aux lèvres. « Evidemment, je le veux aujourd’hui si c’est possible, car je suis un peu loin d’ici », réagit la dame sans le moindre doute. « D’accord, ça marche. Ça fait 2000 FCFA. Mais pour un « djonan djonanko (Une procédure rapide en langue malinké), ça fera un crikat (1000 FCFA en nouchi ivoirien) ou un petit gbêssê (500 FCFA en nouchi) pour votre fils, c’est pas mal non! », lui lance le policier. Il n’en faut pas plus pour que la dame lui remette ses papiers, en y ajoutant deux billets de banque de couleur bleue. « Je passe chercher ma pièce à quelle heure ?», demande-t-elle au policier, très souriant après avoir mis en sécurité les deux billets dans une poche de sa tenue. « A quatorze heures trente ma tantie », lance-t-il. « Sans faute, hein? », reprend la dame pour se rassurer.
A la sortie de ce commissariat où ses yeux et ses oreilles ont été bien servis, «L’Eléphant » décide de passer un coup de fil à l’Office Nationale d’Identification (ONI) pour avoir le coeur net sur le montant exact à débourser pour se faire établir une attestation d’identité. Au bout du fil, une voix masculine nous répond.
«1100 FCFA, dont 1000 FCFA pour le timbre et 100 F CFA pour l’imprimé». Le quadrupède procédera de la même façon pour connaitre la répartition des frais d’établissement d’une attestation d’identité auprès d’un commissaire de police en service dans un commissariat du District d’Abidjan. Derrière un anonymat très prudent, il fait la confidence suivante: « Généralement, nos services habilités prélèvent 2000 FCFA au titre des frais de confection de la pièce en question. Ce montant est réparti comme suit : 1000 F pour le timbre et 100 f pour l’imprimé. 500 F représentent les frais de transport de l’agent commis au retrait des imprimés auprès de l’Oni et les 400 F CFA sont reversés dans les caisses du commissariat pour l’achat de l’encre et les autres papiers dont nous avons besoin pour nos différents travaux quotidiens ».
Voilà qui explique tout. L’achat de l’encre pour l’impression des attestations d’identité dans les commissariats est à la charge des Ivoiriens. Sans qu’aucun arrêté, aucun décret ne l’ait décidé. Et les caisses des commissariats sont aussi alimentées par un impôt imposé aux Ivoiriens sans décision gouvernementale, sans qu’aucune loi ne l’ait décidé. Et avec ça, il y a des gens qui continuent de croire que le gouvernement ne fait rien pour réduire le coût de la vie dans ce pays.

OMER BOTY KOFFI in L’Eléphant déchainé

Sat, 22 Dec 2012 05:03:00 +0100

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La Dépêche d'Abidjan

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