« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP

La justice des vainqueurs

L’une des grosses désillusions des populations vis-à-vis du régime Ouattara réside dans le fonctionnement de la justice. Tous ceux qui ont pensé que la justice pouvait être un important levier de la réconciliation et de la reconstruction du pays ont vite fait de déchanter. En 100 jours de règne, le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, a réduit l’institution judiciaire au statut déshonorant d’instrument au service des règlements de comptes politiques. La preuve, depuis le renversement du président Laurent Gbagbo, seuls les partisans de l’ancien régime sont dans le collimateur de cette justice instrumentalisée qui agit au rythme des humeurs du pouvoir Ouattara. Les arrestations, les mandats d’arrêt, le gel des avoirs, les interdictions de voyages lancés par le parquet d’Abidjan ne concernent que les partisans de Laurent Gbagbo. Ces derniers font l’objet de traque quotidienne de la part du procureur au service de Ouattara. Presque tous les membres du gouvernement renversé, des militants du FPI, des députés, des journalistes, des militaires ainsi que nombreux autres partisans du régime déchu sont incarcérés ou vivent en clandestinité. Dans des prisons, véritables mouroirs installés dans le nord du pays, ils subissent un traitement des plus cruels et inhumains alors même qu’aucun juge ne les a déclarés coupables de quelque délit ou crime. Leur seule faute qui leur vaut ce traitement dégradant, c’est d’avoir soutenu Laurent Gbagbo. Alors qu’il traque tels des « bêtes », les partisans de Gbagbo, le procureur de la république, Simplice Kouadio Koffi, semble avoir décrété l’impunité totale pour les partisans de Ouattara, pourtant auteurs de graves violations des droits de l’homme. Les rapports édifiants produits, sur la question, par des organisations internationales de défense des droits de l’homme n’ont pas changé la posture de la justice ivoirienne. C’est dans cette logique de « justice des vainqueurs » que les acteurs de la rébellion de septembre 2002 ont droit au tapis rouge à travers le monde entier. Toujours dans cette optique de justice à double vitesse, les exactions perpétrées par les Frci, forces pro-Ouattara, la torture des personnalités détenues dans les prisons, l’occupation des sièges des journaux notamment celui du quotidien Notre Voie ,apparaissent comme du menu fretin qui ne peut retenir l’attention du procureur. La justice ivoirienne sous le règne de Ouattara part du postulat pernicieux qui veut que les mauvais soient du camp Gbagbo et que le camp Ouattara ne regorge que de gentils. Cette vision partisane est largement partagée par la justice internationale également aux ordres des puissances occidentales qui ont installé le pouvoir Ouattara. La preuve, la cour pénale internationale (Cpi) saisie par le président Laurent Gbagbo en 2003 afin d’ouvrir une enquête sur la rébellion armée et ses crimes n’a pas fait signe de vie. En revanche, la CPI dans une démarche sélective a décidé d’ouvrir le dossier ivoirien en s’intéressant à la crise postélectorale. La « justice des vainqueurs » a encore de beaux jours devant elle en Cote d’Ivoire.

Jean Khalil Sella in Notre Voie

Wed, 20 Jul 2011 11:47:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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