« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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Le billet de PATRICK BESSON – Théophile Kouamouo accuse

Dîner chez Moussa l’Africain (), avenue Corentin-Cariou (Paris 19e), avec Grégory Protche, directeur du Gri-Gri international (3 E), journal satirique panafricain fondé par Michel Ongoundou Loundah, et auteur de "On a gagné les élections mais on a perdu la guerre", aux éditions du Gri-Gri. Avant d’examiner la crise ivoirienne, un mot sur la crise des restaurants africains de Paris. La Gazelle, 9, rue Rennequin (17e), ne mérite plus son nom, il faut l’appeler L’Hippopotame, vu la lenteur du service. C’est plutôt une bonne chose quand un mauvais plat n’arrive pas vite, le problème, c’est qu’on finit malgré tout par l’attendre avec impatience, ce qui décuple notre déception quand il nous est servi. Je ne dirai rien sur Moussa : j’y ai été trop heureux en 2006, 2007, 2008. Je regardais, l’autre soir, mon fantôme rassasié sur les banquettes vides. Fatou Biramah, chroniqueuse de Radio Africa, me conseille chaudement Africasa, 59, rue du Cardinal-Lemoine (5e). Ne jamais désespérer de l’Afrique : quand ça craque d’un côté, c’est craquant de l’autre.

Grégory Protche, je l’ai rencontré il y a une dizaine d’années, pendant un concert de Marcel Zanini au Petit Journal, 71, boulevard Saint-Michel (5e). Cette chronique africaine serait-elle un spécial arrondissements de Paris ? J’ai retrouvé Grégory un soir à la Bastille, entouré d’Ivoiriennes en colère mais pas contre lui : contre Alassane Ouattara. Nous nous sommes installés à une terrasse de café – c’est l’un des grands plaisirs de la vie, inconnu des racistes : être à une terrasse de café avec des intellectuels africains, surtout quand elles sont ultramignonnes -, et ils m’ont expliqué la situation ivoirienne vue de leur côté, qui est celui de Laurent Gbagbo, actuellement détenu à La Haye alors qu’Alassane Ouattara a été laissé en liberté. Ça aura été la grande nouveauté juridique des XXe et XXIe siècles : faire juger des Africains aux Pays-Bas par les fils procureurs et les filles juges de tous les peuples qui les ont colonisés (Anglais, Français, Allemands, Néerlandais, Italiens…).

Les Editions du Gri-Gri font paraître "J’accuse Ouattara" (10 E), de Théophile Kouamouo, journaliste ayant naguère travaillé comme correspondant en Afrique pour L’Humanité,Le Monde et Le Point. Il a fondé, en Côte d’Ivoire,Le Nouveau Courrier. "J’accuse Ouattara" est une charge contre l’actuel président de la Côte d’Ivoire,"chef politique des Forces républicaines de Côte d’Ivoire, soupçonnées d’avoir commis des crimes contre l’humanité – et les plus graves massacres de l’histoire du pays, à Duékoué, dans l’Ouest". Pourquoi Ouattara – et avec lui la France, l’Union européenne, les Etats-Unis, l’Onu – a-t-il refusé le recomptage des voix que proposait le président sortant socialiste Laurent Gbagbo après l’élection du 26 novembre 2010 ? C’est une pratique courante, à laquelle même M. Peña Nieto, le nouveau président du Mexique, a consenti. Que craignaient le RDR et ses nombreux alliés occidentaux, parmi lesquels Nicolas Sarkozy, qui a jeté toutes ses forces spéciales dans la bataille postélectorale au terme de laquelle M. Ouattara a conquis le pouvoir ? Kouamouo revient sur les personnalités socialistes ivoiriennes maltraitées, voire torturées, dans l’Hôtel du Golf après la chute de leur chef : Désiré Tagro, Jean-Jacques Béchio, Geneviève Bro-Grébé, d’autres. Il explore la filière dite du "cacao du sang". Celle-ci permit aux rebelles de financer l’interminable guerre civile qui a plongé, depuis dix ans, la Côte d’Ivoire dans un chaos dont, selon Kouamouo, le pays n’est pas près de sortir. L’auteur s’attarde enfin sur le fameux meeting d’Odienné, en 1995, au cours duquel Lamine Diabaté, époux d’Henriette Dagri-Diabaté, future secrétaire générale du RDR, annoncera la sécession du Nord : "Nous avons les mêmes armes qu’eux. Nous avons aussi nos hommes dans l’armée. Nous ne voulons d’eux ni aujourd’hui ni demain."

"J’accuse Ouatara" est en vente à L’Harmattan et à Présence africaine, 25 bis, rue des Ecoles, à Paris (5e), ainsi que sur Internet. C’est toujours bien de se renseigner, comme disait Kim Philby.

PATRICK BESSON in lepoint.fr

Thu, 16 Aug 2012 09:31:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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