« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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Le pays des bêtes humaines

En 1890, Zola publiait La Bête Humaine, 17ème roman de la série des Rougon-Macquart. La bête humaine, c’est cette espèce particulière et hybride qui combine les traits physiques humains avec les caractères animaliers : la férocité, la prédation et l’absence d’humanisme. Hélas, au regard des derniers développements de la série barbare à Duékoué, je crains que les Ivoiriens ne soient devenus des bêtes humaines aussi féroces que Jacques Lantier.

Comme le personnage de Zola, les Ivoiriens sont désormais détraqués ; ils ont une haine viscérale au coeur et ont l’esprit troublé par une folie vengeresse. Et, munis de kalachnikovs et de coutelas, ils écument les villes, villages, hameaux et forêts à la recherche d’une proie anthropomorphique. La soif du sang les étreint ; et du sang chaud, et surtout du sang abondant !

Il ne se passe plus un seul mois sans que ces bêtes humaines, sous la poussée formidable des démons qui sont ancrés en elles, ne partent à la recherche désespérée de victimes. Et tout y passe, hélas : femmes, enfants et vieillards sont sauvagement fusillés, poignardés, découpés et trucidés pour étancher la soif de sang des Belzébuths tapis en leur sein. Et leurs haines prennent des allures politiques, ethniques et communautaires. Elles peuvent être fières, ces élites politiques qui ont réussi l’exploit suprême de laver les cerveaux des Ivoiriens, mieux, qui ont formaté leurs cerveaux humains pour y installer des programmes narratifs de destruction systématique. Ils peuvent être fiers ces politiciens d’avoir réussi à faire de nous des bêtes humaines afin que nous nous pourchassions, que nous nous entretuions pour faire des offrandes ensanglantées sur l’autel de leur gloire politique individuelle. Et nous sommes fort aise de tuer en leur nom ; nous nous sentons honorés de massacrer nos semblables pour leur prouver notre amour, notre soutien indéfectible. Et ces dieux de la mort, une fois gorgés de sang, sourient et se frottent les mains. En attendant que la soif de sang les tiraille à nouveau.

Et cette culture du meurtre prospère dans notre pays à tous les niveaux : les uns sacrifient des albinos pour devenir riches ; les autres arrachent les organes vitaux et sexuels d’infortunés pour dompter le dieu argent qui nous contrôle aussi. D’autres encore sont appelés des coupeurs de route, c’est-à-dire des bêtes humaines qui excellent dans l’agression à mains armées, le viol et le meurtre des voyageurs et des voyageuses pour une poignée de francs CFA et des téléphones portables ! Certaines de ces bêtes humaines écument les domiciles, kalachnikov à la main et couteux entre les dents, détroussent de paisibles populations et violent collectivement l’épouse et les filles sous les yeux des fils et du père qu’ils abattent après coup. Ce n’est plus de banditisme ni du gangstérisme : c’est des bêtes humaines qu’il ne sera pas facile d’humaniser. C’est sans doute là notre vrai drame national.

Dr Famahan SAMAKÉ

Sun, 22 Jul 2012 05:15:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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