« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Categories: Tribune

QUAND ON NE VEUT PAS ALLER À LA RÉCONCILIATION

Il est quelques fois difficile de rester silencieux devant les raisonnements doctes mais tendancieux et dangereux pour la paix que font certains compatriotes. Surtout lorsque ce dont ils parlent est un problème au règlement duquel presque tous les Ivoiriens aspirent sincèrement.
Il nous semble qu’il serait profitable pour tous d’embrasser d’abord tous les contours de la réconciliation ; c’est-à-dire d’envisager ses impacts sur la société pour en voir l’extrême importance, la nécessité urgente de trouver tous les voies et moyens de la faire ; et surtout de voir s’il n’y a pas, dans notre histoire commune, matière à inspirer, sur ce chapitre-là, le régime RHDP qui dirige actuellement la Côte-d’Ivoire ; à défaut de pousser à la roue dans ce domaine le pouvoir qu’on soutient, on ne devrait pas entraver les bonnes intentions qu’il veut ou peut prendre dans l’intérêt de tous.
Ces messieurs et ces dames qui dirigent aujourd’hui le pays ont presque tous été-au moins depuis le 18 septembre 2002- ceux qui ont attaqué militairement et déstructuré, pour arriver au pouvoir, ce qu’ils ont pourtant toujours appelé leur pays.
Ce sont des hommes et des femmes qui, du 18 septembre 2002 au 11 avril 2011, jamais n’ont reconnu leurs erreurs, ni les souffrances qu’ils ont causées aux populations.
Ce sont des hommes et des femmes qui ont eu à se rebeller contre un régime démocratiquement élu ; qui ont semé, dans leur parcours pour gérer eux aussi notre Etat, ruines et désolations ; c’est-à-dire plus clairement, des hommes et des femmes qui ont tué des Ivoiriens anonymes mais aussi la plupart de celles et de ceux que l’Etat avait déployés pour continuer de développer le pays, dans les zones sous contrôle de la rébellion qu’ils ont constituée. Ils les ont tués non pas parce que ces derniers auraient pris des armes contre eux, mais tout simplement parce qu’ils les considéraient comme partisans du président Gbagbo ou parce qu’ils avaient accepté de travailler à ses côtés pour les institutions de la République de Côte-d’Ivoire!
Ce sont des hommes et des femmes qui ont divisé la Côte-d’Ivoire pendant 10 longues années, d’abord et avant tout, pour se constituer une économie de guerre en créant dans leurs zones des caisses de récupération des impôts que l’Etat devait utiliser pour développer nos régions .
Ce sont des hommes et des femmes qui ont mis à mal l’économie d’une Côte-d’Ivoire qui, sous le président Gbagbo, se relevait et sortait progressivement des griffes de l’inhumaine Finance Internationale, pour le bien-être de ses populations!
Ce sont des hommes et des femmes qui géraient donc pour leur propre compte, les ressources des zones Centre, Nord et Ouest qui étaient sous leur contrôle, mais qui, dans la partie gouvernementale sous la responsabilité du président Laurent Gbagbo qui les y avait inclus, venaient participer aux prises de décisions concernant le pays ; des hommes et des femmes qui, pour cela, étaient payés par l’Etat!
Ce sont des hommes et des femmes qui ont délibérément tout détruit sur leur chemin pour installer au pouvoir l’actuel chef de l’Etat ivoirien!
Mais, ce sont aussi des hommes et des femmes qui ont bénéficié sous le président Gbagbo, d’une loi d’amnistie malgré les actes graves qu’ils ont eu à poser contre ce qu’il nous faut bien appeler notre pays à nous tous!
Ce sont des hommes et des femmes qui ont ainsi pu bénéficier de la clémence d’un pays qu’ils ont pourtant continué de maintenir en situation de sécession pendant que leurs représentants visibles vivaient avec tous les honneurs que Gbagbo leur accordait au nom de la République pour les avoir intégrés à ses différents gouvernements!
Ce sont des hommes et des femmes dont celui en qui ils se reconnaissaient et pour lequel ils disaient avoir pris les armes, a pourtant bénéficié de la clémence de la Nation sous le président Gbagbo, malgré les nombreux appels-pour ne retenir que cela- qu’il lançait pour la déconstruction de notre pays!
Il ne leur a pas été exigé de se repentir d’abord. On ne le leur a pas demandé pour jouir de la clémence du peuple ; et on ne leur a jamais reproché d’avoir fait « leur entrée au cœur de l’exécutif, sans avoir jamais publiquement reconnu leur responsabilité dans les crimes commis par leur régime, ni imploré en se prosternant, la clémence du pays. »
Il ne leur a jamais été reproché non plus le fait qu’ils « rusent avec cynisme, émettent des oukases avec la morgue et l’arrogance qui les caractérisent, donnant le sentiment d’imposer au gouvernement légitime, leur agenda surréaliste ». Et pourtant tous leurs faits et gestes laissaient supposer leur agenda secret: « laissez tranquilles nos soldats FAFN ; nous ne les désarmerons jamais tant qu’on ne vous aura pas renversés ; nous les avons formés pour cela ! Jamais ils n’obéiront à une République qui ne soit dirigée par notre leader!»
Si, malgré les innombrables et innommables crimes que ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui et qui étaient rebelles hier ont perpétrés, la Patrie sous Gbagbo a voulu, sans condition « leur dérouler le tapis rouge », c’était pour pouvoir aller à la paix, à la réconciliation ; c’était pour pouvoir redémarrer la construction, le développement de la Côte-d’Ivoire qu’ils avaient eux-mêmes volontairement interrompu ; c’était parce que Gbagbo, quand c’était son tour de gouverner, voulait travailler avec tous les fils et toutes les filles du pays, sans esprit de rattrapage, qu’ils soient des égarés ou pas, sans jamais les traiter « d’irréductibles apparatchiks qui attendent le grand soir » !
Quand on veut parler de ce genre de personnes ; quand on veut parler à ce genre de personnes ; quand on veut leur donner des conseils ; quand on veut leur montrer le chemin de la réconciliation ; on doit être franc avec eux ; on doit d’abord leur dire qui ils sont, d’où ils viennent, comment ils y sont parvenus et surtout pourquoi ; on ne fait pas d’eux des anges alors qu’on sait très bien que, s’ils ne sont pas des démons, ils sont très loin d’être des enfants de chœur!
Quand on ne veut pas aller à la réconciliation, on se garde d’entraîner les autres vers les sentiers de la perdition ; on n’empêche pas les autres d’y aller ; on n’induit pas les autres en erreur ; quand on ne veut pas aller soi-même à la réconciliation…on peut tout de même penser à ce que la Nation gagnerait à la faire !
N’est-ce pas, docteur VITRICE YEKPE, qu’il nous faut aller à la paix pour le bonheur de tous, en laissant de côté les blessures d’orgueil, la vengeance qui a toujours été mauvaise conseillère et surtout la justice des vainqueurs qui ne pacifiera jamais notre pays ?

GUIPIGOU Kriblos

Wed, 26 Sep 2012 09:45:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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