« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Arts et Culture

Esclavage dans l’Égypte ancienne : la Bible dit-elle vrai ?

Selon l’égyptologue Damien Agut-Labordère, « il faut s’affranchir des images biblico-­hollywoodiennes » avant d’examiner ce sujet particulièrement sensible.

Mésopotamie, Athènes démocratique, Rome républicaine… Ces civilisations, qui furent parmi les plus brillantes de l’Histoire, eurent recours à l’esclavage pour ­assurer leur bon fonctionnement et garantir leur existence. Mais qu’en est-il de l’Égypte ancien­ne ? A-t-elle elle aussi été concernée par l’esclavage et, si oui, sous quelle forme ? Damien Agut-Labordère, égyptologue, épigraphiste, spécialiste de l’écriture démotique et de l’histoire du Ier millénaire avant notre ère, nous éclaire sur cette réalité.

Le Point : Dans « Les Mondes de l’esclavage », ouvrage paru en 2021 sous la direction de Paulin Ismard (Le Seuil), l’Égypte ancienne n’est pas mentionnée. Est-ce à dire que cette société n’était ni esclavagiste ni à esclaves, comme celles de la Grèce ou de la Rome antique, pour reprendre la terminologie de l’historien Moses I. Finley ?

Damien Agut-Labordère* : Selon Finley, l’économie des sociétés esclavagistes reposait précisément sur les esclaves. Les sociétés à esclaves comportaient différentes formes de servitude, mais leur structure ne dépendait pas des esclaves. Une question se pose : qu’appelons-nous esclavage ? Je me souviens du premier colloque auquel j’ai assisté en 2001 en tant que tout jeune doctorant sur le sujet. Dès le premier jour, à midi, tout le monde se battait déjà en brandissant sa propre définition ! Je crois qu’il faut accepter l’idée que c’est une notion assez flottante. Concernant l’Égypte, on doit d’abord reconnaître qu’on ne peut pas affirmer que l’esclavage existait, d’autant plus qu’on parle d’une civilisation qui s’étend sur trois millénaires. La société de l’époque pharaonique qui voit construire les pyramides est très différente de celle du premier millénaire, par exemple. Ce qui ne nous empêche pas de disposer de documents parfois révélateurs. Ainsi, un groupe de contrats, datés entre le VIIIe et le VIe siècle avant J.-C., atteste la vente de personnes nommées bak. Normalement, ce terme se traduit par « serviteur » mais ici, ces derniers peuvent être vendus. On dispose également d’un autre texte sur une jeune femme syrienne qui faisait l’objet d’un contentieux commercial entre deux Égyptiens, dans ce qui s’apparenterait à de l’esclavage domestique. Mais cela reste très épars.

Pourtant, dans l’Ancien Testament, les Hébreux ne sont-ils pas présentés comme les esclaves de Pharaon, et Moïse comme un « briseur de chaînes » ?

Si l’on prend le tout début du livre de l’Exode, il est dit qu’on impose aux Hébreux « des travaux forcés » et qu’ils durent bâtir pour Pharaon les villes de Pithom et de Ramsès. D’après cette référence, on aurait donc affecté les Hébreux à la construction de villes entre le XIIe et le XIe siècle avant J.-C. On sait que, durant cette période d’expansion, les Égyptiens opérèrent des razzias et des pillages au Levant, en Syrie ou en Palestine. Les Hébreux faisaient partie des populations déplacées… C’est un moment très précis de l’histoire égyptienne qui a eu un énorme impact dans la mémoire collective des Hébreux et dont le souvenir a été fixé bien plus tard. Mais nous ne disposons pas de documents qui nous permettraient de savoir avec certitude quel était le statut juridique de ces captifs.

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