La pauvreté et la corruption demeurent deux des défis les plus importants pour de nombreux pays africains aujourd’hui. Ces phénomènes sont généralement le reflet de la fragilité des institutions publiques et de la démission de l’État dans son rôle de garant des droits fondamentaux des citoyens. Cette situation pousse beaucoup de personnes à s’engager dans des pratiques corrompues, pour survivre ou pour assumer des responsabilités qui relèvent normalement de l’État.
Face à cette crise, il est crucial de repenser le rôle de la solidarité nationale pour combattre ces maux et instaurer une gouvernance plus juste.
Dans bon nombre de pays d’Afrique noire, les institutions étatiques peinent à fournir des services de base. L’accès à la santé, à l’éducation et à des conditions de vie décentes n’est pas toujours garanti.
Contrairement à certains pays occidentaux où l’État veille à assurer un minimum de dignité à ses citoyens, dans plusieurs régions d’Afrique, ceux-ci sont laissés à eux-mêmes, ce qui les incite à combler les lacunes du système. En effet, quand l’État se désengage de ses responsabilités, les risques de corruption augmentent, entravant ainsi le progrès.
Prenons l’exemple d’un individu contraint de jouer le rôle de l’État pour sa famille élargie ou même sa communauté. Cette personne, sur qui reposent les espoirs, n’a souvent d’autre choix que d’agir de manière malhonnête pour satisfaire les besoins des siens.
Pour rompre avec ce système nuisible, il est essentiel de favoriser la solidarité nationale afin de supprimer les inégalités.
En fait, lorsque les citoyens sentent que l’État est présent et répond à leurs besoins, ils sont moins enclins à recourir à des moyens illicites pour survivre. Ainsi, un État qui fournit un revenu minimum, une couverture médicale pour tous, des écoles de qualité et des infrastructures solides réduit non seulement la pauvreté, mais également les tentations de corruption, tout en favorisant la bonne gouvernance.
La lutte contre la corruption passe aussi par l’instauration de la transparence à tous les niveaux, de l’administration locale aux plus hautes sphères du pouvoir. En imposant des instruments de contrôle rigoureux, les États africains peuvent s’assurer que les richesses de la nation bénéficient à l’ensemble de la population et non à une élite peu scrupuleuse.
En France, l’État joue un rôle majeur dans la protection sociale grâce à des politiques de redistribution des richesses et à des systèmes de sécurité sociale robustes.
À cet égard, le modèle français offre une leçon importante pour les pays africains. Il démontre qu’un État capable de fournir un système de protection à ses citoyens contribue à prévenir la marginalisation, l’exclusion sociale et à réduire le recours des individus à des pratiques illicites pour leur survie.
En Afrique, l’absence de tels cadres de sécurité crée une pression immense sur les citoyens qui, faute de soutien de l’État, recourent souvent à des moyens alternatifs, y compris illégaux, pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur communauté.
L’exemple français constitue une forme de solidarité nationale qui pourrait être adaptée en Afrique pour répondre à des besoins similaires. Dans ce cadre, l’accès à la santé, à l’éducation et aux aides sociales n’est pas perçu comme un privilège, mais comme un droit fondamental. Cela concourt à réduire les inégalités en permettant aux personnes en situation de précarité de vivre dignement.
La sécurité sociale, introduite après la seconde guerre mondiale, repose sur une logique de solidarité nationale, où chaque citoyen contribue en fonction de ses moyens pour garantir à tous un accès à des soins de santé, à des retraites et à d’autres aides sociales. Ce mécanisme a permis de diminuer les disparités sociales, de protéger les personnes défavorisées et de prévenir les formes de pauvreté extrême que l’on observe dans d’autres régions du monde.
Cela dit, certains pays africains commencent à montrer des signes encourageants en matière de lutte contre la pauvreté et la corruption grâce à des politiques de solidarité nationale. Le Rwanda, par exemple, a mis en place des programmes de couverture santé universelle et de soutien aux démunis, tout en adoptant une tolérance zéro vis-à-vis de la corruption. Le pays montre ainsi qu’il est possible de faire face à ces problématiques en adoptant une méthode rigoureuse et solidaire.
Historiquement, la solidarité est une valeur centrale en Afrique noire. La société traditionnelle repose sur l’entraide, avec une communauté qui joue un rôle clé dans le soutien des démunis. Dans ce contexte, le bien-être collectif prévaut sur les intérêts individuels. L’adage populaire « Ubuntu » en Afrique du Sud, signifiant « Je suis parce que nous sommes », met en avant la notion de solidarité communautaire, essentielle dans la société africaine.
Cependant, avec la colonisation et l’introduction des modèles occidentaux, cette solidarité a progressivement été éclipsée. L’individualisme prévaut désormais dans les relations sociales et économiques en Afrique. Les gens sont davantage préoccupés par leur propre survie que par le bien-être de la collectivité.
Dans les pays occidentaux comme la France, bien que l’individualisme soit une valeur forte, l’État a su établir des structures de solidarité nationale garantissant à chaque citoyen un accès équitable aux ressources et une protection contre les aléas de la vie.
Même si les Africains ont hérité de nombreux aspects des systèmes administratifs et économiques occidentaux, la mise en place d’une solidarité nationale est quasi inexistante sur leur continent.
En effet, alors que l’individualisme occidental s’est enraciné en Afrique, la dimension solidaire des pays occidentaux, pourtant cruciale dans des nations comme la France ou les pays scandinaves, n’a pas été suffisamment intégrée. Ce défaut de promotion de la solidarité nationale laisse un vide que comblent la pauvreté et la corruption, poussant souvent les citoyens à se débrouiller par eux-mêmes, voire à recourir à des moyens douteux pour subvenir à leurs besoins.
L’individualisme occidental, dont les Africains ont hérité malgré eux, ne correspond pas à leurs réalités et doit être contrebalancé par un modèle de solidarité adapté. Cela peut se faire en s’inspirant des réussites occidentales, mais surtout en intégrant les traditions de soutien mutuel qui ont toujours existé sur le continent.
La Côte d’Ivoire, moteur économique de l’Afrique de l’Ouest, illustre de manière frappante l’absence de mise en œuvre d’une véritable solidarité nationale. Le pays bénéficie d’une forte présence d’entreprises françaises ainsi que d’une économie dynamique et est confronté à un coût de la vie élevé qui pèse lourdement sur la majorité de sa population.
La présence des grandes enseignes françaises, qui dominent le paysage économique du pays, témoigne d’un échange commercial dense et d’investissements massifs, mais met aussi en lumière une situation où l’inflation en Côte d’Ivoire dépasse souvent les moyens d’une grande partie des habitants.
Les produits proposés par ces enseignes sont accessibles à une élite, mais restent hors de portée pour la plupart des résidents, tandis que les bénéfices tirés de cette activité économique ne sont pas redistribués de manière équitable.
Le pays connaît depuis plusieurs années une hausse des prix, qui touche particulièrement les biens et services de première nécessité comme l’alimentation, le logement et l’accès à la santé. À Abidjan, la capitale économique, le prix des loyers et des denrées alimentaires a augmenté de façon drastique, rendant difficile la survie quotidienne pour une grande partie de la population. La présence d’enseignes françaises et internationales contribue à ce phénomène, car ces entreprises visent un segment de consommateurs à fort pouvoir d’achat, souvent expatriés ou issus des classes aisées.
Malgré une croissance économique soutenue, la répartition des richesses est loin d’être opérationnelle en Côte d’Ivoire. L’une des raisons principales est le manque d’un système de solidarité nationale bien structuré, qui pourrait amortir les effets néfastes cherté de la vie sur les classes moyennes et populaires. Cette carence conduit à une précarisation croissante, poussant les individus à lutter pour leur survie au quotidien en l’absence d’une aide sociale adéquate.
De ce fait, un fossé se crée entre les hauts revenus, capable de s’offrir des biens et services, et la majorité de la population, qui peine à suivre le rythme.
À l’inverse de la Côte d’Ivoire, la France atténue ce phénomène. L’État intervient pour subventionner les produits de première nécessité, offrir des aides au logement ainsi que permettre l’accès à des soins de santé gratuits ou à coût réduit. Ce dispositif de protection sociale garantit un minimum de dignité pour chaque citoyen, en dépit du coût de la vie.
Le cas de la Côte d’Ivoire est révélateur de la nécessité d’une solidarité nationale adaptée aux réalités locales. Il est impératif que l’État ivoirien s’inspire des modèles de solidarité sociale observés en France et dans d’autres pays européens, tout en tenant compte des spécificités locales. La société traditionnelle africaine repose sur la solidarité, une valeur qui doit être réintégrée dans un cadre plus formel, où l’État jouera un rôle central dans la redistribution des richesses. La mise en place de politiques publiques visant à réduire les inégalités permettra d’alléger la pression économique qui pèse sur les ménages modestes.
Axel Illary
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