« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Arts et Culture

Peut-on faire confiance à l’Église concernant la divinité de Jésus, alors qu’elle a bafoué ses enseignements fondamentaux ?

Le texte de la Déclaration Dignitas Infinita de l’Église catholique met en avant l’idée que Jésus a défendu la dignité humaine en transcendant les barrières sociales, culturelles et religieuses, prônant l’amour et le respect de tous, en particulier des marginalisés. Cependant, au fil de l’histoire, l’Église catholique a posé des actes en contradiction avec ces idéaux, malgré son engagement proclamé en faveur de la dignité humaine, de l’égalité et de l’amour du prochain.

Le document souligne que Jésus a affirmé la dignité des femmes (cf. Jn 4, 1-42) en brisant les barrières sociales et culturelles, mais l’Église catholique a longtemps marginalisé les femmes, en les excluant du sacerdoce et des postes décisionnels au sein de l’institution. Malgré leur rôle crucial dans la communauté chrétienne, leur statut est resté inférieur, en contradiction avec la reconnaissance de leur dignité.

La valorisation de tous les êtres humains est un thème central de la déclaration. Pourtant, l’Église a organisé et supervisé l’Inquisition (12e-19e siècle), au cours de laquelle des personnes ont été torturées, persécutées et exécutées pour divergence d’opinion religieuse ou pour hérésie présumée. Ces actes violent les principes de dignité humaine et d’amour du prochain, car au lieu de traiter les dissidents avec respect et compassion, ils ont été punis de manière cruelle.

Bien que Jésus ait prôné la libération des pauvres et des opprimés, ainsi que l’amour et le respect des étrangers (cf. Mt 25, 35), l’Église a soutenu la traite des esclaves et a collaboré avec les puissances coloniales en Amérique, en Afrique et en Asie. Les missions catholiques ont été imposées aux populations locales par la contrainte, et des cultures entières ont été assimilées ou détruites. De plus, la traite des esclaves et l’exploitation des indigènes ont été justifiées par des arguments religieux, en dépit de l’Évangile qui appelle à reconnaître la dignité de chaque être humain.

Il a fallu attendre les 18e et 19e siècles pour que l’Église commence à s’opposer formellement à l’esclavage sous différentes formes, en incompatibilité avec l’identification du Christ aux « plus petits » (cf. Mt 25, 40).

L’Église catholique a aussi, à certaines périodes, soutenu ou toléré des régimes autoritaires qui violaient les droits humains, au lieu de défendre les opprimés. Par exemple, sous les régimes fascistes de Mussolini en Italie et de Franco en Espagne, elle a parfois collaboré ou fermé les yeux sur les abus de ces gouvernements, malgré l’appel évangélique à protéger les personnes vulnérables. Ce comportement contredit la mission chrétienne de défendre les opprimés, telle qu’illustrée dans l’exposé.

Dans diverses parties du monde, en dépit de l’enseignement de Jésus sur l’égalité de tous (cf. Mt 25, 34-36), les peuples indigènes ont été traités comme inférieurs aux Européens, en violation des principes de dignité et d’humanité exprimés dans ce texte. L’Église, en collaborant avec les esclavagistes et les colonisateurs, a facilité leur marginalisation et leur extermination culturelle.

Les scandales d’abus sexuels au sein de l’institution constituent un autre exemple de contradiction flagrante. Alors que le document insiste sur l’importance de protéger les personnes vulnérables, en particulier les enfants (cf. Mc 10, 14-15), l’Église a longtemps minimisé ou dissimulé les abus commis par des membres du clergé, privant ainsi les victimes de justice.

L’énoncé met en lumière les idéaux de Jésus concernant la dignité humaine, l’amour du prochain, et la protection des faibles et des marginalisés. Pourtant, à travers l’histoire, certaines actions du clergé ont dévié de ces principes, avec des épisodes de discrimination, de persécution et de complicité dans des abus de pouvoir. Ces incohérences montrent que l’Église n’a pas toujours respecté les enseignements de Jésus sur le respect de l’être humain, malgré son engagement formel à ces valeurs.

Dès lors, se pose la question de l’existence historique et de la divinité de Jésus-Christ, le dieu des chrétiens. En effet, le fait que l’Église catholique, censée représenter fidèlement les enseignements de Jésus, n’ait pas respecté les principes qu’il prône soulève des doutes sur la véracité de la divinité qu’elle lui attribue.

De fait, l’histoire de l’Église est marquée par des disputes théologiques autour de la nature de Jésus, oscillant entre son humanité et sa divinité. Des mouvements comme l’arianisme ont contesté la déité de Jésus, ce qui a conduit à des conflits internes majeurs. 

Ces divergences ont mené à des conciles œcuméniques, tels que le concile de Nicée en 325, qui a établi la doctrine de la Trinité. C’est à cette réunion, sous l’autorité de l’Empereur Constantin, qu’il a été décidé que Jésus est à la fois le Père, le Fils et le Saint-Esprit. En somme, il est Dieu. Ces conflits historiques montrent que, même au sein de l’Église, la nature divine de Jésus n’a pas toujours fait consensus, laissant ainsi planer un doute sur la validité de cette croyance centrale de la foi chrétienne.

Au fil des siècles, diverses sectes chrétiennes ont également remis en question l’existence historique de Jésus ou ses attributs divins. Par exemple, les gnostiques considéraient que la connaissance (gnose) était plus importante que la foi en la divinité de Jésus, et certains textes apocryphes offrent une vision différente de sa vie et de son enseignement. Jean Meslier, curé d’Étrépigny dans l’archidiocèse de Reims, ne croyait pas en Jésus-Christ. De même, des chercheurs et penseurs modernes ont remis en cause la figure historique de Jésus, parmi lesquels le philosophe Michel Onfray.

Il est aussi important de noter que le christianisme a été influencé par des croyances antérieures, principalement celles issues de la civilisation gréco-romaine. Comme Jésus, plusieurs divinités de la mythologie gréco-romaine, telles qu’Hercule ou Dionysos, sont décrites comme étant nées de manière miraculeuse ou divine. Hercule, par exemple, est le fils de Zeus, tandis que Dionysos est également associé à des récits de naissance miraculeuse. Par ailleurs, on peut comparer la naissance virginale de Jésus à celle d’Horus dans la mythologie égyptienne, où sa conception est aussi entourée d’éléments extraordinaires.

 Dans les Évangiles, Jésus est connu pour ses miracles (guérisons, résurrections, etc.). De même, d’autres figures mythologiques comme Apollon ou Esculape étaient également vénérées pour leurs miracles de guérison.

La mort et la résurrection de Jésus rappellent également des récits similaires dans les mythologies gréco-romaines, où des dieux comme Dionysos ou Osiris (dans la mythologie égyptienne) subissent des morts et résurrections symboliques, représentant des thèmes d’immortalité et de renouveau.

Marie, la mère de Jésus, partage des similarités avec la déesse égyptienne Isis, qui incarne la maternité et la protection des enfants. Les deux figures ont enfanté de manière virginale. Isis est vénérée comme une grande mère, particulièrement dans le mythe où elle ressuscite son époux Osiris. La dévotion à Marie, notamment dans le catholicisme, renvoie au culte d’Isis, qui était très populaire dans l’Antiquité. Les titres tels que « Reine du Ciel » attribués à Marie trouvent un écho dans les cultes dédiés à Isis. Marie est également invoquée pour sa protection, tout comme Isis était perçue comme protectrice des mortels et des familles.

L’essor du christianisme dans un monde fortement influencé par les traditions gréco-romaines a favorisé un certain syncrétisme. Ainsi, les croyances chrétiennes émergentes ont intégré des éléments culturels et religieux préexistants, créant des récits et des symboles familiers pour les populations de l’époque.

Les parallèles entre Jésus et certaines divinités gréco-romaines, ainsi qu’entre Marie et Isis, illustrent comment le christianisme s’est développé dans un contexte où les idées et les croyances religieuses étaient en constante transformation et interconnexion. Ces influences sont essentielles pour comprendre l’évolution du christianisme et sa place dans l’histoire des religions.

Axel Illary

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