« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Categories: Politique

Côte d’Ivoire : Le colonialisme est de retour

Revenant sur la situation en Côte d’Ivoire après les élections présidentielles de 2010, elle note que « la réalité des faits est moins manichéenne que l’image qui en a été donnée » et que la proclamation de la victoire d’Alassane Ouattara « s’est déroulée en dehors de la légalité constitutionnelle et surtout sans tenir compte de contestations de la régularité du scrutin en certains endroits ».

« Face au litige, on aurait pu imaginer un recomptage des voix, ou un nouveau vote. Une opération coûteuse certes, mais beaucoup moins que ce qui allait suivre ».

En effet, il a fallu l’intervention violente de l’armée française pour que Laurent Gbagbo soit « délogé de la présidence » et remplacé par Ouattara. Au prix « d’une guerre civile qui fit plus de 3.000 morts » et de nombreuses destructions notamment à Abidjan. [2]

Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire « a quitté le champ médiatique » mais « on est loin de la normalisation ».

Notamment, dans l’Ouest, à Douekoue, où « 1.000 personnes ont été massacrées de sang froid par les forces qui appuyaient Ouattara, plus de 25.000 civils terrorisés, soupçonnés d’avoir été fidèles à Gbagbo, sont toujours réfugiés dans l’enceinte d’une paroisse ». La crainte de l’épuration ethnique règne toujours dans le pays.

Une armée d’occupation

Colette Braeckman s’interroge sur les raisons qui ont conduit la France « à trancher par la force diplomatique et militaire le nœud d’une élection contestée ». Alors que dans d’autres pays, « où le scrutin est tout autant sujet à caution » elle n’a jamais interféré à ce point. [3]

En fait, si la France a tout fait pour écarter Laurent Gbagbo du pouvoir c’est que celui-ci a « voulu diversifier les relations économiques de son pays » jusqu’alors sous l’emprise des multinationales françaises (Bouygues, Bolloré).

Il a eu le tort de tenter de « briser le quasi monopole économique de la France » en invitant « les entreprises chinoises à participer à des appels d’offres, entre autres pour la construction d’un troisième pont sur la lagune d’Abidjan ».

De ce point de vue, il est tout à fait symptomatique que, lors de la prestation de serment de Ouattara, Sarkozy ait amené avec lui des grands patrons et des conseillers français qui ont été installés dans les principaux ministères ivoiriens.

La presse africaine a pu alors titrer : « La France est de retour », nous dit Colette Braeckman. N’auraient-ils pas du plutôt écrire : « Le colonialisme est de retour » ?

Face à une telle situation, les partis politiques français, dont on serait en droit d’attendre des réactions indignées et des appels à l’action, ne se sont pas montrés trop préoccupés.

Ce n’est pas qu’ils ne s’intéressent pas à la politique internationale. A propos des évènements de Syrie, ils savent publier des communiqués dénonçant « un consternant niveau de violence, de terreur et de cynisme ». Alors que les 3.000 morts de Côte d’Ivoire et la politique criminelle de la France dans ce pays n’avaient suscité chez eux qu’une « vive préoccupation ».

JPD

[1] Colette Braeckman est membre de la rédaction du journal belge francophone Le Soir, en charge de l’actualité africaine et plus particulièrement de l’Afrique centrale. Elle est également chroniqueuse dans des revues et magazines, dont Le Monde diplomatique.

[2] Alors qu’il y a 3 mois Sarkozy minimisait le rôle des forces françaises dans la capture de Laurent Gbagbo à Abidjan, ce 14 juillet, il salue les forces françaises qui ont permis cette capture. Ce revirement confirme que les forces françaises en Côte d’Ivoire ont agi en complète illégalité par rapport au mandat fixé par l’ONU. Ce mandat limitait le rôle des forces sous mandat de l’ONU à la protection des civils des armes lourdes utilisées par les deux camps. Non seulement l’ONU a permis l’entrée des armes lourdes des rebelles de Ouattara dans Abidjan mais elle ne s’est opposée qu’à l’utilisation de celles de l’armée de Côte d’Ivoire fidèle au Président Gbagbo.

[2] Colette Braeckman cite l’Afghanistan, le Gabon, le Congo Brazzaville… « Partout ailleurs la tolérance prévaut face aux accusations de fraude », ajoute-t-elle.

Sat, 23 Jul 2011 02:03:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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