« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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Douyou Nicaise (JFPI) : «Le pouvoir Ouattara fait de l’insécurité, notre compagnon fidèle. », «Zadi Djedjé n’a jamais été leader patriotique au temps de Laurent Gbagbo »

Vous semblez désapprouver la rencontre tenue le lundi 10 septembre 2012 entre le ministre de l’intérieur Hamed Bakayoko et les jeunes patriotes au Baron de Yopougon ?

C’est exact. D’abord parce que l’initiateur de cette rencontre qui se fait passer pour le président d’une coalition dite patriotique est un faussaire. Cet individu du nom de Zadi n’est reconnu dans aucun fichier de ceux que nous avons toujours vu comme étant membres de la galaxie patriotique. Il n’a jamais été leader d’une organisation patriotique au temps de Laurent Gbagbo. Se faire passer pour un leader d’opinion proche de Laurent Gbagbo est donc une manœuvre visant à s’attirer la sympathie des tenants du pouvoir.

Est-ce à dire que ce jeune homme a mal fait d’avoir accepté de discuter avec le ministre en charge de la sécurité à l’intérieur de la côte d’Ivoire ?

Ce n’est pas la rencontre en-elle-même qui pose problème. C’est l’objectif inavoué et le discours qui ont sous-tendu cette rencontre. Je crois savoir qu’au cours de cette cérémonie, le ministre Hamed Bakayoko dans son discours a dit qu’il veut bien respecter la conviction de chacun et la liberté de penser de chaque citoyen ivoirien. Je voudrais donc dire au ministre qu’il est bien beau de tenir ce genre de propos lorsqu’on se trouve devant des jeunes qu’on veut séduire. Mais qu’il sache que parmi ces jeunes, se trouve des innocents qui subissent encore la répression et le courroux des FRCI. Et ces jeunes ont des parents et des amis qui sont actuellement en prison parce qu’il se sont montrés comme des jeunes de conviction.

Comment interprétez-vous la présence des jeunes qui étaient ce jour-là au Baron avec le ministre Bakayoko.

Ceux qui étaient avec lui au Baron ce jour-là, sont des jeunes qui, parce que quotidiennement menacés, ont accepté de répondre à l’appel de M. Zady, le pion manipulé du ministre Bakayoko et ce, pour sauver leur propre vie. Ce n’est pas parce qu’ils épousent les idées de Hamed Bakayoko. D’ailleurs ce sont des jeunes que nous connaissons très bien. Il y a le président des jeunes de Kpapékou, de Pissékou et bien d’autres que je n’ai vraiment pas envie de citer nommément.

Voulez-vous dire qu’il n’y avait pas de refugiez parmi les jeunes qui se sont massivement rendus au Baron ?

Je dis que c’est de la commédie. Il n’y avait aucun refugié contrairement à ce qu’on nous a fait croire. On nous a dit qu’il y avait eu de nombreux refugiés qui sont rentrés du Ghana. C’est faux.

M. le ministre a aussi dit qu’il était disponible pour écouter tous ceux qui veulent aller à la paix. Commentaires….

Moi, je ris quand j’entends de tels propos. Si le ministre Hamed Bakayoko se dit vraiment prêt à écouter tout le monde à faire en sorte que la liberté de penser et de manifester soit garantie, qu’il rende possible la révolution pacifique. Qu’il fasse libérer tous ceux qui sont en prison aujourd’hui pour leur conviction et que ceux qui s’expriment ne soient pas emprisonnés tel que c’est le cas du ministre Alphonse Douaty et le secrétaire général Akoun Laurent. Et qu’il y’ait un véritable débat politique. Nous sommes demandeurs de ce débat politique. Nous voulons que les ivoiriens disent ce qui est nécessaire pour faire la réconciliation nationale. Et puis, rencontrer les jeunes pour dire que c’est une façon de leur tendre la main est pour moi un acte de manipulation politique de l’opinion nationale. Cette main tendue est pour moi un gant de paix dans lequel se trouve un poing fermé de guerre. Hamed Bakayoko est celui qui tend la main et lorsque vous acceptez la main tendue, vous êtes arrêtés et emprisonnés. Nous savons combien de fois ils ont demandé aux gens de venir et nous savons ceux qui, une fois venus ont été arrêtés et torturés.

On a vu le ministre faire, ce jour de la rencontre, faire une promesse de travail au président lui-même et à plus d’une vingtaine de jeunes. N’est-ce pas là un acte concret ?

Je me souviens que le ministre Hamed Bakayoko a demandé aux jeunes de ne pas se sacrifier pour des gens qui ne font rien pour eux. Ce que je voudrais répondre au ministre, c’est de lui dire que si lui Hamed Bakayoko est aujourd’hui ministre, c’est parce que, des milliers de jeunes se sont sacrifiés pour eux. Il est aujourd’hui ministre parce que des jeunes se sont saisis des armes au risque de leur vie pour les conduire au pouvoir. Aujourd’hui, quelle est la récompense de ces jeunes, non seulement ils ne font rien pour eux mais ils ne font rien avec eux. Ces jeunes sont livrés à eux-mêmes. Et c’est ce qui explique les braquages des domiciles parce que ces jeunes qui détiennent encore les armes veulent se faire payer sur le terrain. Il n’y a pas longtemps le ministre Amani Michel a été victime de braquage, tout récemment c’est encore un ancien ministre, Dano Djédjé qui subi la furia des braqueurs. Ce pouvoir fait de l’insécurité notre compagnon fidèle. Et pour manipuler l’opinion nationale et internationale, on veut orienter notre regard dans le camp des pro-Gbagbo. De quels moyens disposent les pro-Gbagbo aujourd’hui pour inquiéter toute une population et pour quelle raison les pro-Gbagbo attaqueraient les domiciles des responsables du Front populaire ivoirien, le parti de Laurent Gbagbo. En un mot, tous ceux qui suivent Laurent Gbagbo sont des jeunes de conviction. Et puis, les actes qu’il a posés ce jour doivent interpeller. D’entrée de jeu, le ministre a dis à ces jeunes qu’il n’était pas venu acheter leur conscience. Mais séance tenante, il trouve du travail au président et par la suite, il promet d’en trouver à vingt autres jeunes. Le FPI ne fonctionne pas de cette façon. Un ministre d’Etat qui dit au cours d’une rencontre avec quelqu’un supposé être son adversaire que je te trouve du travail demain, c’est ce qu’on appelle achat de conscience. En tant que ministre d’Etat, il faut qu’il soit plus responsable parce qu’il dirige un Etat. Sait-il le niveau intellectuel et la qualification de cet enfant. Si pour avoir du travail on doit faire allégeance à Hamed Bakayoko, il y a de quoi désespérer de la côte d’Ivoire. Sait-il que chaque jour des milliers d’Ivoiriens sont renvoyés de leur travail sous prétexte qu’il y’a une crise économique ? Or donc, il y a seulement du travail pour ceux qui font allégeance à Ouattara ?

C’est d’ailleurs pourquoi le ministre demande à vous hommes de conviction de l’aider à protéger la paix. Vous saisissez cette autre main tendue du ministre?

Vous voyez, un homme politique lorsqu’il parvient au pouvoir quelque soit la manière, il doit copier sur de bons exemples. Nelson Mandela, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, au moment de son investiture, il a demandé à son geôlier d’être à la cérémonie d’investiture à tent que membre d’honneur. Prenons l’exemple du président KING de la Corée du Sud qui avait été condamné à mort. Mais lorsqu’il est venu pouvoir, il a demandé à son geôlier d’être le parrain de son investiture. Laurent Gbagbo, en prenant le pouvoir, il a fait la paix avec le général Robert Guéi, il a ensuite pris une loi d’amnistie Voilà en faveur de tous les rebelles qui ont pourtant tué et massacré les Ivoiriens. Laurent Gbagbo l’a fait pour protéger la paix. Des rebelles sont même devenus ministres de la république de Côte d’Ivoire. Voilà des actes forts. Et nous aurions voulu que OIuattara s’inspire de ces beaux exemples pour protéger la paix. Mais qu’est-ce qu’il a fait, il trouvé nécessaire de jeter tout le monde en prison en tout cas pour ceux qui ont eu la chance. Quant aux autres qu’il soupçonnait de crime ou je ne sais quoi, c’est la mort qui les a accueillis. Et puis la paix, ce n’est pas une transaction entre deux individus, c’est un comportement sociétal.

Vous semblez dire que les jeunes patriotes et ceux du FPI que vous êtes, n’êtes vous pas prêts à pardonner au pouvoir ?

Ce n’est pas ce que je dis. Desmond Tutu disait qu’il n’y a pas d’avenir sans pardon et la générosité d’un grand, c’est de voir en son adversaire, un ami, un frère. Ouattara qui est aujourd’hui au pouvoir doit voir dans les partisans de Gbagbo de simples adversaires et frères et non des ennemis à abattre.

Yvan Walilou in ABIDJANDIRECT

Thu, 20 Sep 2012 23:43:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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