Interview / Douhou Pierre (DG des sports) crache ses vérités : ‘’Au ministère des sports, la délation est érigée en compétence’’

La direction générale des ports est née de la défunte direction des sports. Ayant analysé la formule des charges en matière de sport, le ministre dessports d’alors, Dagobert Banzio, a jugé utile de créer la direction générale des sports et la direction générale de la jeunesse. Cette direction que je dirige est chargée, au plan organisationnel, de la coordination et de la supervision de la politique nationale en matière de sport. Elle définit et planifie les stratégies en matière de sports, des infrastructures sportives y afférentes. Elle a deux composantes, que sont la direction des sports de haut niveau et la direction des sports de masse. En plus de cela, en matière de collaboration bilatérale, la direction collabore avec le comité international olympique, la CONFEGES, le comité de la francophonie, etc. La direction générale des sports se charge aussi de tout ce qui est décoration des personnes physiques ayant œuvré pour le sport ivoirien. Voici en quelque sorte le rôle de la structure que j’ai l’honneur de diriger.
Nous sommes à quelques jours du coup d’envoi du Mondial de basket-ball en Turquie. Nous le savons, les Eléphants seront du rendez-vous. Comment vont les préparatifs ?
Le Mondial de basket-ball est une compétition très importante et comme on le dit souvent, qui veut aller loin ménage bien sa monture. A ce niveau, la Fédération ivoirienne de basket-basket-ball s’est donnée les moyens pour s’assurer une place honorable en Turquie, dans cette compétition très relevée. Elle a planifié en termes de préparation plusieurs regroupements qui sont en cours avant que les athlètes ne se rendent en Turquie. Six regroupements ont été prévus notamment en France, aux Etats-Unis, en Suisse, en Macédoine. Il faut dire que la Fédération a réussi à identifier des joueurs de talent un peu partout. Et elle a tout mis en œuvre pour le positionnement de ces garçons. Nous pensons qu’avec une telle prévision, notre équipe nationale peut se donner les moyens d’aller plus loin dans ce championnat du monde de basket-ball, prévu du 26 août au 13 septembre.
Avez-vous une idée de la délégation Ivoirienne et quel est le budget de ce mondial ?
Au niveau du ministère, cinq personnes sont du voyage dont le ministre. Quant à la délégation de la Fédération de basket-ball, elle comprend 32 personnes dont les athlètes qui sont déjà en Europe. Le budget a été déjà dit sur les antennes. Si les prévisions sont acceptées, le budget tournera autour de 500 millions FCFA.
En tant que DG des sports, que pensez-vous du CONAGES et du CNSE, deux structures qui ont fait couler beaucoup d’encre et de salive lors du Mondial 2010 de football en Afrique du Sud, à propos de la gestion des supporters ivoiriens.
Le CONAGES est le bienvenue et en tant que DG des sports, il est bon de noter comment le CONAGES a vu le jour par la volonté du ministre Mel Eg. J’étais avec le ministre à l’ouverture des activités de l’OISSU en 2010 au Parc des sports de Treichville. En dehors des sportifs eux-mêmes, il n’y avait pas grand monde. Le public a boudé tout simplement la cérémonie. Ensuite, j’étais avec le ministre Mel Eg au stade Félix Houphouët Boigny, lors du meeting international Gabriel Tiacoh. Il n’y avait non plus pas de monde. Le ministre s’est alors demandé si les Ivoiriens ont-ils oublié le seul médaillé de la Côte d’Ivoire aux JO ou bien la communication autour de l’événement avait-elle été défaillante ? J e vous le dis, les gradins et tribunes étaient bien vides. Devant autant d’interrogations, il fallait apporter une réponse idoine. C’est comme ça que le CONAGES est né. C’est regrettable que des Ivoiriens qui se retrouvent pour une unique cause dans un pays aient un problème. A l’analyse, le CONAGES et le CNSE ne se rejoignent nulle part. Ce sont deux structures qui n’ont pas les mêmes objectifs et qui ne doivent pas se confondre. Le CNSE est chargé de la mobilisation des supporters. Je sais bien que le CNSE, lors de la gestion du ministre François Amichia, apportait des compléments financiers à certaines fédérations sportives qui avaient des difficultés à participer à des compétitions internationales. Le CONAGES répond à un besoin de promotion des événements sportifs, ce qui est différent du CNSE et de la mobilisation des supporters. Je ne comprends pas pourquoi on en fait un problème jusqu’à attaquer le ministre Mel dans une certaine presse. Je crois que l’Ivoirien d’une manière générale, n’aime pas l’innovation. Voyez-vous, la fédération des sports paralympiques (handisport) remporte des lauriers mais cela passe inaperçu. Idem pour le taekwondo, le handball etc. Aujourd’hui, le CONAGES se propose de rectifier le tir et je suis heureux de cela. Parce que je considère que le CONAGES est un partenaire qui se donne les moyens pour gérer les activités que je gère. Je voudrais dire que le ministre Mel a vu juste en nommant le président Samy Merhy au CONAGES. Parce que Samy n’est pas quelqu’un que le ministre a tiré du chômage. C’est un chef d’entreprise en activité et un manager. D’ailleurs, il n’a pas attendu pour lancer le Mondial de basket-ball. Il est au travail pour toutes les fédérations sportives.
Nous avons l’impression que vous avez oublié le travail abattu par le CNSE de Jean-Louis Billon…
(Il nous arrête). Non pas du tout. Le CNSE a fait un travail remarquable même qui n’a rien a avoir avec celui fait par le CONAGES en ce moment. Le CNSE a sa place auprès du ministre tout comme le CONAGES. Le CNSE a fait un travail remarquable et je n’en disconviens pas. C’est parce que les gens ont voulu faire croire que le CONAGES a été créé pour faire ombrage au CNSE que je fais cette précision. Les deux structures ont des missions bien distinctes et peuvent travailler ensemble. Il n’y a pas de confusion, c’est dommage que le président du CNSE, Billon ait démissionné.
C’est bien de parler de la promotion et de la mobilisation autour d’un événement sportif. Mais la question du financement des compétitions internationales constitue un casse-tête chinois pour les fédérations. Comment se fait-il que la direction générale des sports a du mal à mettre en place un plan de communication à la disposition des fédérations à temps ?
Vous savez, l’administration, c’est l’art de rejeter la faute sur l’autre. Je suis bien loin de cela. J’ai ma philosophie de travail qui est différente de celle des Ivoiriens qui croient qu’ils ont le temps de faire ce qu’ils ont à faire. Moi, j’anticipe. Pour ce qui est de la communication au niveau des fédérations, il faut dire qu’il y a une démarche à suivre. D’abord, pour une compétition internationale, la fédération exprime toutes les données à la direction des sports de haut niveau et nous préparons la communication en conseil des ministres pour demander, à la fois l’autorisation du gouvernement et le financement de la compétition par le budget de l’Etat. Dès que je finis la communication à la direction, je la transmet au cabinet du ministre Mel pour la signature avant son acheminement au ministère de l’économie et des finances. Et je règle cette communication au moins un ou deux mois d’avance. Après la signature du ministre Mel, il y a un suivi de la communication qui sera acheminée aux ministères des finances et des affaires étrangères. Ensuite, le nombre des copies qui varie entre 30 et 35 copies, est acheminé à son tour au secrétariat général du gouvernement. Là une programmation est faite pour que la communication soit validée en conseil des ministres. Et cette validation fait l’objet d’une attestation qui est une pièce importante pour que les services financiers du ministère de l’économie et des finances mettent en place leurs procédures pour rechercher la trésorerie nécessaire pour satisfaire cette communication. Voici comment ça se passe. C’est là le bât blesse. La trésorerie de l’Etat, ce n’est pas l’argent liquide qui est là. Un budget de l’Etat est une prévision de dépenses. C’est quand les services du trésor trouve l’argent par leurs mécanismes que le régisseur entre en action pour régler la communication. Pendant ce temps, les athlètes doivent partir. J’estime qu’il y a des dispositions à prendre avant tout. D’abord, faire la réservation des billets d’avion auprès des agences. C’est aussi ça le problème. Un avion n’est pas un wôrô-wôrô dans lequel on peut trouver des places à n’importe quel moment, encore qu’il y a des wôro-wôrô où les gens font des rangs. Les équipes sont des groupes de personnes et non des individus. Donc pour trouver 10, 20 ou 30 places dans un avion, il faut s’y prendre tôt. Ce n’est pas à trois jours qu’il faut courir à gauche ou à droite. Ce n’est pas professionnel. Avant que la communication ne soit signée par le ministère de l’économie et des finances, la réservation doit être faite. La procédure est ce qu’elle l’est mais il faut anticiper. Il faut qu’on arrive à terme à une autonomisation réelle des finances destinées au sport. S’il y a un fond de développement du sport qui est là, le problème serait résolu. Je me réjoui de la présence du ministre des sports parce qu’il a mis en place un fonds à la salubrité urbaine. Il le faut au sport parce que le ministre Mel connait le mécanisme. Et ce fonds pourrait avoir pour base la parafiscalité.
Où en sommes-nous avec la parafiscalité ? Est-ce que depuis le départ du ministre Dagobert Banzio, les fédérations perçoivent leurs chèques ?
Chacun a sa manière de travailler. La parafiscalité qui a connu une application sous le ministre Banzio est toujours perçue par les fédérations. Avec le ministre Mel, nous avons estimé que nous n’avons pas besoin de caméra pour remettre le salaire des fédérations, en quelque sorte. Elles perçoivent leurs chèques mais la rigueur sera de mise maintenant. Nous n’allons plus fermer les yeux sur certains critères de notation. Dans le cadre de la parafiscalité, nous signons une convention avec les fédérations qui les obligent à satisfaire des conditions matérielles, d’organisation et de résultats. L’une des conditions matérielles, c’est d’avoir un siège fonctionnel. Nous avons des critères pour le classement qui se situe au plan quantitatif, qualitatif et au plan des résultats.
Que s’est-il passé pour que le handball ivoirien soit suspendu de toute compétition internationale ?
C’est vous qui me le dites. Je n’ai pas encore reçu de courrier pour une telle suspension. Maintenant si c’est le cas, on avisera. J’ai entendu dire que pour n’avoir pas été au championnat du monde de handball en République Dominicaine que la Côte d’Ivoire a été suspendue. Effectivement, les athlètes ivoiriens n’ont pas participé à cette compétition, à cause d’un problème de réservation de billets d’avion, après les efforts de la direction générale des sports. Selon les propos du président Ouraga de la fédération, la réservation faite prenait le trajet Abidjan-Paris. Malheureusement, arrivé en France, il n’y avait pas de places dans l’avion devant les amener à la République Dominicaine. Il fallait trouver une solution. C’est ainsi qu’ils ont opté pour le trajet New York-République dominicaine. Mais là encore, il fallait trouver les visas le même jour. C’était impossible. C’est ainsi que tout a foiré. On était bloqué là pendant que la compétition se déroulait. Parce que tout cela n’est pas professionnel. Avec ou sans la communication signée, il faut faire les réservations. Ce n’est pas payant pour une équipe. Il faut le faire un ou deux mois en avance de sorte à avoir une marge de manœuvre.
Qui doit faire cette réservation et à qui la faute ?
Je ne peux pas parler de faute. C’est une chaîne et il faut que chaque maillon de la chaîne joue sa participation. Il y a la responsabilité des fédérations en ce sens qu’elles ont le devoir de faire les réservations à temps. Elles connaissent l’agence avec laquelle nous travaillons. Tra Bi a été accusé mais ce n’est pas de sa faute s’il n’y a pas eu de places dans l’avion ou pour le problème de visa. Tant qu’il n’a pas l’argent disponible, il ne peut rien faire.
Quels sont vos rapports avec le ministre Mel Eg Théodore, vous qui êtes parvenu au sommet au ministère du sport grâce au ministre Banzio en 2006 ?
Cette question va me permettre de recadrer les choses. Je remercie au passage le ministre Banzio. J’ai eu cette chance d’avoir été sous-directeur dans ce ministère pendant dix ans. J’ai été successivement directeur des sports, directeur de la promotion de l’EPS, directeur de l’ONS à partir de 2000. En 2004, je me suis retiré en France pour mes études, précisément à Paris-Dauphine pour boucler mon MBA. C’est de Paris que le ministre Banzio m’a fait appel en 2006 pour diriger l’ONS. Après il m’a nommé DG des sports. J’avoue que mes rapports avec le ministre Mel Eg Théodore sont bons. Très bons d’ailleurs. Je peux même dire que le ministre Mel est plus que mon parent. Nous sommes des parents parce que nés et grandis à Cocody. C’est un aîné pour qui j’ai assez de respect. Aussi, en Afrique, quand tu as ton fétiche, il faut savoir l’adorer pour que les autres l’adorent. C’est pourquoi je préfère me concentrer sur le travail qu’il m’a confié. Je me dois de faire convenablement mon travail pour l’aider à réussir sa mission. Là où il m’attend, c’est de bien travailler et de bien conduire les dossiers. C’est vrai que je me fais rare le plus souvent à ses côtés, mais c’est ma stratégie à moi. Sinon, je le connais très bien. Je ne suis pas obligé d’être toujours auprès de lui comme le font certains. Vous savez, je n’aime pas dénigrer. C’est volontiers que je préfère être dans mon coin une fois le travail terminé. Je peux aller toujours chez lui, il est d’ailleurs à deux pas de chez moi. Ce que je déplore dans ce ministère, c’est que la délation est érigée malheureusement en règle de compétence. Alors que c’est le travail qui doit guider les uns et les autres. Je ne suis pas loin donc du ministre Mel. Et puis, un ministre de la République fut-il votre collaborateur, n’est pas n’importe qui. Il ne faut pas le surcharger. C’est le respect qui prime. Il y a néanmoins des compétences au ministère du sport mais la délation a englouti beaucoup.
Un mot sur les Eléphants footballeurs, surtout l’équipe A qui éprouve du mal à remporter un trophée
La Côte d’Ivoire souhaiterait avoir une équipe performante et qui donne satisfaction en remportant une seconde coupe d’Afrique après celle de 1992. Par rapport à ces objectifs, il faut un encadrement technique de haut niveau et ma foi, ce qui est le plus important, c’est d’avoir un entraîneur qui connaît les joueurs, qui peut jouer sur leur mentalité, faire des choix pour avoir une vraie équipe. C’est ça le plus important. Nos entraîneurs locaux ont le même niveau que les techniciens expatriés. Il faut savoir former une équipe. De bons joueurs mais ce ne sont pas les bons choix qui sont faits, au plan technique et au plan tactique. C’est pourquoi nous ne sommes pas à la hauteur des autres. Qu’on ne juge pas les joueurs ivoiriens sur leurs prouesses en clubs, c’est bien différent. Il faut leur inculquer une autre mentalité en équipe nationale. Le sport est une science et les meilleurs joueurs mis ensemble ne peuvent pas donner satisfaction en un temps record. Il faut les amener à avoir certains automatismes. Il faut travailler sur le long terme. Tout résultat se prépare.
Avec le partenariat de l’Intelligent d’Abidjan / Par Réalisée par Annoncia Sehoué
Sat, 28 Aug 2010 03:13:00 +0200
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