Leçons guinéennes pour des élections ivoiriennes

A onze jours du scrutin ici en Côte d’Ivoire, l’on ne peut manquer de songer à ce qui se passe en Guinée. Un pays si proche. Mais sommes nous Guinéens ? Oui nous sommes un peu guinéen, mais pas tout à fait. Avec ses Peulh, ses Soussou, ses fo- restiers et ses Malinkés la Guinée fait un peu Côte d’Ivoire, d’autant plus qu’on retrouve quelques cousins ivoiriens parmi les Peulh, les Malinké, les forestiers et même les Soussous de Guinée. Nous sommes égale- ment un peu Guinéens, parce que nous avons deux tours. Toutefois, nous allons au deuxième tour, tout en restant dans la dy- namique du premier tour, alors qu’en Gui- née, les quatre mois ayant séparé les deux tours, ont brisé bien de dynamique d’une part, et d’autre part, ont aidé un camp à se rassembler et à se remobiliser. En clair, la victime des successifs reports de l’élec- tion en Guinée aura été El Hadj Mamadou

Chacun voit un peu de Guinée en lui

Dallein Cellou Diallo. Largement vainqueur du premier tour, il a dû avoir le triomphe modeste et le profil bas, pour éviter de pa- raître trop pressé d’arriver au pouvoir. Sa vigilance n’a pas pu avoir raison de la coa- lition tout sauf Dallein qui a eu le temps de mettre tout en oeuvre pour lui barrer la rou- te. Cela dit, il faut noter que l’écart de 140 mille voix interpelle, et pose le problème du taux de participation qui est d’environ 65 pour cent. Deux leçons à retenir et qui font que nous sommes vraiment un peu guinéens : d’abord l’arithmétique électorale n’a pas bien fonctionné en Guinée. Malgré le rallie- ment de Sidya Touré à Dallein Diallo, celui- ci a été presque seul, et n’a accru son sco- re du premier tour que grâce à son seul clan. En clair, Sidya Touré n’a pas été sui- vi, ou bien il n’a pas joué franc jeu. Cela est bien rassurant pour la Majorité présidentiel- le en Côte d’Ivoire. L’autre leçon est que le deuxième peut devenir premier. Au RHDP, on préfère voir cela et argumenter que la mécanique RHDP n’est pas circonstanciel- le et qu’elle dure cinq ans, alors qu’en Gui- née, c’est du bout des lèvres que Sidya Tou- ré a soutenu Dallein Diallo, après un pre- mier tour très fratricide. Chacun voit un peu de Guinée en lui, en prenant bien sûr le côté qu’il l’arrange. C’est de bonne guerre. Cela dit, l’occasion est bonne d’attirer l’atten- tion de tous sur les dangers de recours à l’ethnie. Quand Houphouët-Boigny était mis en difficulté par Laurent Gbagbo, il convo- quait les bons et les vrais Bété de l’époque qui étaient feu Bra Kanon, Gnoléba, Pierre Kipré et bien d’autres qu’il opposait au fils indigne et au faux Bété. Les Bété PDCI montaient alors au créneau. Dans le film d’Henri Duparc, dont s’est inspiré Mama- dou Ben Soumahoro, pour réaliser une ex- cellente et enrichissante série de films sur l’homme de la situation, Laurent Gbagbo a dénoncé avec vigueur cette façon de fai- re la politique. Aujourd’hui avec la course aux Baoulé, n’est-ce pas le même scénario qui n’a pourtant pas brisé l’élan et le par- cous de l’enfant du peuple face à Houphouët. Jusqu’où peut-on encourager les allé- geances et ralliements du genre : artistes baoulés, juristes baoulé, universitaires et en- seignants Akan et baoulé, paysans baou- lé, baoulé de Daloa du Moyen Cavaly, baoulé de la diaspora,etc…. . Un candidat ayant avec lui, Gadji Celi président de tous les artistes de Côte d’Ivoire, et le grand Alpha Blondy, (qu’on n’entend plus et qui dit-on serait opposé à ce qu’il considère comme dérive identidaire); a-t-il besoin du soutien des seuls artistes baoulé ? Aïcha Koné et d’autres artistes mandingues de- vront-ils convoquer leur tribu ? Candidat trans-ethnique et représentatif d’une vraie majorité nationale, Laurent Gbagbo, en allant lui-même à la rencontre des popula- tions, en renforçant le corps à corps pour chercher à connaître lui-même le maximum d’électeurs, comme il a toujours fait, en par- courant le pays, depuis toujours, se donne plus d’atouts que les éléments télévisés qui passent ces temps-ci. Et qui ont l’avantage de convaincre et rassurer ses seuls partisans. Mais ces éléments télévisés peuvent avoir du mal à conquérir de nouveaux électeurs si l’angle d’attaque est mal trouvé. Quid de la thématique du Kangaba ? Là encore on doit savoir qu’à chacun son esclave, à cha- cun son kangaba. Dans l’Etat moderne de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo a toujours prôné la démocratie au détriment de la tri- bucratie. C’est cela sa force et son atout. Exalter autour de lui, les valeurs d’une tri- bu, peut avoir un revers. Car ce n’est pas seulement le Mossi ou l’étranger qui est l’es- clave de l’autre. Hors de l’Etat et de la Na- tion, chacun devient l’esclave de l’autre. C’est pourquoi nous faisons souvent appel aux alliances interethniques pour assumer nos différences. Par ailleurs, l’esclave ne peut-il pas aller au front pour le chef, et le Nanan ? Voici donc l’ouvrier et le Kangaba Ouattara au front et en mission commandée pour sauver et laver l’affront que le Nanan Bédié, le vrai chef Bédié aurait subi. Avec N’Zueba dans un rôle joyeux et heureux de patriarche qui regarde Ouattara aller en combat et prendre le coup pour lui. Tout dis- cours a une connotation et en même temps son revers. Pendant que d’un côté on dénonce les assassins de gendarmes, les égorgeurs d’Ivoiriens, le drame des enfants orphelins, la misère des jeunes, et des femmes victimes de guerre, l’étranger qui veut s’emparer du pays ;de l’autre côté, on montre les images du charnier. On parle de l’escadron de la mort, du bombardement des villes détenues par les FN. On parle de victoire volée au PDCI, qu’il faut venger. On parle de ne pas voter les tueurs et les as- sassins de Guéi. Le raccourci n’arrange per- sonne, parce que chacun de nous a sa part de douleurs et de souffrances dans l’histoi- re cinquantenaire de notre pays.

Rendre le monde meilleur

Avec les raccourcis, les programmes et les idées foutent le camp. Et l’on a du mal à identifier celui qui peut rendre le monde meilleur, pour emprunter une expression. Le temps est venu de mettre en exergue les qualités et les atouts de celui qui peut rendre le monde meilleur! Au lieu de mettre l’accent sur les défauts de Laurent Gbag- bo, et si au RHDP on mettait l’accent sur les qualités d’Alassane Ouattara. Vice-ver- sa ! Le temps est venu de sortir de l’arith- métique tribale et ethnique. Heureuse- ment l’espoir arrive avec l’attente de la campagne officielle.
En effet selon des observateurs, le ton deviendra plus courtois, plus apaisé moins agressif, et plus civilisé à partir du 20 No- vembre prochain. A travers les médias d’Etat, le bon ton sera à l’honneur. L’on pourrait même voir Laurent Gbagbo et Alas- sane Ouattara s’embrasser et se donner l’ac- colade, à l’issue du face à face annoncé et confirmé par le CNCA, mais redouté dans les deux camps.
Une belle image! Entre l’enfant du peuple Laurent Gbagbo, père de la bonne humeur et de la convivialité politiques d’une part. Et d’autre part Alassane Ouattara qui en- tretient son image de technocrate et d’éco- nomiste, connaissant ses dossiers, qui s’es- saie aussi à la convivialité et qui joue de plus en plus le populiste à sa façon (je rendrai au PDCI, et au RHDP la victoire que Gbag- bo lui a volée). L’espoir n’est pas définiti- vement perdu. Ou bien !

Avec l’Intelligent d’Abidjan / Par Charles Kouassi

Wed, 17 Nov 2010 03:07:00 +0100

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