« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
Categories: Politique

L’ethnie comme une arme pernicieuse de domination


L’ancien chef d’Etat burundais Pierre Buyoya a sorti récemment ses mémoires qui parlent du long cheminement de son pays vers la paix. A l’occasion de la promotion de ce livre, il a accordée une interview à Rfi le mardi 8 mars dernier. Dans l’entretien que lui a accordé M. Boisbouvier la question des ethnies a été prioritairement évoquée. C’est une pratique courante que dans les conversations que les hommes de media occidentaux engagent généralement avec les hommes politiques africains, le débat tourne toujours autour de l’ethnie. Ce n’est même plus surprenant ! Alors qu’en Occident, chez eux, on parle rarement d’ethnie avec les politiciens. C’est même à croire qu’il n’y en a pas. Ils sont en campagne en France et personne ne se préoccupe de l’ethnie de Hollande, de Sarkozy, de Marine Le Pen…Le premier cité vient d’un village qui a déjà donné un chef d’Etat à la France. Mais personne ne s’en offusquera pour dire qu’il n’y a pas que les corréziens capables de diriger la France. En Afrique on parlera de l’ethnie de Laurent Gbagbo pour dire qu’elle est minoritaire et que ce dernier ne peut valablement se faire élire dans un pays ou son ethnie est noyée par les autres. On parlera aussi abondamment de l’ethnie de Dramane Ouattara pour justifier ″son exclusion″ et enclencher une guerre civile sur fond de rattrapage ethnique. Des Akans, on fera véhiculer l’idée que c’est à eux que sied l’art de gouverner les autres. Les Occidentaux parlent des peuples africains en les enfermant dans des grilles ethnicistes pour mieux les opposer. Ce n’est donc pas nouveau, et seuls ceux qui, comme des sangsues, en profitent, continuent par des reflexes politiques rétrogrades d’encourager ces lectures surannées. Mais ce qui est nouveau dans la réponse que Pierre Buyoya donne à son interlocuteur est en substance ceci : « il nous faut construire au Burundi une démocratie, une société sans ethnies. Mettre en place une approche administrative des citoyens qui fasse totalement l’économie de leur ethnie ». Quand on pense à tout ce que ces grilles de lecture ethniciste ont provoqué en termes de drames politiques dans ce pays, dans le pays voisin, le Rwanda, et dans la plupart des Etats en crise en Afrique, cette réflexion de Pierre Buyoya est une étincelle dans la grisaille des maux qui minent notre continent. La ″désethnisation″ des rapports sociopolitiques n’est certainement pas une mince affaire. Mais il faut déjà prendre conscience que la catégorisation ethnique est un mal pernicieux dont il faut se débarrasser si nous voulons vraiment rattraper notre retard de civilisation. Je me souviens qu’un ami m’avait même soufflé entre deux réflexions de ce genre que les distinctions ethniques ont été importées par les impérialistes qui les utilisent comme instruments de division pour mieux asseoir leur empire.



Joseph Marat

Thu, 08 Mar 2012 21:58:00 +0100

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La Dépêche d'Abidjan

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