L’excision: le cauchemar des Africaines. Les pratiques du moyen Âge ont toujours la peau dure dans certaines régions d’Afrique, surtout au Mali…

La pratique de l’excision est en baisse en Afrique, mais n’a pas disparu. Synonyme de souffrance, elle plonge dans la détresse de nombreuses femmes. l’Assemblée générale de l’ONU a adopté le 26 novembre sa première résolution dénonçant les mutilations génitales féminines qui affectent quelque 140 millions de femmes dans le monde.

Ces pratiques, dont l’excision, sont illégales dans une vingtaine de pays africains et en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis et au Canada notamment, mais elles n’avaient encore jamais fait l’objet d’une condamnation à un tel niveau dans les instances de l’ONU. Plus de 110 pays, dont une cinquantaine africains, ont soutenu conjointement ce texte qui demande aux Etats membres de «compléter les mesures punitives par des activités d’éducation et d’information».

La femme africaine est pétrie des différentes facettes de sa culture. Elle y est naturellement attachée, qu’elle le veuille ou non.

L’une des facettes de cette culture est l’excision. Certaines femmes l’acceptent malgré elles. Mais elles représentent une minorité. Ces femmes veulent tout simplement respecter les décisions des parents. Ne pas le faire est un sacrilège.

D’autres femmes la rejettent de toutes leurs forces, au grand dam des lourdes conséquences dans les relations familiales.

La majorité des femmes qui subissent l’excision sont de confession musulmane, une infime partie est chrétienne ou animiste. Les femmes en souffrent terriblement dans leur corps et dans leur cœur au quotidien.

Comment est-elle pratiquée?

La pratique de l’excision diffère selon les pays, les villages ou les ethnies. L’âge de la jeune femme varie tout autant: certaines femmes sont excisées avant leur puberté, alors que d’autres le sont après.

L’excision se fait en trois phases: la première est l’ablation du clitoris seul, la deuxième consiste en l’ablation du clitoris et des petites lèvres et enfin la troisième phase, la plus sévère on enlève le clitoris, les petites lèvres et les grandes lèvres. Il ne lui reste qu’un orifice…

Certains témoignages sont édifiants en Côte d’Ivoire où j’ai commencé mon enquête. L’excision est pratiquée chez les Yacouba, les Guéré, les Wobè et surtout dans le nord. Mais elle est pratiquée aussi dans plusieurs autres ethnies.

Au Bénin, au Mali, en Indonésie ou dans plusieurs pays arabes, les mutilations sexuelles aux femmes sont monnaie courante.

Pour l’honneur de la famille

L’excision a été instituée dans les us et coutumes prétendument pour le salut de la femme. Une femme excisée ne ressent pas de désir sexuel. Son homme peut s’absenter du foyer pendant des années: dix, vingt ans et parfois plus, il est assuré qu’elle ne le trompera jamais. Ce serait pour préserver l’honneur de la femme, de son couple et de sa famille car, une femme divorcée fait la honte à ses parents et toute sa communauté.

K.T est excisée depuis l’âge de 10 ans:

«Un matin, ma mère m’a dit, tu vas être une vraie femme maintenant. Mes tantes et mes parents m’ont offert des friandises et plusieurs autres cadeaux. Puis, on m’emmena chez une vieille femme. Son regard profond et froid m’a fait comprendre que quelque chose de grave allait se passer. Elle donna l’ordre qu’on me tienne fermement, les jambes écartées.

J’ai cru que j’allais mourir. Je n’avais jamais eu autant mal… J’ai vu du sang et un pansement. Elle m’a tout enlevé. Le clitoris, les petites lèvres et les grandes lèvres. A 18 ans, je me suis mariée. Ma vie sexuelle est un cauchemar. Je suis mère de quatre enfants, après 15 ans de mariage. Pourtant, pour préserver mon couple, je simule l’orgasme…»

Mme D, imposante femme catholique et professeure d’anglais, mère de trois enfants n’en veut pas à ses parents. Elle fait partie de ces femmes qui ont accepté l’excision pour respecter la tradition. Mais elle a promis de protéger ses filles de cette pratique et son mari la soutient dans son combat:

«Je suis excisée du clitoris et des petites lèvres. A chaque accouchement c’est le calvaire. Pendant les menstrues, les petits morceaux de chair se fragilisent de plus en plus et je suis obligée parfois de mettre un pansement. Lors des rapports avec mon mari, je n’ai aucun plaisir.

Lorsque mes copines et moi parlons de l’orgasme, je donne aussi mon avis. Pourtant, je ne sais pas ce que c’est. Pardonnez-moi, mais j’aime mes enfants et je refuse que mon mari prenne une seconde épouse, si je me plains. Je ne fais pas l’amour, je subis l’acte sexuel. A certains moments, mon époux pense que je pleure de plaisir.»

Une vie dans la souffrance

Le cas de M.K, un jeune mannequin de 28 ans est plus triste. Elle pense souvent au suicide, sa vie n’a plus de sens, selon elle. Pas d’histoires d’amour ni de projets. Elle est introvertie et souffre de son état. Elle a failli mettre fin à ses jours en se tailladant les veines des deux poignets. Sa sœur l’a retrouvée inanimée, alors qu’elle se vidait de son sang. Aujourd’hui, elle en parle encore les larmes aux yeux:

«Je n’ai connu que trois hommes dans ma vie, pourtant je suis très courtisée. Les hommes me trouvent très belle. Mes collègues pensent que je suis imbue de ma personne et orgueilleuse. Une femme qui attend l’homme parfait, quoi. Mais non, ce n’est pas le cas. J’ai simplement honte que des hommes s’aperçoivent que je suis excisée. Alors je souffre en silence. Je les éconduis, alors que je suis parfois follement amoureuse.»

Certaines femmes n’ont pas le choix. Elles essayent de trouver ce fameux plaisir dans les bras d’autres hommes tout en préservant leur couple. C’est l’histoire vécue par S.B., mariée depuis dix ans:

«Un jour, j’ai franchi malheureusement le pas. J’ai rencontré un homme dans un avion alors que j’allais à Paris pour affaires. Je me suis dit pourquoi pas? J’ai pour la première fois de ma vie connu la jouissance dans les bras d’un homme. Une semaine plus tard, il a su me rendre heureuse. Son épouse est excisée aussi.

Il pouvait m’aimer pendant deux ou trois heures. Depuis, je trouve toujours une excuse d’être à Paris. Mon métier me sauve, je suis commerçante. Mes voyages me permettent de retrouver mon amant. Cette relation m’a équilibrée dans ma vie de femme, je me sens plus épanouie. J’aime mon mari et pour rien au monde je ne le quitterais.»

L’excision, «une abomination»

Ces témoignages m’ont poussée à aller plus loin dans ma quête d’informations. J’ai discuté avec Ali, un directeur de banque de 45 ans, marié et père de quatre garçons:

«Ma femme et moi avions beaucoup souffert pendant trois ans. Je n’arrivais pas à lui donner du plaisir. Alors que moi j’y parvenais à chaque rapport. J’ai donc commencé à pratiquer la retenue: pendant nos rapports, au moment où je sentais que j’allais jouir, je me bloquais volontairement quelques secondes et reprenais de plus belle mon acte d’amour. Un jour, au bout de deux heures, elle y est arrivée. Il faut beaucoup d’amour et de patience pour y arriver. Et surtout de l’endurance. Depuis, notre couple se porte à merveille.»

J’ai poussé mes investigations au Ghana, pays qui a pratiquement les mêmes traditions que le sud de la Côte-d’Ivoire.

Là-bas, quelles que soient les ethnies et les confessions religieuses, l’excision est un sujet tabou. J’étais parfois regardée avec curiosité et servie par un mutisme total. Un jour, j’ai croisé John, pasteur depuis bientôt cinq ans, et lui ai demandé ce qu’il pensait de l’excision:

«L’excision ? C’est une abomination, Madame. Je n’en dirai pas plus. Comprenez-moi.»

Pas un mot de plus.

Vers un bannissement?

C’est finalement par le truchement d’un notable à Accra, qui a bien voulu m’expliquer ce mutisme des Ghanéens sur l’excision que j’ai pu savoir qu’elle était pratiquée au nord du Ghana.

Les femmes en ont beaucoup souffert et certaines gardent encore psychologiquement des séquelles. A l’instar de plusieurs pays, elle a été interdite depuis plusieurs décennies. Au point qu’aujourd’hui dans ce pays, l’excision ne fait plus partie des conversations. Pour le peuple du Ghana, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir. Un très mauvais souvenir…

Dans certains pays africains tel que le Mali, où l’on pratique l’excision, en dehors de la fidélité évoquée comme raison primordiale, j’ai voulu savoir ce qu’on faisait du clitoris. J’ai eu droit à un mutisme total. C’est un secret, m’a-t-on répondu.

Les gouvernants ont pris des résolutions fermes, l’excision est interdite dans leurs différents pays. Les récidivistes sont emprisonnées.

Ces femmes ont finalement accepté de ne plus l’exercer en recevant l’aide de leurs Etats pour qu’elles gagnent leur vie autrement. L’excision tend à disparaître progressivement mais sûrement. Ce qui est souhaitable c’est qu’elle disparaisse à jamais.

Chantal Compaoré, épouse du président du Burkina Faso en a fait son combat. En effet, dans son pays, les mutilations sexuelles faites aux femmes persistent encore.

A la tribune des Nations-unies à New-York, elle a demandé qu’une résolution soit prise très rapidement, afin de convaincre tous les pays où malheureusement l’on note encore des poches de résistance, de la bannir totalement.

Nicole Suzis – in afriquemonde.org Titre: AM

Thu, 29 Nov 2012 20:26:00 +0100

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