Cour pénale internationale (Cpi) / presse française : Le procureur Ocampo contesté

"Dans ses communiqués, M. Moreno Ocampo revendique une impartialité qui est démentie par les faits". Critique le journal Le Monde dans un article au vitriol. Comme se serait permis Me Em- manuel Altit. L’avocat principal du président Laurent Gbagbo a toujours contesté les méthodes du magistrat argentin. «… Mon équipe et moi avions dénoncé l’attitude du procureur Occampo qui n’est qu’un acte purement politique». Analyse Me Emmanuel Altit le principal avocat du prési- dent Laurent Gbagbo. «Nous avons produit une démo d’une trentaine de pages, démontrant que le procureur ne peut pas tenir compte dans la situation de la Côte d’Ivoire, que de la seule période du 28 novembre 2010 au 11 avril 2011… Il faudra qu’il en- quête également sur tout ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire de- puis 2002… On le prouve, on le démontre… C’est pourquoi, le procureur était obligé de faire des observations complémen- taires depuis le 3 novembre 2011 en demandant aux juges de lui permettre d’enquêter sur la pé- riode allant jusqu’en 2002. C’est une première victoire», s’est ré- joui l’avocat principal de Laurent Gbagbo.
Ocampo un nageur dont on voit le dos ? En Côte d’Ivoire ses «en- quêtes expéditives» font jaser plus d’un y compris les Ong inter- nationales de défense des droit de l’Homme qui, à l’instar de Me Altit, n’ont pas hésité à militer pour des enquêtes approfondies étendues à 2002. Une première manche que remporte le camp Gbagbo et que savoure Me Em- manuel Altit. «Nous avons besoin des témoignages authentifiés en images, photos, vidéos, présence des victimes…» Avait-il plaidé peu avant l’arrivée des enquê- teurs de la Cpi en Côte d’Ivoire. Pour peu qu’on puisse dire, tout se passe bien pour le moment sur le terrain. «Ils n’ont rien à nous cacher mais un Ivoirien en tant que tel peut être partisan. On ne sait pas de quel bord il est et peut donc ca- cher la vérité… C’est pour ça que nous voulons que ce soient des étrangers qui viennent enquêter sur les crimes commis en Côte d’Ivoire», relate un témoin au micro de Rfi.
Amady Bâ chargé de la coopéra- tion internationale à la Cpi, à l’issue d’un voyage d’enquêtes à Duékoué (village d’environ 72000 âmes) qui a connu le douloureux passage des combattants pro- Ouattara rassure sur le sujet : «En ouvrant des enquêtes et en engageant des poursuites, le Bu- reau cherche à faire comprendre aux dirigeants de la Côte d’Ivoire et de tous les autres pays qu’il n’est plus possible de recourir à la violence ni de commettre des crimes pour accéder au pouvoir et s’y maintenir. Nul ne peut échapper à la justice pour ces crimes-là». La seule présence des enquêteurs de la Cpi en Côte d’Ivoire pour chercher à savoir ce qui s’est passé depuis le 19 septembre 2002 date du déclenche- ment de la rébellion du Mpci, est une éclatante victoire sur la route de la vérité sur les crimes contre l’humanité. Une vérité qui a failli ne jamais voir le jour si le magistrat argentin, Luis Moreno Ocampo n’avait pas été rappelé à l’ordre. Que le procureur de la Cpi ne soit pas le bienvenu dans les milieux panafricanistes et dans les rédactions des journaux africains en général, ivoiriens pro-Gbagbo en particulier, cela pourrait se comprendre. Mais le plus savoureux, le voilà «ra- broué» par deux journaux parmi les plus représentatifs de la presse française, le Parisien du soir et le très mondialiste Le Monde. Pour Le Parisien du soir le juge argentin est un obligé des puissances telles la France, l’An- gleterre et les Etats-Unis d’Amé- rique, trois nations qui se résument prétendument en «communauté internationale». Aussi curieux que cela puisse pa- raître, Le Monde s’est défait de ses sacro saintes habitudes globa- lisantes pour hurler avec les loups. Et ruer dans les brancards un Ocampo, écrit-il, «serviable»
à souhait des Occidentaux. Côte d’Ivoire, Libye, Syrie, le procu- reur de la Cpi est à la manœuvre. Gardien de «la démocratie» et «Juge de guerre», son champ de prédilection reste les dirigeants africains. Le tableau est pitto- resque et Stéphane Maupas de Le Monde le dépeint si bien. «Dans ses communiqués, M. Moreno- Ocampo revendique une impartialité qui est démentie par les faits. Poignée de main chaleureuse avec l’Ougandais Yoweri Museveni, admiration déclarée pour le Rwandais Paul Kagamé, dont les pratiques sont pourtant dénoncées par l’Onu et les Ong», geint le journaliste de Le Monde dans un article au vitriol. «C’est par le jeu des preuves que la jus- tice internationale peut être manipulée. En enquêtant par des intermédiaires, par procuration, que le procureur multiplie les risques. Sa victoire dans l’affaire Lubanga (reconnu coupable de crime de guerre, ndlr) semble être une goutte d’eau dans la lutte contre l’impunité au Congo. En obéissant à la même stratégie au Darfour, en Libye ou en Côte d’Ivoire, M. Moreno-Ocampo reste soumis au bon vouloir des puissances régionales et occiden- tales», écrit Stéphanie Maupas.

Accointances douteuses

Les accointances du procureur de la Cpi avec le président français ont été révélées par la presse hexagonale courant décembre 2011 juste après le transfère- ment du président Laurent Gbagbo à La Haye, le 29 novem- bre de la même année. Le magis- trat argentin effectuait une visite éclair à nicolas Sarkozy alors même que Dramane Ouattara ve- nait d’achever une audience avec ce dernier. Le lien est très vite fait et Ocampo n’avait rien pu dire pour contrer ses détracteurs. Bien au contraire, il avait multi- plié ses incartades qui ont amené les pro-Gbagbo à redoubler de vi- gilance. Pour certains observa- teurs politiques qui ont suivi la crise ivoirienne de ces dix der- nières années, chacun des acteurs joue sa propre survie. Qu’il se nomme Ocampo, Ouattara ou Sarkozy. Ocampo est «un juge partial» s’indignent les médias et les défenseurs des Droits de l’Homme. Quant à Alassane Dra- mane Ouattara, sa survie est liée aux résultats des enquêtes en ce moment en cours sur le territoire ivoirien. Les fins limiers de la Cour pénale internationale (Cpi) tenteront de démêler l’écheveau pour situer les responsabilités de- puis septembre 2002. De bon au- gure pour le camp Gbagbo qui voyait déjà le dos du nageur. Pour autant la politique française en Afrique risque de mal vivre le séisme politique qui pointe à l’horizon. En effet, en mauvaise position dans les sondages, nico- las Sarkozy pourrait dire adieu à la scène internationale après l’élection présidentielle de cette année. Son successeur à l’Elysée pourrait être le candidat du parti socialiste. En occurrence François Hollande qui pourrait dépoussié- rer les dossiers brûlants. Du moins prévient, avec fermeté, la socialiste candidate vaincue au deuxième tour de la présiden- tielle française d’il y a 5 ans déjà, Ségolène royale depuis di- manche sur la chaîne de télévi- sion France 5 : «Il a peur de perdre, de la sanction des Fran- çais. Il a peur parce qu’il va per- dre son immunité présidentielle, et on connaît tous les problèmes de corruption qui ont émaillé ces cinq années. Cette perte va per- mettre à la justice de poursuivre un certain nombre d’investigations sur un certain nombre de problèmes». A poursuivi Mme royale. Qui ne manque pas d’ar- guments : «Il va falloir attendre que Nicolas Sarkozy ne soit plus président de la République pour que la justice puisse enquêter sur l’affaire de Karachi, sur ce que dit le fils de M. Kadhafi, qui aurait financé sa campagne élec- torale, sur l’affaire Woerth-Bet- tencourt, puisque de l’argent liquide aurait circulé", a-t-elle ajouté. "Il aura à s’expliquer. Donc il a absolument besoin d’être réélu pour être couvert par l’immunité présidentielle … Il est agité, agressif, lui et ses porte-parole. Les spécialistes du comportement, lorsqu’ils analysent ce comportement physique survolté, l’expliquent par la peur». Ca craint ! Et il y a de quoi. La vie, dit-on est une roue qui tourne et chacun des acteurs des malheurs qui frappent la Côte d’Ivoire pourra enfin de compte assumer ses crimes. En tant que co-acteur direct, co-ac- teur indirect ou acteur direct. Dans tous les cas, comme cela est toujours le cas dans la crise ivoirienne depuis ces dix années, de réelles surprises attendent les négationnistes des droits de l’Homme.

Simplice Allard in Le Temps
al08062317@yahoo.fr

Wed, 21 Mar 2012 17:31:00 +0100

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