Élection Wouya-Wouya :Gbagbo va-t-il céder?

Photo : DR
Wouya-Wouya est une expression de la langue malinké, communément appelée dioula, qui fait référence au mensonge. Wouya signifie mensonge. Wouya-Wouya est l’affirmation d’un double mensonge. L’expression élection Wouya-Wouya est évocatrice d’un double mensonge caractérisant une élection jugée officiellement démocratique et conforme aux exigences de la transparence. Il y a d’abord mensonge au niveau de l’organisation transparente et légale de l’élection. Il y a ensuite mensonge au niveau des résultats du scrutin. Une élection Wouya-Wouya n’est donc rien d’autre qu’une élection aux antipodes des règles du jeu démocratique.

Rappelons que le FPI (Front populaire ivoirien), dans l’opposition, s’était toujours opposé à des élections Wouya-Wouya. Il avait été rejoint dans ce combat par le RDR (Rassemblement des Républicains) dans le cadre du Front Républicain. Leur virile opposition commune avait produit le boycott actif de l’élection présidentielle de 1995. Laurent Gbagbo, chef du FPI, ne manquait pas de manifester son opposition aux élections Wouya-Wouya, à l’occasion de tous les grands meetings de son parti. Il y était si opposé qu’il était presque devenu de coutume pour lui de saluer particulièrement la présence, à tous ses grands rendez-vous populaires, d’un militant fanatique et très engagé, qu’il avait admirablement surnommé « Election Wouya-Wouya ». En fait, ce militant très distingué par son accoutrement, l’était également par le message véhiculé sur sa pancarte qu’il brandissait à toutes ces « messes » populaires du FPI. Sur cette pancarte, l’on pouvait lire « Election Wouya-Wouya ». Ce message simple mais profond traduisait toute la détermination du FPI à ne pas aller à des élections Wouya-Wouya, à ne pas cautionner de telles élections.

De 1990, année du retour au multipartisme, à 1995, les élections Wouya-Wouya se traduisaient par le refus de la création d’une commission électorale indépendante, le refus des urnes transparentes, le refus du bulletin unique, le refus d’une copie du procès verbal de chaque bureau de vote pour chaque candidat, le refus du vote à 18 ans, bref, le refus des règles transparentes du jeu démocratique. Tous ces refus on été emportés par le vent du coup d’Etat de 1999, qui a permis l’adoption d’une nouvelle constitution et d’un nouveau code électoral. Ce qui caractérisait les élections Wouya-Wouya avant 2000 ne peut donc plus être évoqué en 2010.

En 2010, les élections Wouya-Wouya qui s’annoncent seront caractérisées par une liste électorale ambiguë et confuse, très loin de faire l’unanimité : découverte, par-ci, de fraudes « massives » sur la liste électorale et demande de radiation des fraudeurs supposés ou réels, opposition, par-là, aux radiations des « fraudeurs ». En somme, cacophonie au sujet d’une liste électorale, mettant en mal sa fiabilité. A cela s’ajoutent des rebelles très attachés à leurs « morifas » (fusils en malinké), devenus leur fétiche vital et existentiel, la bipartition du territoire, le nom respect de l’article 35 de la constitution relative aux critères d’éligibilité à la présidence de la République, la violation des articles 52 et 56 du code électoral relatifs au délai de clôture du dépôt des candidatures(30 jours avant le scrutin) et à la publication de la liste définitive des candidats (15 jours avant le premier tour du scrutin), l’exclusion arbitraire de milliers de citoyens de l’enrôlement ayant servi à l’établissement de la liste électorale, la pleine campagne électorale tous azimuts des candidats avant la période légale de campagne, contrairement aux articles 28, 29, 30,31 et 32 du code électoral, l’incapacité de la CEI et du Conseil constitutionnel de mettre de l’ordre dans ce désordre bien organisé.

Tout comme les élections Wouya-Wouya d’avant 2000, l’élection Wouya-Wouya de 2010 ou de 20XX( ?) ne garantira pas le respect des règles du jeu démocratique. Le contexte électoral actuel laisse surgir une problématique. La cacophonie actuelle sur la liste électorale ne servira-t-elle pas de prétexte aux contestations des résultats des scrutins à venir ? Si un réel désarmement n’a pas lieu avant l’élection présidentielle, ne faut-il pas craindre une manipulation et une instrumentalisation des groupes armés (rebelles et milices) pour troubler le bon déroulement du scrutin et en contester le résultat ? L’élection présidentielle à venir pourra-t-elle conduire à la paix tant souhaitée ?

La situation politico-électorale reste fondamentalement problématique, en dépit des apparences prometteuses. C’est donc le lieu de savoir si le Président Gbagbo acceptera d’aller à une élection Wouya-Wouya, qu’il a toujours combattue, surtout si aucune assurance de sa victoire n’est donnée par une telle élection. A moins d’avoir atteint la satiété du pouvoir, il ne se fera pas hara-kiri par une élection Wouya-Wouya. La taille des enjeux, aussi bien républicains qu’égoïstes, complexifie la tenue de l’élection présidentielle. Cette situation polémogène pourrait réveiller la crise de son profond sommeil, pour le grand malheur des populations. Mais, peut-être que la fin de cette crise passera par un tel réveil, occasionnant la solution radicale (guerrière) et consacrant définitivement l’échec des compromis et de tous les accords. Aucune possibilité n’est à exclure, la politique étant malheureusement et heureusement le jeu de tous les possibles.

ZEKA TOGUI

Thu, 26 Aug 2010 02:12:00 +0200

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