« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP
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Environnement / Dr Alla Della à propos du carrefour Indénié : Les actions ponctuelles ne vont pas résoudre le problème’’

Une enquête a révélé récemment qu’un dangereux trou veut avaler Abobo. Quel est votre commentaire sur ce fait ?
Si vous faites un tour dans la ville d’Abidjan, que ce soit à Abobo, que ce soit à Cocody ou dans n’importe quel autre commune, vous verrez que pour les besoins d’assainissement de la ville, on a construit des canalisations pour le drainage des eaux pluviales et la plupart des canalisations aboutissent à des vallées ( drain naturel où l’eau doit couler naturellement). Mais comme nous sommes en ville, on essaie d’orienter par le système de canalisation les eaux vers ces vallées. Cependant, il se trouve qu’au bout de la canalisation, il n’y a pas d’aménagement, si bien que l’espace qui au départ n’est pas très creusé, lorsque l’eau arrive au travers de la canalisation dans cet espace, il y a une érosion qui se créée. Au fur et à mesure que la ville s’étend, la quantité d’eau qui se jette à cet endroit augmente et le creux s’approfondit. Par approfondissement et par agrandissement, le fond de vallée qui au départ n’était pas un problème finit par se transformer en un grand ravin. Et ce sont ces grands ravins que vous avez aussi bien à la Riviera 2, après la résidence d’Alpha Blondy, qu’à Abobo (Clouétcha, Agbékoi, Sogefiha, Sagbé et Agnissankoi). Mais toujours, si vous regardez en tête de vallée, il y a une canalisation qui aboutit là où l’eau creuse le fond de la vallée.

A vous entendre, ce problème relève d’une urbanisation mal maîtrisée ?
Oui ! La ville a besoin de canalisation, on ne peut pas laisser la ville comme ça sans que les eaux ne soient canalisées. On essaie tant bien que mal de mettre en place un système de drainage des eaux de pluies. C’est dans cet effort qu’on est obligé de construire des canalisations. Mais comme nous sommes dans un pays en développement, on n’a pas des moyens suffisants pour qu’on puisse bétonner le fond de la vallée sur une certaine distance vers la périphérie. Ainsi, dès qu’on sort de la ville et que la tête de la canalisation aboutit à la vallée, on l’arrête là. Et parfois on l’arrête à un moment où la ville n’était pas encore arrivée dans cette zone. Du coup, par extension, la ville y arrive à un moment où l’érosion à partir de ces eaux de canalisation a eu le temps de creuser les ravins. Parfois aussi, l’érosion ne s’est pas encore manifestée à cause de la végétation qui protége le sol. Mais, avec l’extension de la ville, les gens viennent acheter des terrains dans une zone où il n’y avait pas véritablement de risque. Et c’est après qu’on se rend compte que le petit trou qui était là s’est approfondi et est devenu un grand ravin et que les maisons qui sont à côté sont menacées. Cela fait partie de l’urbanisation. Nos moyens ne nous permettent pas toujours de la maîtriser surtout lorsqu’elle est rapide comme c’est le cas d’Abidjan. Et nos villes grandissent souvent beaucoup plus vite que l’Etat n’a pas les moyens pour faire face à tous les problèmes.

Quels sont donc les dangers en vue au regard de ce problème ?
De façon générale à Abidjan, nous avons un certain nombre de risques naturels. Les risques auxquels la population d’Abidjan est exposée à certains endroits sont les problèmes de glissement de terrain, d’éboulement et d’effondrement. Dans le cas par exemple d’Abobo dont nous parlions, il faut savoir que, lorsqu’une vallée est créée, elle évolue sous trois dimensions. Il y a l’approfondissement de la vallée par érosion linéaire, Il y a l’élargissement de la vallée par érosion latérale et l’allongement en tête de la vallée par érosion régressive. Pour le cas d’Abobo, où les maisons sont déjà construites, au fur et à mesure que l’érosion creuse, elle s’approfondit et s’élargit. Et dans cet élargissement, il se trouve que les versants finissent par devenir très raides. Lorsqu’il y a des maisons qui sont à côté, ces maisons tombent parce qu’à partir d’un certain moment, le support sol qui est en dessous de la maison s’enlève par affouillement (creusement) et la maison est presque suspendue. Les populations, n’ayant pas les moyens de déménager immédiatement, espèrent que le pire n’arrivera pas et malheureusement souvent le pire arrive. En plus de ce problème d’effondrement, il y a les inondations. L’inondation est l’un des risques qui vont de plus en plus s’amplifier à cause de l’urbanisation et des difficultés qu’on a à maîtriser la canalisation des eaux pluviales. Egalement, vous avez les problèmes d’érosion. On ne tient pas compte de l’érosion parce que sa manifestation est insidieuse, on n’en fait pas un problème. Pourtant, elle est très présente dans plusieurs quartiers d’Abobo (Sagbé, Agbékoi,…) ainsi qu’à Anyama, Bingerville, etc. Quand vous regardez la plupart des quartiers de l’agglomération d’Abidjan, il y a des maisons qui sont très souvent suspendues, c’est-à-dire que l’érosion a tellement attaqué leur fondation que parfois vous avez plus d’un mètre de décapage aux pieds des maisons. Souvent les escaliers n’existent plus, détruits par l’érosion.

Que doit-on retenir du trou qui veut avaler Abobo ?
Le site d’Abobo est une vaste surface qui est découpée sur son pourtour par de nombreuses vallées qui ont évolué en ravins. En ces endroits, il y a régulièrement des effondrements de maisons. Ces ravins menacent donc les populations riveraines.

Quelles sont les solutions pour endiguer ce mal à Abobo ?
Avant tout propos, je tiens à préciser que la solution à Abobo est aussi la même pour les autres communes qui subissent le même problème. Ainsi, une solution possible est de sécuriser les populations proches de ces ravins en déplaçant, celles qui sont dans une bande de 10 mètres, de part et d’autre des ravins. Une fois les populations sécurisées, il faut arrêter l’évolution des ravins par un aménagement conséquent.

Comment arrêter l’évolution du trou?
On peut arrêter l’évolution des ravins, si l’Etat a les moyens, en bétonnant le fond, les versants et même une bonne partie du sommet des ravins pour éviter que l’érosion n’attaque le béton par le sommet. Il faut sécuriser en bétonnant au moins le fond de la vallée, un peu comme le canal qui part d’Abobo vers la baie de Cocody. Ce sont des choses qui nécessitent beaucoup de moyens. Cependant dans l’immédiat, si l’Etat n’a pas de moyens, c’est de sécuriser les populations en les enlevant de ces zones à haut risque et en les recasant ailleurs. Généralement, dans des cas comme à Abobo, ce qui se passe, c’est que ce ne sont pas des quartiers précaires. Très souvent, ce sont des gens qui ont acheté le terrain à un moment où le risque n’existait pas. Donc l’Etat est obligé en principe de les dédommager, en leur trouvant des terrains dans un autre lotissement et même peut-être en leur apportant de l’aide financière pour reconstruire leurs maisons.

Cette situation ne résulte-t-elle pas du fait qu’Abobo n’a pas bénéficié d’une véritable action d’aménagement urbain ?
Vous voyez, Abobo est un cas particulier. Si vous prenez l’urbanisation à Abidjan, Yopougon a fait l’objet d’un programme global pris en charge par l’Etat lui-même. L’Etat avait pour objectif d’urbaniser le plateau du Banco qui est le site de Yopougon avant de s’occuper d’Abobo. Mais, les liaisons entre Yopougon et le reste d’Abidjan étaient plus difficiles. Alors que de l’autre côté, les liaisons entre Abobo et le reste d’Abidjan étaient assurées par le chemin de fer et la route nationale, devenue aujourd’hui la voie express. Donc les liaisons entre Abobo et le reste des communes d’Abidjan étaient beaucoup plus intéressantes que celles de Yopougon, où l’Etat était entrain d’intervenir. Du coup à Abobo, les populations autochtones (Ebrié) et même des allochtones (autres Ivoiriens) ont commencé à créer des lotissements avec le concours des géomètres de la SODEPALM. Ce sont donc des lotissements à partir d’initiatives paysannes. De telle sorte que, lorsque vous prenez Abobo aujourd’hui, en dehors du quartier SOGEFIHA qui a été une opération initiée par l’Etat, le reste de la ville n’a bénéficié que de restructurations, opérations par lesquelles on essaie de régulariser les pseudos-lotissements (exemple d’Abobo 112 hectares et de Derrière-rails). Abobo n’a donc pas fait l’objet d’une planification urbaine où on trace des rues, on aménage, on initie un certain nombre d’équipements, d’infrastructures avant que les gens ne viennent construire. A Abobo, ce sont les populations qui précèdent l’urbanisation. Et lorsque ces populations ont construit leurs maisons, l’Etat voyant des populations à ces endroits, tente d’ajuster les rues, d’apporter les équipements et les infrastructures. C’est ainsi qu’Abobo est devenue très sensible à un certain nombre de risques, parce que son urbanisation a pratiquement échappé à l’autorité de l’Etat.
Cette situation expose Abobo à un autre risque naturel: les inondations. Vous savez qu’Abobo a un relief de plateau où les altitudes sont les plus élevées d’Abidjan ( de 80 à un peu plus de 100 mètres). Le problème est que dans la partie centrale d’Abobo, vous avez un grand interfluve (une grande surface plus ou moins plane) et sur cette surface, vous avez des dépressions fermées (des cuvettes) où les eaux de ruissellement viennent s’accumuler pendant la saison des pluies. Et il se trouve que certaines de ces dépressions fermées ont été aménagées en bassins d’orage, c’est-à-dire qu’on y a aménagé des canalisations pour évacuer les eaux de pluie vers les ravins. Mais, il y a certaines dépressions qui ont été loties à un moment où l’autorité qui a fait le lotissement ne savait pas qu’il allait y avoir un risque d’inondation. Le risque d’inondation ici vient du fait qu’avec l’extension de la ville, les surfaces de ruissellement augmentent. Ainsi, ce qui au départ ne paraissait pas comme une zone d’accumulation forte des eaux l’est devenu au fur et à mesure de l’évolution de l’urbanisation. Malheureusement, les populations qui se sont installées dans ces zones sont régulièrement exposées aux inondations, en saison pluvieuse.

Au-delà d’Abobo, est-ce qu’il n’y a pas d’autres communes dans l’agglomération d’Abidjan qui sont aussi menacées par les risques naturels ?
A côté d’Abobo, l’une des communes névralgiques c’est Attécoubé. Cette cité subit plusieurs types de risques. Mais, les gros risques auxquels cette commune est exposée, ce sont les mouvements de masse (les glissements de terrain, les éboulements et les effondrements).

Pourquoi, Attécoubé se trouve-t-elle dans cette situation ?
Pour cette commune, il faut préciser que c’est le côté ouest qui est la zone la plus sensible, C’est-à-dire le rivage du côté de Yopougon de la baie du Banco. Naturellement, le site est accidenté (relief très découpé, avec des vallées importantes et des interfluves étroits). Donc dans la planification urbaine normale, c’est un espace où l’on ne devait pas construire des maisons. Mais, il s’est trouvé qu’à partir des années 70, les populations ont commencé à habiter certaines de ces vallées et certains interfluves. Le problème qui se pose à ces endroits, c’est qu’en plus d’habiter dans des zones qui topographiquement sont accidentées, les populations elles-mêmes pour avoir de la surface pour construire leurs maisons, parce que les espaces à urbaniser y sont très limités, taillent les versants pour se créer des plateformes. Et, en le faisant, la pente qui, au départ était déjà forte, devient raide. Lorsqu’il pleut, les sols d’Abidjan n’étant pas très résistants (un mélange de sable et d’argile), l’eau pénètre dans le sol et à partir d’un certain moment il perd sa cohésion. Du coup, il y a soit un éboulement, soit un glissement de terrain.

Dans ce cas d’espèce, qu’est ce qu’il faut faire ?
L’action entamée par le maire d’Attécoubé est déjà une bonne chose, malheureusement, il me semble que les moyens ne suffisent pas. Le premier magistrat de la commue a demandé qu’un espace de 10 mètres soit laissé aux pieds et au sommet des versants avant de construire. De cette manière là, on essai de sécuriser la population de part et d’autres du versant. Mais le mal est que quand vous demandez aux populations de laisser les dix mètres, elles laissent leurs maisons pour tailler à nouveau le versant, afin d’avoir les dix mètres. Et on continue de tailler tout en aggravant la situation. La solution ultime de ce mal est de faire quitter la population de ces zones à risque. A Attécoubé, on a aussi les problèmes d’inondations au niveau de Boribana , c’est-à-dire tout le secteur en bordure est de la baie du Banco est une zone d’inondation. Le versant occupé par Gbébouto est une zone d’érosion. Entre le Sanctuaire Marial et Gbébouto, vous avez un gros ravin qui est une zone d’effondrement. Quand vous allez à l’intérieur d’Attécoubé vers le Ciapol, vous avez aussi un gros ravin qui est là, où des effondrements se produisent également.

Et après Attécoubé…
Nous avons la commune de Cocody précisément le quartier Gobélé. Lorsque vous prenez la vallée de Gobélé, les gens habitent dans un trou à fond vraiment étroit. Et ils sont surplombés par des versants. Là aussi, vous avez des éboulements, des glissements de terrain. Nous avons dans ce lieu, des clôtures qui, construites sur le haut des versants, cèdent sous la pression de l’eau pendant les pluies et écrasent les maisons construites en dessous.

A Gobélé qu’est ce qu’on doit faire pour juguler le problème ?
Dans le cas de Gobélé, c’est beaucoup plus difficile. Car la vallée n’a pas un fond large pour qu’on puisse demander de garder la population en laissant un espace de 10 mètres. Ici, il faut carrément déplacer la population. Mais la faire déménager suppose qu’il faut la recaser. Et comme la nature à horreur du vide, il faut en même temps planter des arbres dans la zone déguerpie (dans les fonds de vallée). Parce que si les arbres sont plantés par les autorités, les populations ne viendront pas abattre ces arbres et y construire des maisons. Il faut véritablement occuper l’espace une fois que la population a été recasée ailleurs.
Pour finir, il est important de dire aux uns et aux autres qu’une ville comme Abidjan ne peut pas évoluer sans un minimum de risques naturels. Même dans les grands pays (France, Etats Unis…), il y a des risques. Le plus important est de prévenir les risques afin d’éviter le maximum de dégâts. Malheureusement dans les pays sous-développés, on n’a pas assez de moyens pour prévenir les dangers et on essaie, comme on le peut, de régler les problèmes lorsqu’ils surviennent.

Quel est le sort dans l’avenir d’une commune littorale comme Port-Bouët ?
Cette cité est sur une côte basse. En Côte d’Ivoire, nous avons deux types de côte. Une côte rocheuse et une côte basse. La côte basse est faite de sable et c’est ce que nous avons à Port-Bouët. Dans cette commune, nous avons deux types de risque. Nous avons l’érosion côtière qui fait reculer le trait de côte et en le faisant, les maisons qui sont à côté sont malheureusement englouties dans la mer. Il y a aussi d’autres risques en l’occurrence ceux liés à l’élévation du niveau de la mer. Aujourd’hui, on n’en parle pas assez en Côte d’ Ivoire, ce qui est le contraire dans les pays développés. Le niveau de la mer pourrait s’élever plus rapidement avec les changements climatiques en cours. En Côte d’Ivoire, nous devons tenir compte de cela avant de mener un certain nombre d’actions. Afin d’éviter que, si le niveau de la mer s’élevait dans une proportion où une partie du territoire d’Abidjan devait être envahie, nous n’ayons pas à subir de gros dommages, étant attendu que c’est dans ces zones que nous avons les équipements touristiques, le port d’Abidjan, les industries ainsi que des populations.

En clair, est ce que le côté sud d’Abidjan surtout la commune de Port-Bouët peut être envahi dans l’avenir par la mer?
Tout est possible. Vous savez, la mer est un plan d’eau, il est évident qu’en fonction de la topographie locale, en fonction également de la tectonique (subsidence ou soulèvement) du littoral, la hausse du niveau marin ne sera pas la même partout. Dans la zone de Port-Bouët, la plupart des altitudes que vous avez, c’est entre deux et quatre mètres, voire six à huit mètres sur le rivage. Le relief est plus bas à Treichville, Marcory et à Koumassi. Tout ceci pour dire qu’on ne maîtrise pas l’avenir. Mais, si les gaz à effet de serre, les émissions de carbone continuent et que la chaleur continue d’augmenter, si les glaciers fondent à un rythme beaucoup plus accéléré, cela peut être fatal pour une bonne partie d’Abidjan. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) a prévu qu’avec même une élévation de 50 centimètres d’ici 2070, il y a un certain nombre de villes dont Abidjan qui pourraient avoir des problèmes. Aujourd’hui, on veut étendre le port sur l’île Boulaiy, il est important de prendre en compte toutes ces choses.

Donc dans l’avenir, Abidjan peut-être envahi par la mer…
C’est possible ! Une situation justifiée par la déclaration d’un responsable du ministère du Logement, de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement des Pays-Bas qui disait que s’il y avait une élévation du niveau de la mer d’un mètre, toutes les terres jusqu’à 5 mètres de hauteur pourraient être affectées. Et, bien évidemment, si une telle éventualité arrivait, Abidjan risque d’avoir des difficultés surtout toute la zone au sud d’Abidjan risque de disparaître. Cet espace peut être envahi par l’eau. Donc, si le comportement des pays industrialisés ne conduit pas à réduire les gaz à effet de serre et qu’un jour nous avons des répercussions d’une élévation du niveau de la mer, il est possible qu’Abidjan, notamment la zone sud, soit engloutie dans l’eau. Et Dieu seul sait les dégâts que nous subirons à cette époque.

Quel est votre avis sur le cas de l’Indénié, toujours sous les eaux lorsqu’il y a les grandes pluies ?
A mon avis, il n’y a jamais eu d’aménagement au niveau de l’Indénié pour lutter contre les inondations à cet endroit. Pour régler le problème de cet endroit, cela suppose l’implication de plusieurs acteurs. Si vous regardez le relief au niveau de la baie de Cocody notamment au niveau de la zone de l’Indénié, on constate que topographiquement le relief et la lagune sont au même niveau. Si les deux sont au même niveau, cela suppose que l’eau qui coule perd de vitesse à cet endroit et ne peut pas se jeter dans la lagune dans la mesure où la terre et la lagune sont au même niveau. On peut même dire qu’avec l’ensablement qui se passe au niveau de l’Indénié, topographiquement le relief est un peu surélevé de telle sorte que l’eau qui quitte à Abobo à partir du grand canal en arrivant ne peut même pas se déverser dans la lagune. Au contraire, il y a un reflux de l’eau de la lagune dans la canalisation. Donc facilement il y a inondation. Les actions ponctuelles comme celles du ministre Mel Théodore ou du Gouverneur du district d’Abidjan en amont ne résolvent aucun problème.

Quelles sont les limites de ces actions ?
Les limites de ces actions, c’est que ces actions sont trop ponctuelles pour résoudre un problème global. Pour régler le problème de l’Indénié, il faut qu’une réflexion soit menée en tenant compte du bassin versant, c’est-à-dire de toute la zone qui envoie l’eau dans ce canal qui aboutit à l’Indénié; il faut chercher à circonscrire tout le processus d’urbanisation, prendre en compte tous les aménagements, revoir le système de drainage,… parce qu’au fur et à mesure que la ville s’étend, la surface de ruissellement des eaux de pluie s’agrandit. Et par voie de conséquence, les eaux de ruissellement augmentent de volume. Il faut prendre tout ceci en compte avant de chercher à régler le problème. Si vous ne procédez pas à une analyse globale et que vous intervenez ponctuellement pour enlever le sable qui est dans le canal, le problème va toujours demeurer puisque le problème de la pente n’a pas été réglé. Le sable revient et le canal est à nouveau ensablé.

J’ai aussi envie de vous demandez si Abidjan est aussi menacé par un tremblement de terre ?
La zone d’Abidjan est plutôt influencée par les tremblements de terre qui se produisent au Ghana, en Guinée et dans l’océan atlantique. Il y a des tremblements de terre sur le territoire ivoirien, mais ces tremblements de terre sont de faibles magnitudes (de faibles puissances), donc quand ils se manifestent, les Ivoiriens ne s’en rendent pas compte. Il y a des foyers que vous avez dans la zone sud de la Côte d’Ivoire, à la frontière Côte d’Ivoire- Libéria-Guinée. Il y a également un foyer à la frontière Côte d’Ivoire-Mali et un autre à la frontière Côte d’Ivoire-Burkina Faso, au nord. Mais ces foyers ne provoquent pas de grandes secousses pour que les Ivoiriens sachent que la terre a tremblé. Toutefois, nous subissons les tremblements de terre qui se passent au Ghana, en Guinée et dans l’océan atlantique. Le tremblement de terre de 1939 qui a eu lieu en mer, au sud du Ghana, a été ressenti à Abidjan. Il y a eu aussi un tremblement de terre en Guinée en décembre 1983 qui a fait plusieurs morts et détruit plusieurs villages. Ce séisme a été ressenti à Abidjan, au niveau des immeubles (les ampoules, les armoires ont bougé). Au niveau de l’océan atlantique, il y a eu un tremblement de terre en 1971 qui a été ressenti dans toute la Côte d’Ivoire. Récemment en août 2007, il y a eu un autre tremblement de terre à 1800 km des côtes ivoiriennes dans l’océan atlantique qui a affecté Abidjan, en détruisant environ 11 maisons au niveau du phare à Port-Bouët. On a parlé en son temps de « mini tsunami ». Imaginez-vous que ce tremblement de terre dont la magnitude était de 4,8 sur l’échelle de Richter se soit produit plus proche de nos côtes, les dégâts seraient énormes surtout au niveau de la commune de Port-Bouët. Par ailleurs, il faut préciser que la ville d’Abidjan elle-même est installée sur des anciennes failles. La lagune Ebrié occupe l’axe majeur de cette faille. Il y a donc un système de failles au niveau du site d’Abidjan. Mais depuis que cela a eu lieu, il n’y a pas encore eu une autre manifestation de faille au même niveau. Ce qui fait dire que la plateforme ivoirienne est plus ou moins stabilisée. Néanmoins, nous subissons l’influence des mouvements sismiques qui se passent dans la sous-région. Abidjan peut subir les conséquences des tremblements de terre qui ont lieu en Guinée, au Ghana et dans l’océan atlantique si la magnitude de ce tremblement de terre est élevée. Pour finir, il est important de dire aux uns et autres qu’il est difficile d’avoir des villes qui se développent sans risque. Mais, ce qui est important, ce sont les actions préventives pour ne pas être surpris par la manifestation du risque. Le rôle des pouvoirs publics, c’est de prendre des dispositions en menant des réflexions globales sur les risques auxquels Abidjan est exposée. Et lorsqu’on a déterminé ces risques, on cherche à trouver les solutions idoines pour faire face à ces risques.

Ces dernières années, la saison des pluies conduit à de grandes inondations en Côte d’Ivoire notamment à Abidjan. Quel est la cause de ce bouleversement ?
A mon sens, il n’y a pas de bouleversement particulier des précipitations dans la région d’Abidjan. Les pluies de mai à juillet ont toujours été abondantes. Ce qui se passe, c’est que le réseau de drainage de la ville d’Abidjan est obsolescent et l’existant est mal géré par les populations, si bien que la moindre pluie est source d’inondation.

Est-ce à dire qu’Abidjan n’est pas loin des grandes inondations constatées au Burkina Faso, au Ghana, au Pakistan, en Inde, en Corée du Nord… ?
Ce qui peut arriver à ce niveau dépend de la façon dont l’assainissement pluvial d’Abidjan sera assuré. La ville s’étend rapidement et les infrastructures de drainage ne suivent pas. Si cela continue, les inondations vont s’accentuer.

Dans tous les cas, quelles sont les solutions pour endiguer ce mal ?
Pour les inondations, il faut par exemple revoir le système de drainage d’Abidjan, en adaptant les canalisations aux besoins urbains en matière d’évacuation des eaux de pluie. Il faut également éduquer les populations dans le sens de la bonne gestion des caniveaux existants

Avec le partenariat de L’Intelligent d’Abidjan / Par R.Dibi

Thu, 26 Aug 2010 18:56:00 +0200

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La Dépêche d'Abidjan

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