Guerre spectacle à l’Ouest

Le 8 juin dernier, dans la région de Taï, à la frontière ivoiro-libérienne, une attaque d’hommes armés a fait au moins 20 morts dont sept casques bleus de la mission onusienne en Côte d’Ivoire. Surpris et dérouté par ce mauvais coup, le régime n’a pas mis longtemps à retrouver les auteurs de cette embuscade meurtrière. Pour lui, il ne s’agit ni plus ni moins que des partisans du président Laurent Gbagbo, toujours aussi bien tapis dans le généreux couvert forestier de Taï. D’ailleurs ne clament-ils pas à longueur de journée que : « on ira jusqu’au bout » ? Cela suffit donc largement pour faire d’eux les parfaits boucs-émissaires à chaque fois que le régime trouvera malheur en chemin. On se souvient que, fonctionnant sur les mêmes paradigmes, Luis-Moreno Ocampo, l’ex procureur de la CPI, s’est saisi du slogan de campagne « on gagne ou on gagne »,- lancé à la faveur de la présidentielle de 2010 par les jeunes partisans du président Laurent Gbagbo, pour galvaniser les troupes-, comme preuve irréfutable que l’ancien n°1 ivoirien avait programmé de longue date, la confiscation du pouvoir. Visiblement qui s’assemble se ressemble! Fort heureusement, tous, au sein même de la coalition des « vainqueurs » du 11 avril 2011, ne montrent pas un amour aussi fou pour les raccourcis. Il en va ainsi des nations unies qui ont préféré jouer la carte de la responsabilité et de la retenue dans cette affaire, en attendant les conclusions de l’enquête diligentée à cet effet, là où le pouvoir les invitait avec insistance à la précipitation. Alors pour contrer la menace en provenance de la frontière libérienne, le pouvoir a déployé la semaine dernière, la grosse artillerie sur le front Ouest. On n’a pas trouvé de mots assez forts dans la langue française pour qualifier la bravoure et la percussion des forces dépêchées dans la zone en question. A en croire les hagiographes de service, 48 heures auraient suffi pour nous ramener, mains et pieds liés, ceux qui ont fait passer de vie à trépas, les malheureux soldats de la paix de l’Onu. Mais près de deux semaines après, l’on est toujours sans nouvelles des assaillants qui ont fait le coup de feu à Para. Ils se sont curieusement volatilisés dans la nature. Comment diantre, cela a-t-il pu être possible alors que nos vaillantes forces républicaines ( ?) nous avaient assuré avoir déjà coincé les « méchants pro Gbagbo » dans la forêt de Taï ? Comment expliquer pareille misère alors que les autorités libériennes, dit-on, ont assuré leurs homologues de Côte d’Ivoire de leur parfaite collaboration sur la question ? De deux choses, l’une. Soit les tueurs des 7 casques bleus ne sont pas du côté où l’on les croit et auquel cas il faut arrêter tout le tintamarre servi jusque-là, soit les FRCI, parties à l’Ouest, cette fois, sans le bouclier de la Licorne, ne sont pas à la hauteur de la tâche. Ce qui donnerait franchement lieu de désespérer des troupes placées sous le commandement du Général Soumaïla Bakayoko et donnerait du grain à moudre à tous leurs détracteurs. Mais dans un cas comme dans l’autre, l’incapacité du régime est là, flagrante. Et ce n’est pas la communication abondante dans les médias sur les activités au quotidien du bataillon de sécurisation de l’Ouest (Bso) qui masquera cela. Quelle est cette armée qui parle en réalité plus qu’elle n’agit ? Car ce qui se passe en ce moment à l’Ouest peut être facilement assimilé à du « farotage » des FRCI. C’est vrai que sous Ouattara, nous sommes à l’heure de la politique-spectacle, mais ici en pays Wê, le drame qui se déroule sous nos yeux est tel que l’on ne peut se permettre de servir des contre-vérités et faire du « m’as-tu vu ? ». Et ce qui est encore plus malheureux dans cette affaire, c’est la posture des élus et cadres RHDP de l’Ouest. Ils savent la réalité des choses sur le terrain, mais apparemment personne n’ose en parler craignant certainement la colère de Ouattara et le RDR. J’apprends qu’ils seront bientôt en tournée dans la région pour rassurer les populations locales. Avec quel regard vont-ils affronter les yeux larmoyants de leurs parents, dépossédés de tout : terres, villages, femmes et filles, par les Dozos et autres mercenaires armés qui font désormais la loi dans ce bled au vu et au su de l’administration préfectorale ? Quel langage trouveront-ils pour apaiser les uns et les autres aujourd’hui déshumanisés par les prédateurs venus d’ailleurs et qui attendent un peu de réconfort ? Les Dagobert Banzio et autres Anne Ouloto, seront-ils à la hauteur du challenge ? Ce n’est pas évident de la part de ces personnalités qui sont prêtes à tout pour conserver leurs strapontins ministériels. Ils l’ont déjà démontré plus d’une fois. Car s’ils tenaient à l’honneur, ces deux ministres auraient déjà démissionné du gouvernement. Le premier pour avoir échoué dans la lutte contre la cherté de la vie et la seconde pour le « oulotogate », du nom du scandale observé, il y a quelques mois, dans l’attribution du marché de ramassage des ordures ménagères à la société ‘’Satarem-Greensol’’. Malheureusement la dignité et la fierté ne sont pas leurs meilleures qualités. Autant dire que l’âge d’or n’est pour demain, à l’Ouest du pays. Et c’est bien dommage. Pauvre Côte d’Ivoire !

Géraldine Diomandé in Aujourd’hui

Sat, 23 Jun 2012 01:59:00 +0200

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