« Quiconque tient l'histoire d'un peuple tient son âme, mais quiconque tient la spiritualité d'un peuple le contraint à vivre sous le joug d'une servitude éternelle. »

Cheikh Anta DIOP

Interview / L’artiste Mathey : ‘‘Je vis mieux que dans mon passé’’

Après plusieurs années passées en France, précisément à Paris, Mathey est présente, depuis un moment, sur les bords de la lagune Ebrié. Peut-on parler d’un retour définitif au bercail ou on est là pour une période ?

Je vis partout. Je suis à Abidjan présentement. Demain, je peux être en France, aux Etats-Unis, etc. C’est comme ça que je vis.

Mais vous avez passé quand même trois (3) ans en France. Est-ce à dire que c’est dans ce pays que vous êtes plus présente ?

Comme je le disais tantôt, je réside en France comme ici (Côte d’Ivoire, ndlr).

De nouvelles affaires ne sont-elles pas à l’origine de cette navette entre la Côte d’Ivoire et la France ?

Ce n’est pas une question d’affaires. Je suis artiste donc je voyage beaucoup. C’est tout ! Il y a des moments où je reste en France. Depuis décembre 2013, je suis à Abidjan. On peut donc dire que je réside en Côte d’Ivoire et en France.

Après 7 ans d’absence en matière de production d’œuvre musicale, vous arrivez avec un album. Pourquoi avoir mis tout ce temps, après la dernière œuvre « Lumière », sortie en 2007 ?

Je ne suis jamais pressée pour sortir un album. Je sors une œuvre lorsque je suis prête. Pour moi, il n’y a rien qui exige qu’il faut sortir des albums, chaque année. Un album ça se prépare. Les chansons, on les compose. Aussi, il faut savoir à quel moment sortir une œuvre. Personnellement, je prends toutes les dispositions pour mettre sur le marché un album.

Un aperçu du nouveau produit ?

C’est un album de 16 titres. Qui comprend deux nouveaux (2) titres et des anciennes chansons. Cette œuvre intitulée ‘’Tu m’as dis ‘’ a été arrangée par plusieurs personnes dont Koudou Athanase. L’album sortira dans peu de temps, d’ici environ dix (10) jours.

Pourquoi un tel mélange de nouveaux et anciens titres ?

J’ai ajouté des anciennes chansons au maxi single de deux titres parce que, tout simplement, les fans en demandent.

Vous parlez à l’instant d’arrangeurs sans citer Manu Lima qui a toujours joué un grand rôle dans vos productions musicales…

Tous mes albums sont enregistrés par Manu Lima, à part le dernier. Je sortirai un album en juin prochain, arrangé par Manu Lima, après cette œuvre qui comprend des anciens et deux nouvelles chansons. Je n’ai jamais laissé tomber Manu Lima parce que c’est avec lui que je travaille. J’ai un contrat avec Manu Lima. Et je suis obligée de le respecter.

Mathey, toujours dans le même style musical ou il y a des changements ?

Je laisse les gens découvrir. Je pense que j’apporte un plus, à chaque album. Ceux qui écoutent sont libres de dire ce qu’ils pensent. Quand on travaille, c’est pour aller de l’avant.

Peut-on s’attendre à une couleur du « Coupé décalé », style musicale très présent dans le champ ivoirien ?

Je n’ai pas de nouveau style musical. Le « Coupé décalé » ou les autres musiques, ont toujours existé, se sont les appellations qui changent. J’ai toujours gardé ma musique du début. Je fais ce que je peux. Il y a des gens qui peuvent penser que c’est du « Coupé décalé », d’autres penseront au ‘’Soukouss’’. Quand une musique est dansante, chacun dit ce qu’il pense.

Après plus de vingt années de présence sur la scène musicale, pensez-vous que le bilan est bon ? Le succès souhaité y est-il ?

J’ai mon succès à moi parce ce que je vis mieux qu’avant. Je ne vois pas, en tout cas, ce qu’on appelle succès. En fait, le succès en Afrique, c’est de voir les gens passer tous les jours à la télé, sur les antennes. Le succès, pour moi, c’est d’avoir quelque chose, chaque fois qu’on vous écoute. Quand on fait de la musique, ce n’est pas pour une seule année, c’est pour des années. C’est cela le succès. Quand je joue aujourd’hui, les gens dansent. La preuve, sur mon nouveau single, on va retrouver mes anciens titres parce que les gens les (anciennes chansons, ndlr) réclament. Pour moi, c’est cela le succès. Plus une œuvre vieillie, plus on voit si elle a eu du succès ou pas. Mais quand on fait un album juste pour une année, ce n’est pas ça le succès. En Afrique, si on ne te voit pas à la télé, cela veut dire que tu n’as pas de succès. La télé ne veut pas dire l’argent. Le succès sous les tropiques, c’est l’argent, rouler dans de grosses voitures, dormir dans de grosses villas. De toutes les façons, je n’ai pas des milliards mais je vis mieux que dans mon passé. Le succès, pour moi, c’est faire des choses qu’on retient, des choses solides, qui peuvent tenir longtemps.

Aujourd’hui la Côte d’Ivoire est engagée dans une nouvelle dynamique. On parle de réconciliation nationale. A travers vos chansons, avez-vous fait un clin d’œil dans ce sens ?

Je n’ai pas besoin de parler de réconciliation. Je pense qu’une réconciliation se fait seule. Il y a eu assez de pubs pour ça !

Toutefois des artistes s’expriment sur le terrain politique. N’Êtes vous pas tentée par cette posture ?

Ça ne m’intéresse pas ! Je ne peux rien changer. Je n’ai pas également cette force de le faire. Là où tu ne peux pas agir, tu vas beau crier, personne ne t’entendra. En tout cas, en politique, je n’ai pas de choix. Si quelqu’un travaille correctement et que le peuple est heureux, c’est le plus important. Un Chef d’Etat ou un ministre, doit donner le meilleur de lui-même pour le bonheur de tous.

Votre regard sur les actions au niveau de la culture en Côte d’Ivoire ?

Que tout se passe comme il faut. De toutes les façons, ma petite voix n’ira nulle part. Chacun a un rôle à jouer. Ceux qui sont à la tête comme en bas, que chacun joue son rôle. Il faut que les uns et les autres fassent leur travail, comme il se doit.

Un mot sur la piraterie…

Je n’ai pas grand-chose à dire dessus. Tout le monde sait ce que c’est. J’espère que ça changera.

La gestion actuelle du BURIDA (Bureau ivoirien du Droit d’Auteur). Votre appréciation ?

Je n’ai pas d’appréciation à faire. Cependant, quand on met quelqu’un à un poste, qu’il fasse le travail pour lequel il a été mandaté. Qu’il donne le meilleur de lui-même pour le bien de tous. Mais il ne faudrait pas que les gens abusent de leurs postes, et que les autres en souffrent.

Est-ce à dire que vous avez constaté des dérapages ?

Je n’ai rien constaté. Je précise que je ne parle pas uniquement du cas BURIDA. C’est un message qui concerne tous les domaines. Dans les ministères, partout, il faut que les gens se mettent au travail. Qu’ils apprennent à être correct. On n’est pas parfait, mais on essaie de l’être chaque jour de notre vie. Si tout le monde fait cela, les choses iront mieux.

Il est arrivé des moments où Mathey à pensé être calomniée inutilement ?

Oui ! Mais les auteurs n’ont fait que me grandir. Ceux qui nous font du mal, ils ne savent pas qu’ils nous rendent plus intelligents. J’ai gardé les pierres que des personnes m’ont lancées. Je garde ces pierres, je ne les relance pas. Je les garde pour construire. Et quand je vais construire, ces personnes viendront s’abriter en dessous. Et je les inviterai à venir manger et boire avec moi.

Etes-vous en train de dire que la vengeance n’a pas de place dans votre vie ?

On vit combien de temps pour se venger ? J’ai quoi pour me venger ? Rien ! Au contraire, ceux qui pensent que je vais me venger, qu’ils viennent. J’ai le cœur grandement ouvert pour eux. Je peux leur dire que je les aime toujours. Ils sont des frères. Ils ne sont pas mes ennemis. Qu’ils n’aient pas peur de m’approcher. Même ceux qui pensent qu’ils m’ont lancé des pierres, je les garde, qu’ils viennent toujours. Je n’ai pas d’ennemi.

Un appel aux fans ?

Je leur demande de prendre le nouvel album qui comprend deux nouveaux titres et des anciennes chansons. Une œuvre qui sort, en attendant l’arrivée, en juin prochain, d’un autre, qui est en préparation. J’espère qu’ils vont aimer. Il y a des gens qui vont se retrouver, à travers ces titres. Qui concernent tout le monde.

Réalisée par Raymond Dibi
In L’Intelligent d’Abidjan

Sat, 01 Mar 2014 07:10:00 +0100

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La Dépêche d'Abidjan

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