Les parrains au secours du régime ivoirien aux abois

Après le 11 avril 2011, date à laquelle l’ONU et la France de Sarkozy ont parachevé le coup d’état contre Laurent Gbagbo, l’on avait pensé que les Ivoiriens auraient du répit. La France étant parvenu à installer à la tête de son ex colonie un homme lige, les souffrances des Ivoiriens prendraient fin. Malheureusement, pour les concepteurs de la démocratie par les bombes, le cheval sur lequel ils ont misé ne fait pas le poids. Il se révèle piètre politicien, doublé d’un esprit sanguinaire et d’un totalitarisme hors du commun. L’homme qui a tout obtenu dans la vie, y compris la présidence d’un Pays qui n’est pas le sien, souffre d’une carence de légitimité. Une grande partie du peuple qu’il est sensé gouverner ne se reconnaît pas en lui. En réaction, le chef de l’État ivoirien multiplie les actes antidémocratiques et use de violence dans le secret espoir de bâillonner son opposition. Mais plus il brime une partie de la population, plus il approfondit le fossé entre lui et les Ivoiriens d’une part, et entre Ivoiriens d’autre part.

Pour conquérir le pouvoir, au début de 2011, après avoir dénié au Conseil Constitutionnel ses prérogatives en matière électorale, Monsieur Ouattara a lancé son armée à l’assaut de la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Composée des combattants de la rébellion de Soro Guillaume et de mercenaires de la CEDEAO, cette armée va commettre les pires atrocités sur les populations des régions supposées favorables au Président Gbagbo. Les Ivoiriens se remettent difficilement du massacre d’un millier de Guérés dans la ville de Duékoué, à la fin du mois de mars 2011. La mise à sac courant 2012 d’un camp de réfugiés par les partisans de Ouattara sous le regard complice des FRCI et des soldats de l’ONU, toujours à Duékoué, en rajoute à la longue liste des actes criminels du régime.

A la fin c’est Laurent Gbagbo qui est capturé par les forces françaises et remis à son adversaire, avant d’être enfermé, sans autre forme de procès, dans le nord de la Côte d’Ivoire sous la garde du chef de guerre Kouakou Fofié. Il sera par la suite transféré à la Cour Pénale Internationale (CPI) sous le chef d’accusation de crime contre l’humanité. Tous les collaborateurs et autres Ivoiriens supposés proches du Président Laurent Gbagbo sont traqués, emprisonnés ou contraints à l’exil. Tous les membres de la direction du Front Populaire Ivoirien (FPI), dont son Président Pascal Affi Nguessan, sont en prison ou en exil, leurs comptes bancaires gelés et leurs domiciles occupés par les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).

Les attaques des camps militaires et autres positions tenues par les FRCI depuis le début du mois d’août 2012 ont servi de prétexte au régime Ouattara qui a amplifié sa répression de l’opposition significative du pays et des Pro-Gbagbo. Une étape supplémentaire a été franchie dans la « bunkérisation » du régime qui a procédé à la fermeture de la frontière avec le Ghana voisin après l’attaque du poste de Noé par des individus armés non identifiés à la mi-septembre 2012.

Sur le plan économique, malgré la remise d’une partie importante de la dette extérieure d’une part, et des incessants voyages du chef de l’État ivoirien d’autre part, les investisseurs ne se bousculent guère. Le pouvoir d’achat des Ivoiriens s’amenuise, le chômage est galopant et la paupérisation s’accroît, faisant craindre à tout moment une explosion sociale. Scénario d’autant plus probable que la politique incongrue de rattrapage ethnique initiée par Monsieur Ouattara lui-même contribue à aggraver le fossé d’incompréhensions entre les Ivoiriens.

La réconciliation nationale apparaît comme le dernier des soucis des tenants du pouvoir qui torpillent les initiatives allant dans le sens de la concorde nationale et supposées ramener la paix en Côte d’ivoire. Pis, le parti au pouvoir (RDR) appelle au meurtre des militants du FPI, tandis que le président de l’Assemblée Nationale lui prône l’éradication de cette formation politique qu’il assimile à une organisation terroriste. Excusez du peu !

Bref ! Le régime d’Abidjan a du mal à convaincre ses soutiens extérieurs de sa capacité à relever les défis auxquels la Côte d’Ivoire est confrontée depuis le renversement du Président Laurent Gbagbo. C’est pourquoi, comme toujours en pareille situation, il est plus aisé de trouver un bouc émissaire que de s’attaquer à la racine du mal. Et c’est le FPI, souffre-douleur, qui est tout indiqué pour porter encore la responsabilité de l’échec des champions de la démocratie des bombes.

C’est dans cette atmosphère délétère que Radio France Internationale (RFI) annonce, dans une de ses éditions du samedi 6 octobre 2012 et sur son site internet, qu’un rapport confidentiel de l’ONU mettrait en cause les exilés ivoiriens proches du président Laurent Gbagbo, dans une entreprise de déstabilisation de la sous région ouest africaine. Ces exilés qui fuient la répression aveugle du régime ivoirien se seraient rapprochés d’une part des jihadistes d’Ançar Dine qui écument le nord du Mali et d’autre part de la junte militaire qui a renversé le Président Amani Toumani Touré.

L’opération pue la manipulation et de nombreuses voix s’élèvent pour condamner une campagne de diabolisation mal ficelée. Tous les mis en cause ont réfuté les accusations portées contre eux et ont mis au défi RFI et l’ONU de rapporter la moindre preuve de leurs allégations. L’ONUCI, maitre d’ouvrage délégué d’une enquête qui aurait été menée par des experts indépendants de l’ONU, ne se reconnaît pas dans les conclusions de ce rapport dit « intermédiaire ». Comment des experts de l’ONU, même indépendants, peuvent-ils organiser la fuite d’un document aussi sensible avant de l’avoir fait valider par l’ONU ? On est en droit de se poser des questions sur l’existence même de ce rapport. Nous sommes certes habitués aux entourloupettes d’un média propagandiste au service de l’impérialisme mondial et qui ne lésine pas sur les moyens pour, au mieux attenter à l’image d’honnêtes citoyens, au pire livrer à la vindicte populaire des leaders récalcitrants. Mais l’information du 6 octobre dernier est à prendre au sérieux pour plusieurs raisons.

D’abord, ce genre d’annonce précède toujours des actions de déstabilisation déjà conçues dans les officines occidentales, auxquelles il reste à trouver la justification. Depuis 2002, c’est de façon régulière que la presse française fait des fausses révélations sur la Côte d’Ivoire dans le seul but de neutraliser le Président Gbagbo qui tentait de reprendre la main dans l’opération de déstabilisation de son pays. Peu importe que l’information distillée soit vraie ou fausse – le plus souvent elle est fausse – l’essentiel c’est de d’accabler et de préparer les esprits à des coups tordus à venir.

Ensuite, tout le monde entier sait désormais que c’est pour installer Alassane Dramane Ouattara (ADO) au pouvoir en Côte d’Ivoire que la communauté internationale (France et Etats-Unis, notamment) ne cesse d’agresser ce pays depuis la disparition du Président Houphouët Boigny en décembre 1993. On se souvient en effet de la tentative de Ouattara, alors premier Ministre, de s’emparer de l’héritage du « Vieux » alors que la constitution avait tranché la question en faveur du Président de l’Assemblée Nationale. Les Ivoiriens ont également en mémoire la difficile fin de mandat du Président Konan Bédié qui a eu le malheur de lancer le concept de l’Ivoirité ayant ouvert la boite aux pandores. Son régime avait été accusé de détournement de 18 milliards de FCFA au titre de l’aide de l’Union Européenne, avant d’être balayé par le premier coup d’état militaire de l’histoire de la Côte d’Ivoire en décembre 1999.

En septembre 2002, la tentative de coup d’état mué en rébellion armée finit de convaincre les observateurs de la scène politique africaine de la volonté des commanditaires de cet acte d’installer leur homme de main à la tête de ce pays. En effet, non seulement cette rébellion a été tolérée et encouragée, mais elle a été entretenue et maintenue jusqu’à la mascarade d’élection de la fin décembre 2010 en vue de parachever le coup d’état de 2002. Le black-out de la presse occidentale sur la réalité du contentieux électoral de 2010 et la promotion du mensonge et des montages grossiers s’inscrivent dans une logique de diabolisation systématique du camp Gbagbo opposé à Ouattara. Au simple recomptage des voix proposé par Gbagbo pour déterminer le vrai vainqueur de l’élection, Ouattara a appelé à la guerre pour déloger son rival. La suite, on la connaît !

En réalité, l’entrée en scène de l’ONU et de RFI obéit à une logique de soutien inconditionnel à un pion en difficulté. Que personne ne s’imagine que Ouattara installé à coup de bombes larguées sur la tête des ivoiriens soit lâché par ses maîtres 18 mois après leur forfait ! L’échec de Ouattara est celui de ses parrains. Lesquels mettront tout en œuvre pour prouver qu’ils ont eu raison de l’imposer au prix de milliers de vies massacrées. Et pour cela, ils fermeront toujours les yeux sur les insuffisances et les crimes de leur poulain. Les cris de détresse des Ivoiriens et le délitement de la société ivoirienne ne changeront rien à la donne. Ouattara pourra massacrer autant de Pro-Gbagbo qu’il voudra ; il pourra emprisonner sans jugement autant d’opposants qu’il voudra ; il pourra opposer les Ivoiriens du nord à ceux des autres régions du pays comme il le voudra ; il pourra brader le patrimoine du pays comme il voudra. Aucune ONG, aucun média occidental d’investigation, aucune instance onusienne ne le dénoncera. Tout simplement parce qu’il est leur produit et qu’il assure la mission qui lui est assignée à savoir, fragiliser les pays d’Afrique de l’ouest.

Pour sûr, les parrains du Chef de l’État ivoirien se rendent bien compte que leur protégé n’est pas l’homme de la situation. Il a échoué sur toute la ligne. Pour autant, ils ne peuvent le lâcher tant qu’ils n’auront pas trouvé un autre cheval sur lequel parier. Soro Guillaume, ayant goûté au délice du pouvoir, est en embuscade et manœuvre pour accélérer la chute de son mentor. Mais les parrains hésitent. Et pour cause, Bogota a fait couler trop de sang dans le cadre de sa rébellion qui endeuille le pays depuis plus de dix ans. Il est donc trop tôt de le propulser à la tête du pays. Surtout que la CPI réclame sa tête. Du côté du PDCI, personne pour le moment ne semble trouver grâce aux yeux des faiseurs de rois en Afrique. Idem pour le FPI qui demeure la bête noire des promoteurs de la démocratie des bombes. Faute donc de mieux, on se contente de celui qui est là. On le porte à tour de bras et on distrait l’opinion.

Sinon, comment comprendre qu’alors qu’ils ont réussi à éjecter Laurent Gbagbo du pouvoir et museler le FPI qui « est fini » selon les propos de Choi, ancien représentant du Secrétaire général des Nations Unies, ils s’acharnent encore contre les Pro-Gbagbo ?

Et si au-delà des partisans de l’ex Président ivoirien, la cible visée était le Ghana qui réaffirme depuis quelques années ses penchants souverainistes et panafricanistes ainsi que son ambition de développement ! Après que Ouattara a accusé le pays de Kwamé Nkrumah de servir de base arrière aux déstabilisateurs de son régime, la France apporte de l’eau à son moulin en alléguant que les opposants ivoiriens exilés dans ce pays ont une accointance avec les mouvements islamistes du nord malien liés à Al Qaida. Il est de notoriété qu’au nom de la lutte contre le terrorisme, les puissances occidentales sont prêtes à engager des guerres dont les objectifs inavoués restent le contrôle des Etats jouissant d’une position géostratégique. RFI préparerait-elle les esprits à une mise au pas du Ghana par l’ONU, organisation instrumentalisée par les puissances occidentales ? Rien n’est moins sûr !

Par John K. Silué
Economiste financier

Tue, 09 Oct 2012 20:15:00 +0200

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