Pourquoi je ne voterai pas pour Alassane Dramane Ouattara…

En effet, lorsque vous faite une recherche internet sur ADO, vous trouvez entre autre qu’il est connu comme "économiste libéral", a occupé d’importantes fonctions au FMI où il fut directeur du département Afrique (1984 à 1988) et conseiller du directeur général. En 1988, il est nommé gouverneur de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Appelé le 7 novembre 1990 comme Premier ministre par Houphouët-Boigny, M. Ouattara s’était alors donné mille jours pour sortir le pays de la crise dans laquelle il s’était enlisé à la suite de la chute brutale au début des années 80 des prix des matières premières agricoles. Pendant deux ans, il gouverne en bénéficiant de l’appui inconditionnel de l’Assemblée nationale et du Parti démocratique (PDCI) au pouvoir.
Pour moi, l’élément le plus important de cette présentation est le binôme « économiste libéral ».
En effet, l’un des challenges les plus importants pour les futures classes dirigeantes ivoiriennes, sera la gestion de l’endettement du pays et des conséquences de la mise en œuvre des PAS (plan d’ajustement structurel) en application de l’idéologie formulée à travers le consensus de Washington.
En effet, tous ceux qui participent aux négociations internationales depuis quelques années (c’est en substance l’essentiel de mon travail ici à Genève) savent que les PAS du FMI et de la BM sont décriés et pointé du doigt comme étant la cause du naufrage des pays où ils ont été appliqués. Dans les pays du sud, les effets du Consensus de Washington, ont été catastrophiques. Les politiques nommées par euphémisme "Ajustements Structurels" exigées des pays en développement en échange de la renégociation de leur dette par le FMI et la Banque Mondiale ont conduit entre autres à la fin de l’encadrement des prix des aliments de base, et à la privatisation de l’eau, avec une explosion de leurs tarifs.
Or l’économiste libéral qu’est ADO a une grande responsabilité dans l’acceptation par la Côte d’Ivoire de ces PAS. IL est un adepte des philosophies ultralibérales prônées par le FMI et la BM et a été le cheval de Troie qui a permis leur mise en œuvre en Afrique de l’ouest, par les fonctions qu’il a occupées au sein du FMI, de la BCEAO et en tant que premier Ministre de Côte d’Ivoire.
Il est d’ailleurs intéressant de relever toutes les contradictions existant entre la pensée de l’école philosophique dont il est adepte et le contenu de son programme de gouvernement. Pour faire simple, l’objectif des adeptes du consensus de Washington est la dérégulation, la privatisation, le monétarisme, la réduction des dépenses publiques qui étaient d’ardentes obligations en dehors desquelles il n’existait point de salut.
Le rôle de l’état, qui jusqu’alors avait été central, à la fois par les politiques économiques et budgétaires qu’il impulsait, et par son rôle redistributeur des richesses produites par les nations, devait à tout prix être réduit à la portion congrue. Ronald Reagan avait résumé cette nouvelle vision prônant le « moins d’état » lors de son discours d’investiture par sa formule fameuse : « l’état n’est pas la solution, c’est le problème ».
Or ADO dans son programme nous promets (encore une fois) une pluie de milliards dans tous les domaines (santé, éducation, logement, infrastructures…), domaines dans lesquels justement, sa politique ultralibérale a entrainé le retrait de l’Etat. Comment peut-on croire en une chose (la mort de l’Etat providence) et promettre son contraire ?
Souvenez-vous, la lutte estudiantine contre l’arrêté 316 en 1992 (arrêté dont l’objectif était de supprimer le « parapluie atomique » (possibilité de redoubler de façon illimité en licence) afin de réduire de façon significative le nombre d’étudiants inscrit à cocody, autres conséquence de l’application aveugle des PAS ayant pour objectif de réduire le nombre d’étudiant jugé pléthorique par ces bons messieurs du FMI.
Besoin est-il de rappeler que pendant vingt ans, armés de leurs certitudes, les hommes du FMI (dont M. ADO était le plus haut et brillant représentant et porte flambeau en Afrique) et de la Banque Mondiale ont accru les difficultés quotidiennes de centaines de millions d’hommes et de femmes des pays du sud. Au nom de de leur dogme, ils ont conduit l’Argentine à la ruine, plongé la Russie dans une crise sociale sans précédent, dont elle commence tout juste à se relever grâce aux revenus de ses réserves énergétiques dont elle a « osé » reprendre le contrôle en contravention avec la règle du laisser faire. Au nom de ces mêmes dogmes l’Europe s’est privée de politique industrielle, de la maitrise de ses infrastructures, de son énergie, de ses transports. Et que dire de l’Afrique, continent de loin moins bien loti que ceux ci-dessus cités.
Devant les catastrophes sociales provoquées par cette nouvelle religion du libre-échange, dont les bénéfices pour le plus grand nombre se font toujours attendre, bien que les revenus des privilégiés atteignent, eux, des niveaux stratosphériques (et encore une fois ADO en est un bon exemple), des voix dissidentes sont enfin parvenues à se faire entendre, qui ont osé dire ce que beaucoup pressentaient : le roi est nu. Non seulement les règles du Consensus de Washington n’ont pas produit les résultats promis par leurs adeptes, mais les effets néfastes nés de leur application sont de plus en plus criants.
Pour finir, j’aimerais citer Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie et ancien Vice-Président de la Banque Mondiale qui dans son livre « La Grande Désillusion » écrit : « Un demi-siècle après sa fondation, il est clair que le FMI a échoué dans sa mission. Il n’a pas fait ce qu’il était censé faire – fournir des fonds aux pays confrontés à une récession pour leur permettre de revenir à une situation de quasi-plein emploi. En dépit des immenses progrès accomplis depuis cinquante ans dans la compréhension des processus économiques, et malgré les efforts du FMI, les crises, dans le monde entier, se sont faites plus fréquentes depuis un quart de siècle, et aussi plus graves (si l’on excepte la Grande Dépression). Selon certains calculs, près d’une centaine de pays en ont subi. Pis : de nombreuses mesures promues par le FMI, en particulier la libéralisation prématurée des marchés des capitaux, ont contribué à l’instabilité mondiale. Et, lorsqu’un pays s’est trouvé en crise, non seulement les fonds et les prescriptions du FMI n’ont pas réussi à stabiliser sa situation mais, dans bien des cas, ils l’ont dégradée, en particulier pour les pauvres. Le FMI a échoué dans sa mission initiale, promouvoir la stabilité mondiale ; et il n’a pas été plus brillant dans les nouvelles tâches qu’il s’est fixées, par exemple guider la transition des pays ex-communistes vers l’économie de marché. »
En fait, avec du recul, je constate que toute les luttes sociales menées dès les années 90 ont eu pour adversaire invisible, l’application en Côte d’Ivoire de l’idéologie ultralibérale issue du consensus de Washington. La question que je me pose aujourd’hui, et qu’il serait vitale que tout ivoirien se pose en ce qui concerne ADO est celle de savoir s’il a pris ses distances quant à cette école idéologique ou si son ambition pour la Côte d’Ivoire est d’en faire le champ d’expérimentation grandeur nature des théories ultralibérale toujours défendues par ces bons messieurs du FMI.

Bamba Bakary Junior

Sun, 14 Nov 2010 10:33:00 +0100

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