“Pour lui, ce texte du jeune universitaire Gbagbo explique la forte hostilité de Paris vis-à-vis de l’homme politique Gbagbo.”

L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo est également un auteur, avec à son actif plusieurs essais politiques.
Mais son premier livre est plutôt méconnu. Ecrit en 1975, aujourd’hui épuisé, est plutôt méconnu. Son titre ? « Réflexions sur la conférence de Brazzaville ».
Le militant anticolonialiste et animateur de radio français Bernard Genet a entrepris de le « ressusciter ».
Pour lui, ce texte du jeune universitaire Gbagbo explique la forte hostilité de Paris vis-à-vis de l’homme politique Gbagbo.
En effet, il remet en cause le mythe d’un général De Gaulle qui aurait lancé l’émancipation des colonies dès 1944 lors d’un rassemblement dans la capitale de l’Afrique équatoriale française.

« Un jour que je faisais une Conférence à Gagnoa (1) sur le thème: « La décolonisation, essai de définition d’une problématique », devant un public composé presqu’essentiellement d’élèves des lycées et collèges, plusieurs questions me furent posées sur la Conférence de Brazzaville. Dans l’esprit de beaucoup de mes jeunes auditeurs (de même que – hélas! – dans l’esprit de beaucoup de grandes personnes comme j’ai eu l’occasion de le constater plus tard), la Conférence de Brazzaville avait été convoquée dans le but de décoloniser l’Afrique noire; pour certains autres, la Conférence avait réuni tous les leaders africains (!!!) pour discuter des destinées de l’Afrique; j’ai entendu ce jour-là beaucoup de fables.
C’est donc pour aider à comprendre un évènement qui sort déjà de l’histoire pour entrer dans la légende que j’ai entrepris de livrer ici ces quelques réflexions. »

L’historien Gbagbo exhume les archives de la conférence de Brazzaville pour démontrer ce qu’il considère comme son vrai objectif.

«Aujourd’hui, tout l’effort doit tendre à obtenir de nos colonies une contribution plus large, beaucoup plus large, en denrées d’alimentation. C’est un moyen et non des moins efficaces de conjurer pour l’année prochaine la crise du ravitaillement.»

« Nous avons là, en effet, une réserve remplie de richesses qui ne demande qu’à être exploitée et qui, intelligemment mise en valeur, peut nous permettre, dans la bataille économique de l’après-guerre qui ne manquera pas d’âpreté, il faut bien s’y attendre, de tenir notre place et nous développer, sans risquer d’être écrasés par la concurrence de trop puissants rivaux.»

« Toujours dans le dessein de donner au travail en Afrique, la place d’honneur qui lui revient, il est recommandé:

« 1° L’institution d’un service obligatoire du travail pendant un an, pour les indigènes de 20 à 21 ans, reconnus aptes et qui n’auraient pas été pris dans la première portion ducontingent militaire.

Ces indigènes seraient employés uniquement sur les chantiers d’intérêt public. Seraient exemptés de ce service du travail les indigènes qui pourraient prouver avoir travaillé pendant 18 mois chez un employeur privé».

La conclusion de l’auteur de « Réflexions sur la conférence de Brazzaville » est sans appel.

« Un fait saute manifestement aux yeux, c’est que jamais la Conférence de Brazzaville n’a été convoquée pour discuter de l’affranchissement des peuples coloniaux. Cela n’a pas été et cela ne pouvait pas être pour la simple raison que dans l’histoire aucun pays colonisateur n’a jamais décidé d’affranchir les peuples qu’il exploite et qui font sa richesse, sa puissance, sa grandeur. Si les empires égyptien, romain, macédonien se sont désagrégés ce n’est pas parce que les maîtres ont voulu la libération des esclaves mais parce que la volonté de la libération de ces derniers conjuguée avec l’affaiblissement des premiers a entraîné une rupture dans l’ordre ancien. Et c’est cette rupture qui est révolutionnaire dans son essence parce qu’elle est un procès de l’asservissement d’un peuple par un autre et parce qu’elle propose une redistribution des forces dans Ie monde, c’est cette rupture donc qu’on appelle décolonisation. Or pour que la décolonisation soit effective il faut qu’elle soit le fait de ceux qui souffrent de la colonisation, et il faut qu’elle s’attaque radicalement à tous les aspects de la colonisation et du colonialisme : aspects idéologique, politique, économique et culturel.

Au-delà de la conférence de Brazzaville, c’est au concept d’indépendance dans l’interdépendance et à la Françafrique, théorisée par Félix Houphouët-Boigny, alors à la tête de la Côte d’Ivoire, que l’historien de 30 ans s’attaque, dans ce livre qui sera publié au Cameroun par les Editions Clé en 1978, trois ans après sa rédaction.
Il attendra douze ans pour cofonder officiellement le Front populaire ivoirien, un parti politique se donnant pour objectif de lutter contre « toute forme de domination sur la Côte d’Ivoire et en Côte d’Ivoire ».

Source : Ye News Video

Mon, 21 Jun 2021 18:11:00 +0200

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