RDC – Quand le pape François attaque frontalement l’Occident prédateur 

Le 31 janvier 2023, au Jardin du Palais de la Nation, le pape François s’est adressé aux autorités congolaises, aux représentants de la société civile et au corps diplomatique. Tous les points de cette adresse ne seront pas évoqués dans la présente publication. Nous nous attarderons uniquement sur quatre idées.

La première, et la plus importante de ce discours, à mon avis, c’est l’interpellation vive et claire adressée à l’Occident arrogant, prédateur et dominateur. François commence par constater que les ressources minières (cuivre, cobalt, coltan, diamant, or, etc.) de la RDC sont exploitées par des multinationales, mais aussi par des pays voisins (Ouganda et Rwanda) et par ses propres fils. En souhaitant que l’Afrique « ait plus de poids et de représentation parmi les nations », il embouche la même trompette que le président Macky Sall et d’autres qui réclament un siège pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU. Avec franchise et vigueur, l’ancien archevêque de Buenos Aires refuse que l’on se taise sur le sang qui coule en RDC depuis 1997.

La seconde idée est le rappel d’une parole de l’hymne national congolais : « Par le dur labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant, dans la paix. » J’ai vécu en République démocratique du Congo, de septembre 1987 à juillet 1989. Pendant mon séjour, j’ai rencontré des hommes et des femmes qui travaillaient dur, qui se levaient tôt et se couchaient tard, pour nourrir leur famille et élever dignement leur progéniture. Il serait donc injuste de considérer tous les Congolais comme un peuple paresseux, réfractaire à l’effort et enclin à la facilité. Il n’en est pas moins vrai que, dans le même Congo, il y a des gens qui aiment trop danser, qui ne sont intéressés que par l’amusement, le divertissement et les distractions. Cette observation est valable pour les autres pays africains car c’est fréquemment que nos télévisions présentent des danses aussi obscènes les unes que les autres et c’est rarement qu’on y voit des débats littéraires ou des jeunes occupés à résoudre tel ou tel problème technique. Pourtant, Henri Lopes, fils de l’autre Congo, nous avait mis en garde quand il écrivait : « La meilleure détente n’est pas la danse. Un bon livre est, en la matière, supérieur. L’Afrique, à force de rire et de chanter, s’était laissée surprendre par les peuples plus austères, en avait été déportée et asservie. » (voir la nouvelle « Tribaliques ») 

Les Asiatiques (Indiens, Chinois, Japonais, Coréens, etc.) ne sont pas traités comme les Africains ont coutume d’être traités parce qu’ils ont forcé le respect des Occidentaux par leur travail.

La troisième idée se trouve dans l’affirmation suivante : « Le Père céleste veut que nous sachions nous accueillir comme les frères et sœurs d’une même famille et travailler à un avenir qui soit avec les autres et non contre les autres. Bintu bantu, c’est ainsi que l’un de vos proverbes rappelle très bien que la vraie richesse, ce sont les personnes et les bonnes relations entre elles.» Qu’ils soient dans la vie politique ou dans l’Église qui confesse qu’en Jésus-Christ « il n’y a plus ni Juif ni Grec car vous êtes tous un en lui » (Gal 3, 28), les tribalistes devraient comprendre que l’autre est une chance et non une menace et que « prendre obstinément parti pour sa propre ethnie ou pour des intérêts particuliers, alimentant des spirales de haine et de violence, tourne au détriment de tous en bloquant la nécessaire chimie de l’ensemble».

La quatrième idée attire l’attention sur le mal que les religions peuvent faire si ceux qui les pratiquent ont perdu de vue leur finalité : relier les hommes à Dieu et relier les hommes les uns aux autres. Les Églises du Réveil sont souvent accusées de dénigrer l’Église catholique, de débaucher ses fidèles. François pense que le vrai combat n’est pas. Pour lui, ce qui compte, c’est que toutes les religions luttent ensemble contre l’ignorance et la misère qui pousse plusieurs jeunes du continent à prendre le risque de mourir dans la Méditerranée.

Je ne crois pas qu’un pape ait autant tancé les dirigeants et hommes d’affaires occidentaux, autant exposé leur cruauté et cupidité, que François. La RDC et l’Afrique ont eu droit à un discours historique. Elles ont eu la joie d’écouter un pasteur qui, indiscutablement, tranche par son courage, son franc-parler et sa fermeté. 

Ces paroles fortes, l’Afrique, longtemps humiliée, méprisée, exploitée et violentée, les attendait de la part du successeur de Pierre. En s’exprimant à Kinshasa sans langue de bois, en rappelant les souffrances injustes subies par les Africains, en plaidant pour que l’Afrique soit écoutée et respectée, François a fait ce qu’un vrai homme de Dieu devrait faire. Il montre le chemin aux prêtres et évêques d’Afrique qui sont encore paralysés par la peur de dénoncer les crimes de l’Occident. Son exemple sera-t-il suivi ?

Jean-Claude DJÉRÉKÉ

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