Ce décret catholique vieux de 500 ans a ouvert la voie à la colonisation

Le pape Alexandre VI né Rodrigo de Borja

Cette série de décrets du 15e siècle a été utilisée pour justifier la colonisation au nom du christianisme. Des militants et organisations demandent aujourd’hui au pape de révoquer cette loi religieuse qui a causé tant de souffrances.Louise Large s’est débattue, a hurlé et lutté contre des religieuses en robe noire qui la tenaient fermement tout en lui parlant dans une langue qu’elle ne comprenait pas. En regardant sa grand-mère s’éloigner, la jeune fille crie a réalisé qu’elle avait été abandonnée au Blue Quill, un pensionnat pour enfants natifs de l’Alberta, au Canada. Dans son témoignage de 2011 devant la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, elle a déclaré : « J’ai hurlé, encore et encore, pendant des heures »

Large n’a pas tardé à se rendre compte qu’elle devait se conformer à un programme strict mis en place dans son école, qui tournait autour du christianisme, qu’elle était désormais censée pratiquer. Les enfants priaient tellement qu’ils avaient tous des « genoux de pensionnaires » : des articulations calleuses et grinçantes à cause des prières forcées de l’école, raconte-t-elle avec sarcasme.

Large vivait l’héritage de l’histoire de la colonisation au Canada, dont le gouvernement força plus de 100 000 enfants des Premières Nations à fréquenter des pensionnats qui les dépouillèrent de leur identité native et tentèrent de les convertir au christianisme.

Au 21e siècle, la Commission de vérité et de réconciliation révéla l’histoire de ces pensionnats et leurs effets sur les Canadien.nes natif.ves. Elle documenta la manière dont une doctrine religieuse vieille de plusieurs siècles permit la création et le fonctionnement de ces écoles qui causèrent tant de souffrances.

Alors que le voyage d’une semaine du pape François au Canada a débuté dimanche 24 juillet 2022, des militant.es et des organisations religieuses ont demandé au dirigeant catholique de révoquer la « doctrine de la découverte » : une série de décrets papaux du 15e siècle qui jetèrent les bases de la prise de contrôle du Nouveau Monde par les Européens et de l’anéantissement des cultures autochtones au nom du christianisme. Voici comment ces décrets devinrent la base légale de la colonisation, et l’héritage qu’ils laissèrent derrière eux.

LES ORIGINES DE LA DOCTRINE

Les origines de cette doctrine remontent aux premiers jours de l’ère des explorations. Tout au long du 15e siècle, l’Église catholique romaine répondit aux ambitions des nations catholiques d’Europe d’explorer et de coloniser d’autres régions. Dans une série d’édits connus sous le nom de bulles pontificales, les papes donnèrent à ces nations le droit de prendre le contrôle d’autres terres, de soumettre les populations qui y vivaient déjà et de les convertir au christianisme.

Le plus influent de ces décrets fut Inter Cætera, une bulle pontificale émise par le pape Alexandre VI en 1493. Un an plus tôt, en 1492, l’explorateur Christophe Colomb était arrivé aux Amériques dans le cadre d’une expédition financée par la monarchie espagnole. L’objectif de ce voyage était de trouver une route occidentale vers les centres commerciaux asiatiques, mais il offrait également à l’Espagne l’occasion d’étendre son royaume et la portée de la chrétienté.

La bulle pontificale Inter Cætera

Alexandre VI était espagnol et entretenait des liens étroits avec la monarchie. Son règne papal fut marqué par des scandales découlant de son avidité, de sa corruption et de son népotisme. Lorsque le Portugal se plaignit que Colomb et l’Espagne interféraient avec ses propres ambitions pour le Nouveau Monde, le pape publia un document affirmant que l’Espagne avait le droit exclusif au territoire situé à l’ouest des Açores et des îles du Cap-Vert, au milieu de l’océan Atlantique.

L’encyclique donna non seulement carte blanche à l’Espagne pour revendiquer des terres dans le Nouveau Monde, mais lia également l’exploration et la colonisation au christianisme et à la conversion. Les nations devraient s’efforcer en priorité de faire en sorte « qu’à notre époque en particulier la foi catholique et la religion chrétienne soient glorifiées et soient accrues et répandues partout, que l’on prenne soin de la santé des âmes et que les nations barbares soient renversées et amenées à la foi », déclara Alexandre.

Le raisonnement du pape s’appuyait en partie sur le concept émergent de Terra nullius, qui signifie « terre vide » en latin. Tout endroit qui n’était pas encore occupé par des chrétiens était considéré comme libre d’accès pour les Européens chrétiens, quel que soit le nombre de personnes qui y vivaient déjà ou l’état d’avancement de leurs civilisations.

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