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    Liban – La Kafala : Une forme moderne d’esclavage

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Oct 20, 2024

    Au Liban, comme dans de nombreux pays, les relations entre employeurs et employés sont régies par le droit du travail, conçu pour protéger les droits des travailleurs et définir les obligations des employeurs. En théorie, les employeurs n’ont pas un contrôle total sur leurs employés, car la loi ligbanaise impose un cadre clair concernant les conditions de travail. Les employés bénéficient de droits essentiels tels qu’un salaire minimum, une durée maximale de travail hebdomadaire, ainsi que des droits aux congés payés, aux jours fériés et à un environnement de travail sécurisé. De plus, le licenciement arbitraire est interdit et la discrimination fondée sur la religion, le sexe ou l’origine est illégale.

    Cependant, ces protections ne s’appliquent pas à tous de manière égale. Les secteurs informels et domestiques, en particulier, sont souvent des zones grises où ces droits sont moins bien respectés. Le système Kafala constitue un exemple édifiant.

    Ce dispositif est un mécanisme de parrainage qui régit les travailleurs migrants, notamment les  domestiques. En vigueur au Liban et dans d’autres pays du Moyen-Orient, il lie la résidence légale d’un travailleur à son employeur ou « kafil ». Cette relation de dépendance donne à l’employeur un contrôle quasi total sur le salarié étranger, qui ne peut pas changer de travail sans son consentement et risque l’expulsion s’il quitte son emploi. Un tel dispositif crée un terrain fertile pour des abus, notamment la rétention des salaires, la confiscation des passeports et des conditions de travail inhumaines.

    Les travailleurs migrants, particulièrement ceux venant d’Afrique subsaharienne, font face à une vulnérabilité accrue en raison de préjugés raciaux profondément ancrés dans la société libanaise. Le racisme à l’égard des personnes noires intensifie l’exploitation des travailleurs migrants, surtout des femmes, qui sont majoritaires dans le secteur domestique.

    Les employés de maison vivent souvent chez leurs employeurs, ce qui accentue leur isolement social. Ce contexte rend difficile la possibilité de dénoncer les violations des droits. Beaucoup de ces femmes se retrouvent dans des situations où elles sont contraintes de travailler de longues heures, sans jours de repos, dans des conditions abusives, sans pouvoir quitter leur emploi ni chercher de l’aide extérieure. De plus, les employeurs, souvent, retardent ou ne paient pas les salaires, sachant que les travailleurs n’ont pas d’autre option.

    Bien que le Liban ait un cadre légal pour protéger les travailleurs, les migrants en sont en grande partie exclus. Le code du travail libanais ne couvre pas totalement les travailleurs domestiques sous le système Kafala, créant ainsi un vide juridique qui permet aux employeurs de contourner des normes comme la durée du travail et les congés.

    Les ONG et les organisations de défense des droits humains dénoncent régulièrement les mauvais traitements subis par ces travailleurs, mais les réformes du système Kafala restent lentes. Le manque de volonté politique pour améliorer les conditions de vie et de travail de ces migrants reflète un désintérêt à traiter ces questions de manière substantielle.

    Le système Kafala est une forme d’esclavage moderne, car il crée une dépendance extrême entre le travailleur et son employeur. L’incapacité pour les travailleurs de changer de travail sans l’autorisation de leur kafil, la confiscation des passeports et les conditions de travail abusives sont autant de pratiques qui rappellent les formes d’exploitation les plus sévères.

    Bien que le système de la Kafala ne soit pas explicitement inscrit dans une loi codifiée, il repose sur des règlements administratifs et des pratiques coutumières. Cela donne aux employeurs une grande latitude pour contrôler les travailleurs migrants, sans être tenus de respecter les mêmes règles que celles imposées dans d’autres secteurs.

    Le non-respect des droits des travailleurs noirs au Liban trouve ses racines dans des interprétations historiques et culturelles, comme celle du mythe biblique de la malédiction de Cham, qui a contribué à forger une perception selon laquelle les Noirs seraient destinés à être les esclaves des autres. Cette lecture engendre un racisme systémique qui  expose cette population aux abus.

    La réforme du système Kafala et l’intégration des employés domestiques dans le code du travail libanais sont des étapes cruciales pour garantir des droits humains fondamentaux à cette communauté marginalisée. La lutte pour les droits des migrants au Liban est loin d’être achevée et nécessite une pression continue de la part des groupes de défense ainsi que de la communauté internationale pour instaurer des réformes juridiques et sociales durables.

    Axel Illary

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