L’histoire de l’humanité et de la civilisation trouve ses racines en Afrique, le berceau de l’humanité, qui a vu naître la foi en Dieu. En effet, les découvertes archéologiques et anthropologiques montrent que les premiers humains sont apparus en Afrique de l’Est il y a des millions d’années et ont posé les fondations de ce que nous appelons aujourd’hui la civilisation. Au fil de cette histoire millénaire, les Africains ont joué un rôle central dans la formation des concepts religieux. Cependant, il est paradoxal que beaucoup de Noirs adhèrent aujourd’hui aux religions abrahamiques, qui ont pourtant contribué à leur asservissement au cours de l’histoire.
Longtemps avant l’apparition des religions abrahamiques (le judaïsme, le christianisme et l’islam), les anciens Africains avaient développé des systèmes religieux basés sur la nature et une croyance en une force créatrice suprême. Par exemple, les civilisations égyptienne, nubienne et éthiopienne, parmi d’autres en Afrique antique, ont participé à la formulation d’idées religieuses et philosophiques. La notion de Maât en Égypte, qui incarnait l’ordre, la vérité et la justice, ainsi que le culte d’Amon-Rê, une divinité solaire, sont autant de preuves que l’Afrique a posé les bases de croyances religieuses qui influenceront plus tard le monde. D’ailleurs, de nombreux chercheurs, dont le célèbre savant Cheikh Anta Diop, avancent que les religions abrahamiques ont puisé dans les traditions spirituelles africaines. Pour preuve, on observe des similitudes frappantes entre les récits des dieux égyptiens Osiris et Horus et celui de Jésus-Christ, ainsi que des correspondances évidentes entre Isis et Marie. Les Noirs de l’Antiquité ont donc été les pionniers de la croyance en une force divine unique et supérieure, bien avant l’avènement des religions dites « révélées ».
Avec l’arrivée des religions abrahamiques, l’Afrique a connu un profond bouleversement. Le christianisme et l’islam, en particulier, se sont progressivement imposés comme religions dominantes dans plusieurs régions du continent. Ces deux croyances, prêchant l’adoration d’un Dieu unique, ont favorisé les expansions territoriales, les conquêtes militaires et, surtout, la soumission du peuple africain.
La traite esclavagiste, qu’elle soit transatlantique ou arabo-musulmane, a été étroitement liée à la propagation des croyances religieuses venues de l’extérieur. Pendant des siècles, les Africains ont été capturés, vendus et transportés vers des terres lointaines au nom de ces religions qui justifiaient la déshumanisation des Noirs, un processus qui a conduit à la servitude. Les colons européens et les commerçants arabes ont utilisé des récits religieux issus de la Bible et du Coran pour motiver l’esclavage des Africains, affirmant qu’il fallait les soumettre conformément à certaines interprétations de ces textes.
L’impact de cette hégémonie a été immense. Non seulement les Africains ont été physiquement opprimés, mais ils ont aussi été privés de leur héritage spirituel et culturel, remplacé par des dogmes importés.
Aujourd’hui, la contradiction poignante réside dans le fait que de nombreux Noirs, descendants d’esclaves ou de colonisés, continuent à pratiquer ces mêmes religions qui ont servi à l’oppression de leur peuple. Le christianisme et l’islam sont largement dominants en Afrique et dans les diasporas noires à travers le monde. Cela dit, cet état de choses peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
Premièrement, la colonisation spirituelle et mentale des Noirs s’est accompagnée d’un processus d’aliénation qui les a poussés à rejeter leurs croyances traditionnelles en faveur des religions des oppresseurs. Au fil des siècles, les Africains ont été conditionnés à voir leurs propres spiritualités comme « inférieures » ou « païennes ». Les missionnaires européens et arabes ont systématiquement détruit les temples, interdit les pratiques ancestrales et imposé leurs croyances sous prétexte d’apporter la « civilisation » et le « progrès ».
Deuxièmement, l’éducation coloniale et postcoloniale a renforcé cette dépendance religieuse. Dans de nombreux pays africains, les écoles et institutions fondées par les missionnaires chrétiens ou musulmans ont été essentielles dans la transmission des dogmes abrahamiques. Ces établissements ont modelé plusieurs générations d’Africains à croire en la supériorité des religions imposées, marginalisant encore davantage leurs héritages spirituels traditionnels.
Enfin, l’ignorance de l’histoire véritable de la religion africaine et des conséquences des religions abrahamiques sur les Noirs a perpétué cette situation. Beaucoup de Noirs dans le monde ne connaissent pas les liens entre leurs prédécesseurs et l’origine des croyances religieuses. Ils ignorent souvent que leurs ancêtres ont été les premiers à développer l’idée de Dieu et qu’ils ont été à l’origine de grandes traditions spirituelles.
Toutefois, tout n’est pas perdu. Il existe un mouvement d’éveil visant à reconnecter les Noirs avec leurs racines spirituelles. De plus en plus d’Africains et de membres de la diaspora redécouvrent les religions traditionnelles, telles que le vaudou ou des systèmes spirituels et de divination comme l’Ifa. Il y a aussi le kemétisme, qui représente une forme moderne de la religion traditionnelle. Ce processus de réappropriation spirituelle est essentiel pour guérir les traumatismes historiques et retrouver une fierté culturelle et religieuse.
Ainsi, comprendre que les Noirs ont été les premiers à conceptualiser Dieu et à instaurer des systèmes religieux est une étape clé dans cette reconnexion. La découverte du passé de l’Afrique et de son rôle fondamental dans l’histoire religieuse de l’humanité, une histoire qui a été falsifiée, permettra aux Africains de prendre conscience de la place primordiale de leurs croyances ancestrales dans l’émergence des religions et de remettre en question la domination culturelle et spirituelle dont ils sont victimes.
Axel Illary
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