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    Les Noirs : La croix, le croissant… et l’oubli de soi

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Avr 18, 2025

    Le peuple noir a été arraché à ses racines spirituelles et plongé dans des dogmes importés, oscillant désormais entre le christianisme et l’islam, des croyances derrière lesquelles réside une histoire de domination. La reconquête de la spiritualité ancestrale est donc un impératif, qui passe obligatoirement par la décolonisation de l’âme.

    La religion comme outil d’asservissement

    Le christianisme et l’islam, aujourd’hui omniprésents dans les sociétés africaine et afrodescendante, ne sont pas arrivés sur ces terres comme de simples messagers de paix. Ils ont été les bras spirituels de trois grands systèmes d’oppression qui ont marqué l’histoire du peuple noir : les traites négrières arabo-musulmane et transatlantique, l’esclavage et la colonisation. Ces religions ont initié, légitimé, puis orchestré la soumission et le déracinement spirituel, culturel et politique des Africains.

    Le christianisme, diffusé par les missionnaires accompagnant les colons européens, a été utilisé pour « civiliser » la population noir, en dénigrant et en éradiquant les croyances ancestrales. Quant à l’islam, bien avant l’arrivée des Européens, il avait déjà établi des réseaux esclavagistes puissants en Afrique de l’Ouest et du Centre, avec des millions de captifs vendus vers le Maghreb et le Moyen-Orient.

    Ces deux religions ont justifié l’oppression des Noirs au nom d’un Dieu, blanc ou arabe, mais jamais africain.

    Une foi importée, une mémoire effacée

    La prière du vendredi ou le prêche du dimanche prennent racine dans des textes sacrés qui, dans leur contexte historique, n’ont pas reconnu l’humanité du Noir. Aujourd’hui encore, il est rare de voir un Africain ou un Noir des Amériques questionner sérieusement l’origine de sa foi. Le résultat est une fracture identitaire profonde. L’homme noir prie avec ferveur, mais sans conscience historique. Il a appris à aimer un Dieu qu’on lui a imposé et à haïr les esprits qui l’ont protégé pendant des millénaires.

    Les textes sacrés du christianisme et de l’islam, qui ont influencé la spiritualité du peuple noir, ont été utilisés pour justifier sa servitude. Les missionnaires chrétiens ont soutenu l’expansion coloniale en diffusant la foi chrétienne, mais aussi en imposant l’idée d’une mission civilisatrice qui effaçait la spiritualité africaine et légitimait l’esclavage du peuple noir sous prétexte de le « sauver ».

    L’islam, se prétendant fondé sur des principes de fraternité et d’égalité, a aussi  motivé la soumission des Noirs, notamment à travers des théories hiérarchisant les peuples. Celles-ci ont permis de justifier la traite négrière transsaharienne et de faciliter la réduction en esclavage des populations africaines lors des expansions des empires arabes.

    Les philosophies européennes des Lumières, malgré leurs idéaux d’égalité et de liberté, ont également contribué à cette dynamique. Certaines doctrines ont soutenu l’idée que des races étaient intrinsèquement destinées à être esclaves, fournissant ainsi des justifications théoriques et pseudo-scientifiques à l’exploitation du peuple noir et à la domination coloniale.

    Quand le sacré devient une forme d’aliénation

    Le pire esclavage est celui qui ne dit pas son nom. L’aliénation spirituelle est invisible, car elle se cache sous les habits de la foi. La religion parle de salut, de paradis, d’humilité, mais elle impose des normes étrangères, des représentations déconnectées de la culture locale et interdit toute mémoire précoloniale.

    Dans bien des cas, la conversion du peuple noir s’est faite par le feu et le fer. Des temples ont été brûlés, des rites interdits, des prêtres exécutés, des objets sacrés détruits. Puis, une fois l’ordre spirituel ancien anéanti, on l’a remplacé par une nouvelle morale, codifiée dans des langues étrangères, avec des visages divins qui n’avaient rien d’africain.

    Reconquérir la spiritualité volée

    Nombre de Noirs trouvent dans le christianisme et l’islam une force, une discipline, un réconfort. Mais cela ne doit pas empêcher de regarder l’histoire en face, ni de remettre en question les fondations spirituelles sur lesquelles repose le peuple noir. Contrairement à une idée répandue, les Africains n’ont pas découvert Dieu par le biais du christianisme ou de l’islam. L’Afrique, berceau de l’humanité et de la civilisation, est à l’origine de l’idée d’un être suprême, créateur de l’univers, bien avant que l’Occident et le monde arabe ne parlent de monothéisme. Décoloniser l’esprit, c’est aussi réapprendre à honorer ses ancêtres, ses totems. C’est se reconnecter au sacré, que l’Afrique connaissait bien avant Abraham, Jésus ou Mahomet. C’est redonner sa place à l’histoire occultée ou falsifiée, découvrir puis comprendre les récits qui ont précédé l’invasion des idéologies étrangères. L’émancipation du peuple noir ne sera jamais complète tant que son âme restera soumise à des dieux qui sont ceux de ses oppresseurs.

    Axel Illary

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