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    Côte d’Ivoire – Le micro contre la vérité : Alpha Blondy face à l’histoire

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Avr 17, 2025

    Alors que Laurent Gbagbo a été formellement acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) des charges de crimes contre l’humanité liées à la crise post-électorale de 2010-2011, Alpha Blondy persiste à contester la légitimité du verdict.

    Cependant, le chanteur ivoirien n’a pas hésité, dans un passé récent, à glorifier Samory Touré, un chef militaire aux méthodes autoritaires, aux campagnes guerrières et à la pratique de l’esclavage, qui ont fragilisé plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Bien qu’il soit présenté par certains comme un résistant face à la colonisation française, son projet impérialiste et l’héritage qu’il a laissé continuent de peser négativement sur cette région.

    La posture d’Alpha Blondy met en lumière une évaluation des faits qui semble davantage guidée par des affinités personnelles et idéologiques que par une analyse objective. Il est difficile de comprendre qu’il rejette un acquittement prononcé par une instance judiciaire internationale à l’issue d’un procès long et minutieux, alors qu’il idéalise, dans l’une de ses chansons, un personnage historique dont les pratiques condamnables sont pourtant bien connues.

    Une déclaration qui déforme la vérité judiciaire

    Alpha Blondy déclarait récemment dans la presse ivoirienne que Laurent Gbagbo « n’est pas libre par innocence, mais par insuffisance de preuves ». Et d’ajouter que « c’est du français que tout le monde peut comprendre, sauf de mauvaise foi. » Cette sortie appelle une mise au point.

    Laurent Gbagbo n’a pas été libéré faute de preuves. Il a été acquitté, totalement, par la Cour pénale internationale après un long procès, au terme duquel les juges ont estimé qu’aucun élément ne permettait de retenir sa culpabilité. Ce n’est ni un arrangement politique, ni une libération provisoire, ni un non-lieu, contrairement à ce que suggère Alpha Blondy, dont l’interprétation de la décision de justice est erronée. Il s’agit d’un acquittement en bonne et due forme, un verdict d’innocence rendu en faveur d’un homme injustement accusé.

    En parler autrement, c’est déformer les faits. Par la posture qu’il adopte, Alpha Blondy entretient délibérément la confusion dans les esprits.

    Une mémoire artistique sélective

    Ce même Alpha Blondy, qui attaque Laurent Gbagbo, n’a pas hésité à chanter les louanges de Samory Touré dans l’une de ses oeuvres. Or, Samory Touré, n’est pas qu’un résistant à la colonisation occidentale. Il fut aussi un esclavagiste brutal, engagé dans une logique d’expansion religieuse, au service d’intérêts arabes. Il ne luttait pas pour libérer l’Afrique, mais pour imposer un ordre nouveau, marqué par la violence et la domination. Samory Touré était un chef de guerre, l’incarnation d’un islam conquérant et impitoyable, soutenu par des puissances étrangères. C’est un pan de l’histoire qu’aucun romantisme artistique ne devrait effacer.

    Face à cela, des questions s’imposent : pourquoi encenser un marchand d’esclaves et salir un homme qui lutte depuis longtemps pour l’exercice des libertés ? Pourquoi offrir à Samory Touré des vers poétiques et à Laurent Gbagbo des piques médiatiques ?  Pourquoi magnifier un personnage aux méthodes sanglantes et nier le parcours d’un homme dont le procès est devenu un symbole de résilience africaine face à l’injustice ?

    Ce vendeur d’esclaves que célèbre Alpha Blondy ne peut, en aucun cas, être comparé à Laurent Gbagbo. Sur le plan du courage, de la résilience et de la probité morale, la différence est nette. Et ce contraste, il faut le souligner avec force. Samory Touré a contribué à dénigrer la culture africaine au profit de la civilisation arabe à travers l’islam. Ce n’est donc pas un brave résistant à exalter.

    Gbagbo, figure d’une résistance moderne

    Laurent Gbagbo, qu’on l’admire ou qu’on le critique, est un symbole de la résistance africaine contemporaine. Il a défié l’ordre mondial, refusé l’ingérence et assumé un procès politique d’une ampleur inédite pour un chef d’État africain. Son acquittement n’est pas seulement juridique, il est hautement symbolique.

    Quand l’artiste devient faussaire de mémoire

    Les artistes ont une influence immense sur l’imaginaire collectif. Leur rôle ne se limite pas à divertir. Il consiste aussi à orienter, à éclairer, à transmettre. Lorsqu’ils choisissent de réécrire l’histoire à travers des figures contestables, ils participent à falsifier le souvenir.

    Ce que l’Afrique attend de ses voix les plus puissantes, ce n’est pas la confusion, mais la clarté. Ce n’est pas la soumission à l’impérialisme, mais la défense de ceux qui ont résisté avec dignité.

    La chanson qu’il reste à écrire

    Il serait temps de dire à Alpha Blondy d’écrire une chanson en l’honneur de Laurent Gbagbo, ce héros africain debout, qui a traversé la tourmente judiciaire mondiale sans renier ses convictions. Un homme dont l’histoire retiendra la dignité, la fidélité à son peuple et la résilience face à l’injustice.

    Ce serait là non seulement un acte de réparation, mais aussi un devoir de vérité envers la mémoire africaine.

    Brou Gabélé

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