Dans son programme du premier tour qui avait été rendu public et exécuté à la lettre sans aucun changement, Laurent Gbagbo avait bien noté la date de son passage dans l’émission Face aux élec- teurs, du Jeudi 28 Octobre dernier. Le Mercredi 24 Novembre pro- chain, Laurent Gbagbo a choisi d’animer un meeting à Cocody et de tenir une rencontre avec les syn- dicats des enseignants. Avec un tel programme, est-il possible de trou- ver le temps pour faire un débat crucial le même jour , avec Alassa- ne Ouattara. On se souvient que le fait d’avoir animé un grand mee- ting, le jour même de son passa- ge aux 90 min du premier tour, n’avait pas permis au candidat LMP de retrouver tout son punch. Le lendemain Jeudi 25 Novembre 2010, deuxième et dernier jour probable du face-à-face, Laurent Gbagbo visitera Abobo et Anyama, deux zones importantes, où il compte chasser sur des terres fa- vorables au RHDP au niveau de l’arithmétique. Cela demande un trésor d’énergie physique et intel- lectuelle. Laurent Gbagbo sera- t-il en mesure de subir l’exercice du face-à-face, même si en face là c’est maïs, pour ne pas dire qu’il n’ y’a rien en face.
Franck Anderson Kouassi maintient mais
Le dimanche dernier lors d’un échange avec Degny Maixent, le Président du CNCA a confirmé le face-à-face, mais il n’a pas pu donner toutes les garanties, lais- sant entendre que cela dépendait de la bonne volonté des deux candidats. La RTI et le CNCA sont disponibles. « Ils offrent l’espace, mais rien n’oblige les deux candi- dats, d’autant plus que cet espace n’est pas obligatoire et que sa sup- pression prive certes le citoyen d’un espace, mais n’enlève rien au principe d’égalité de traitement entre les deux candidats.», ex- plique un observateur averti.
Inquiétudes et réserves déjà exprimées
Ayant soulevé la question et évo- qué des incertitudes, dès le lende- main (Jeudi 11 Novembre 2010), de la publication des dispositions arrêtées par le CNCA pour le se- cond tour, l’Intelligent d’Abidjan dans son édition N° 2132 du Ven- dredi 12 Novembre 2010, avait écrit : «Le face-à-face Gbagbo- Ouattara fait peur. Des partisans des deux candidats proposent trois tableaux pour le face-à-face entre les deux candidats. Gbagbo reste à son QG ; Ouattara reste dans le sien. Chacun avec deux journa- listes et un car de la RTI qui les met en relation avec l’équipe du direct à la Maison bleue.Les questions au- ront été préalablement détermi- nées pour que le débat soit sain, ci- vilisé mais aussi aseptisé. Chaque camp soupçonne déjà l’autre de vouloir le piéger. Les anti-faces à face disent même qu’un éventuel dérapage, une colère ou un mot de trop sur le plateau lors d’un vrai direct face-à-face, peut mettre le feu aux poudres, et envenimer la situa- tion le Jeudi 25 Novembre, à soixan- te-douze heures du scrutin».
Une semaine après cet état d’esprit que nous avons traduit , la question reste d’actualité. Surtout qu’en plus des craintes liées aux questions de stratégies et de tactiques, la pré- paration du face-à-face exige que le candidat et son staff y consa- crent au moins 24 heures, sinon 48 heures pour bien se concentrer et parer à toutes les situations.
Ne pas croire que tout est acquis.
Se préparer bien signifie que Ouat- tara et Gbagbo devraient chacun regarder à nouveau la vidéo du passage de l’un et de l’autre lors des 90 minutes du premier tour. Il faut visionner également les grands face-à-face de France, qui ont mar- qué la vie politique et médiatique de la 5è République. Il faut prépa- rer des phrases chocs et presque fa- tales. Il faut visionner également Obama et McCain, et relire ses classiques politiques comme Ma- chiavel, Marx, McCarthy et bien d’autres, sans oublier les ouvrages références en matière d’économie. Les Ivoiriens ne choisiront pas un président inculte, même si le débat télévisé n’est pas un exercice de simple culture générale, de connais-
sance livresque, ni de récitation de théorie économique. En vérité il ne s’agit pas d’une petite affaire et il y a plus à perdre qu’à gagner pour Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Des lacunes pouvant ressortir chez chacun face à des journalistes chevronnés et déterminés.
Expériences d’ailleurs
Au Sénégal, au Mali, au Bénin cités comme référence en matière de processus démocratique en Afrique, le face-à-face entre les candidats au second tour, n’a pas souvent été d’actualité. Récem- ment en Guinée, il n’en a pas été question. En Côte d’Ivoire, il est vrai qu’un tel plateau télévisé peut contribuer à apaiser les choses, mais le risque existe également de voir la réalité électorale déraper à partir d’un rien. Et si en définiti- ve, rien ne dérape au niveau de la paix sociale, l’un ou l’autre des candidats peut briser ses chances en une petite phrase, et en l’espa- ce d’une fraction de secondes. Il ne s’agit pas de faire peur aux can- didats, ou de limiter l’expression du débat démocratique, mais plutôt de préserver le climat social et maintenir les chances de victoire pour chacun. Car se serait injuste que pour une prestation télévisée pas réussie, un candidat se fasse battre.
Raisons d’une réserve.
Un cadre de la LMPconfie:«un débat avec Ouattara réduit à néant le discours et la thématique du candidat non-ivoirien que serait Ouattara. Même si on rêve de voir son accent le trahir, tout comme un Baoulé, un Sénoufo, un Attié ou un Bété , ne peut échapper à l’accent de ses origines, le simple principe de voir Ouattara faire un débat té- lévisé mondial avec Laurent Gbag- bo, est suffisant pour montrer que nous avons tout faux, car quand on aime son pays, et qu’on défend la dignité et la souveraineté de sa Na- tion, on ne peut expliquer que pour la paix, on a été contraint d’autoriser à être candidat quel- qu’un qui n’est même pas Ivoirien. Et pire,voici qu’on est amené à fai- re un débat télévisé avec ce non- ivoirien pour convaincre des élec- teurs ivoiriens. Il est vrai qu’un re- fus brutal du débat peut aussi être mal interprété et pris pour de l’or- gueil et du mépris, mais je pense que dans l’état actuel des choses, ce face-à-face ne fera pas avancer la démocratie. De toutes les façons, on verra ce que les débats entre les porte-parole et les staffs donneront, et en fonction de cela, on va aviser. Sinon pour l’heure le face-à-face n’est effectivement pas dans l’agen- da connu et officiel de notre candidat. »
Le RHDP aussi est dans l’expectative
Au niveau du RHDP : la rengaine contre le RTI est connue. Elle sert même de prétexte pour faire mon- ter les enchères et justifier un re- fus éventuel du face-à-face. Bédié est passé par là ! « La RTI ayant montré qu’elle est à la solde de Lau- rent Gbagbo, aux dires d’un proche de Ouattara, il serait imprudent d’aller au débat sans poser des conditions et demander des clarifi- cations sur tous les points : du choix des cameramen, du réalisateur à ce- lui des journalistes. Il y’a de nom- breux préalables à remplir pour un débat sain, équilibré et démocra- tique, d’autant que le RHDP a une vision sur l’audiovisuel et la com- munication dans notre pays, si le Président Ouattara est élu. Nous ne voulons pas de journalistes mili- tants qui viendront nous tirer vers le bas et poser des questions bidons même si nous sommes sûrs que le Président Ouattara, va préparer le face-à-face. Voyez vous, même le professeur Ouaraga Obou a dit que le président Ouattara a été plus brillant que son champion à la télé. Eh bien c’est simple, ce Mer- credi 27 octobre là, M Ouattara a tout arrêté. Il n’a pas fait de mee- ting, s’est décontracté et concentré en faisant de la natation dans sa piscine, avant de faire une simula- tion du débat avec son staff. Toutes les questions possibles, même celles qui sont relatives à sa nationalité, à son parcours, etc. lui ont été po- sées. On a même prévu des dénigre- ments auxquels il devait répondre. M Ouattara était prêt à tout. Face à Laurent Gbagbo, il sera encore prêt. Mais la campagne est courte, nous n’avons qu’une semaine. Prendre une journée ou deux pour préparer le débat ne nous emballe pas ».
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Rencontre des staffs pour tout arrêter
Mais comme notre interlocuteur LMP, notre source RHDP attend de voir la couleur des débats entre les représentants des candidats, pour que le staff de Ouattara tranche. Aucun camp ne veut être le premier à dire non ;et chacun fait semblant de dire oui. Pour éviter que par exemple l’un aille s’asseoir dans son fauteuil dans le studio de la RTI, et que le fauteuil vide de l’autre soit exhibé comme ce fut le cas pour le candidat Bédié. Gbag- bo et Ouattara s’apprêtent donc pour le meilleur (pas de débat) , comme pour le pire (un débat mal préparé). Mais déjà il serait bien qu’Affi N’Guessan, Issa Malick Coulibaly, Amadou Gon Couliba- ly et Ahoussou Jeannot himself et non des seconds couteaux,se ren- contrent sous les auspices du CNCA pour échanger. S’il est pos- sible qu’ils s’entendent sans que le CNCA ait à imposer quoi que ce soit, on aura alors droit à un bon débat. Mais jusqu’à quand le CNCA et la RTI estimeront qu’il faut espé- rer pour un débat que la rumeur abidjanaise avait déjà annoncé pour dimanche dernier, avant même l’ouverture de la campagne officielle. Pas tant parce que l’opi- nion attend vraiment cela,mais sans doute parce que les Ivoiriens veulent évacuer vite cet aspect de la question pour passer à d’autres choses. Voire ! Attendons encore un peu…
Avec l’Intelligent d’Abidjan / Par Charles Kouassi
Thu, 18 Nov 2010 08:32:00 +0100
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