Africains et François Hollande ou l’infantilisation chronique d’une élite inconséquente et extravertie

A – Réalités cartésiennes et émotions infantiles

La formation du premier gouvernement de monsieur Hollande a accentué le délire chez ce qu’il est convenu d’appeler "la presse africaine". De Bamako à Dakar puis Douala, Cotonou et Brazzaville, on a eu droit à des titres pour le moins surprenants, étonnants d’optimisme et surréalistes.

Comme toujours, ce qui se passe à Paris, même teinté de mensonges et de folies, prends une signification particulière pour ces Africains plus prompts à célébrer les victoires et les idées des autres qu’à construire leurs propres systèmes de valeurs et de référence.

Lorsque l’on a entendu monsieur Ousmane Tanor Dieng le premier secrétaire du parti socialiste sénégalais parler de François Hollande, on a cru qu’il s’agissait d’un membre de sa famille, d’un oncle maternel ou d’un demi-frère. Cet homme politique s’est exprimé presque sans réserve, faisant montre d’un infantilisme débordant et embarrassant.

L’embêtant c’est que ces grands nègres ne s’imaginent jamais comment ils sont vus, perçus et traités dans les conversations privées par ceux-là mêmes qu’ils adulent et adorent comme des totems. On se serait attendu à entendre un haut responsable comme lui déclarer au moins ceci: "les Français se sont donnés un nouveau président à la suite d’une élection conforme à leurs traditions démocratiques. Nous attendons de voir comment il va se déployer en ce qui concerne les relations avec l’Afrique. Mais déjà il est important de rappeler que monsieur Hollande est élu pour défendre les intérêts de la France. Nous avons certes de nombreux dossiers d’intérêt mutuel, et nous ne manquerons pas de lui faire connaître nos légitimes préoccupations et propositions, comme nous l’avions fait avec son illustre prédécesseur".

Voilà en quels termes, des responsables, même à un niveau le plus bas, devrait ou aurait du réagir à l’élection d’un nouveau président en France. Alpha Condé en dépit de l’usage d’un langage plus responsable, n’a pas échappé au délire, même si cela s’est fait avec plus de douceur. Mais il faudrait rappeler que c’est le même qui a livré les intérêts portuaires de Conakry à Bolloré, moins de trois mois après son élection à la tête de son pays.

B – Traditions de dépendance et de vassalisation

Il y a finalement, dans la gestuelle politique de l’Africain, une insoutenable bêtise largement établie. Lorsque Obama accède à la Maison Blanche, nous ne sommes pas très nombreux à l’époque, à mettre en garde contre les excès de zèle de quelques faux érudits qui entrevoient leur continent débarrassé des dictatures par le frère de race. Cinq ans plus tard, le bilan est terrifiant et les gueules excitées sont rentrées dans la léthargie misérabiliste et injurieuse. Le gentil jeune homme de la Maison Blanche s’occupe de ses électeurs et pas des jeunes perdus de Kampala ou des frustrés de l’élection présidentielle à Yaoundé et à Kinshasa.

Le problème majeur dès lors, réside dans une configuration psychologique de l’Africain au sud du Sahara, qui se voit lui-même exactement comme le décrivait Sarkozy, c’est à dire loin ou hors des réalités d’un monde où la confiance personnelle, la confiance en soi, la promotion égoïste des valeurs propres et la prédisposition au combat entre les intérêts, constituent le moteur de la réflexion et de toute démarche.

Que certains Africains en soient à se projeter dans le futur proche en misant sur un bonheur gratifié par monsieur Hollande, participe d’une pitoyable tradition de dépendance éhontée. Nous sommes pourtant très loin des temps où l’on classait le continent dans le tableau des terres sans savants, sans génies ni créateurs de dogmes, d’idéologies et de technologies. Pourtant, le constat est là, douloureux, amer, déboussolant. Les élites sont restées cloîtrés dans le mimétisme et la dépendance historique, vivant d’imitations et de présomptions de défaite.

La dure problématique de la libération et de l’autonomie des peuples, n’a aucune valeur de référence sur le continent, et même les luttes passées dignes d’admiration, ne semblent pas ouvrir la voie à des enseignements de lucidité et de courage. Tout se passe comme si malgré une forte excitation verbale et verbeuse, l’élite politique et intellectuelle, pour ce qui en tient lieu, est frappée d’une effroyable maladie d’incompétence analytique et projectionniste.

Hier, les mêmes, bien très nombreux également, avaient cru au discours plutôt dynamique d’une droite sans pitié, réaliste à souhait et responsabilisant. Aujourd’hui, ils sont encore nombreux, à baisser la culotte, à se soumettre au nouveau père blanc de l’Elysée en qui ils veulent confier leur destin, y compris l’organisation obsèques de leurs parents et grands parents. Il y a dans cette excitation une autre gravité, résultant de la perdition du génie intellectuel et historique.

Comment convaincre enfin le partenaire européen, que l’Africain au sud du Sahara, surtout l’Africain francophone, conserve un minimum de dignité? La réalité dépasse très largement la fiction et tous les discours sur notre attardement politique. On se serait cru en 1960 quand des mouvements de libération diffus réclamaient encore l’indépendance.

A peine installé dans son fauteuil de président, Macky Sall s’est empressé de se rendre à Paris pour être reçu à l’Elysée. A peine élu, Hollande ploie sous des demandes d’audience délivrées par tous les moyens et par toutes les voies possibles. Entre délinquants notoires, politiciens foireux, intellectuels bâtards et aventuriers porteurs d’idéologies et d’ambitions de prédation, on se noie dans une cacophonie d’imbéciles qui sèment la honte de la race. Ce qui est en cause, c’est notre capacité à traiter en tant que peuple, nations libres et cultures souveraines, avec les autres. Mais alors comment sortir du complexe du Blanc? Comment valider et viabiliser une approche objective qui nous élève au rang de partenaire crédible?

Il y a lieu après tout, de considérer que la liberté de l’Africain colonisé par la France, n’est qu’affaire de proclamation juridique qui en soi, ne modifie nullement les rapports sentimentaux de vassalisation. En somme l’élite ne se voit pas détachée du cordon ombilical du maître métropolitain et aspire toujours à plus de soumission lorsque les chefs changent à Paris.

A Yaoundé, la précipitation a été de mise pour le président de la République qui a vite mis en scène une audience largement médiatisée avec d’abord l’homme d’affaires Vincent Bolloré connu pour être l’un des meilleurs amis de Sarkozy, et ensuite avec l’ambassadeur de France pour pondre un communiqué selon lequel les relations entre les deux pays allaient se poursuivre dans le même catalogue des libéralités diverses. Si ce n’est pas triste, c’est énervant tout de même.

On en vient à se torturer les méninges sur le destin réel de nos peuples. Le référentiel politique est ailleurs, le référentiel moral est ailleurs, le référentiel idéologique est ailleurs, et le référentiel scientifique et matérialiste est ailleurs. Que reste-il donc pour consacrer la personnalité du colonisé rattaché historiquement et diplomatiquement à la France? En fait rien. (A suivre)

Shanda Tomne

Sat, 02 Jun 2012 21:07:00 +0200

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