mars 22, 2023

Attentats en Norvège : “J’entendais le bruit de ses bottes à quelques mètres de moi”

"Maman, dis à la police de se dépêcher. Des gens meurent ici". L’échange de SMS entre Marianne Bremnes, et Julie, sa fille de 16 ans qui se trouvait sur l’île, offre un aperçu saisissant de l’expérience vécue par ces 600 jeunes, coincés sur dix hectares en compagnie d’un tueur pendant près de une heure et demie. Les SMS ont été publiés dans le journal norvégien VG.

Tout commence par un coup de téléphone, à 17 h 10. Julie prévient sa mère de la présence d’un "homme fou qui tire" sur l’île et lui demande d’appeler la police. Sa mère, qui se trouve à plus 1 400 kilomètres de là, lui demande de lui envoyer régulièrement des SMS pour la tenir au courant.

Julie envoie un premier texto à 17 h 42 : "Maman, dis à la police de se dépécher. Des gens meurent ici." "La police est en route" répond la mère, qui lui demande de donner un signe de vie toutes les cinq minutes. Tout au long de l’échange, Mme Bremnes tente de rassurer sa fille, réfugiée derrière des rochers, sur la côte.

A 18 h 15, nouvel échange. Julie annonce à sa mère que la police est là. Sa mère, qui regarde les informations à la télévision, la met en garde : "Le tireur serait en uniforme de policier. Fais attention !" En réalité, la police n’arrivera sur l’île que dix minutes plus tard.

"J’entendais le bruit de ses bottes à quelques mètres de moi, et j’entendais son souffle." Membre des jeunes travaillistes norvégiens, Adrian Pracon se trouvait sur l’île au moment de la fusillade. Le jeune homme de 21 ans signale le massacre une première fois sur Twitter : "Des personnes sont abattues sur Utoya. Beaucoup de morts."

Dans un entretien publié sur le site de France 24, il revient sur cet après-midi du 22 juillet. "Sur l’île, nous étions tous très choqués par l’attaque qui venait de viser le siège du gouvernement à Oslo" raconte-t-il. Il se trouve dans une épicerie de l’île lorsqu’il entend les premiers tirs. "Je voyais les gens courir dans tous les sens", explique le jeune norvégien de 21 ans, qui se met à l’abri dans un bois.

Lorsque le tireur se dirige vers le bois, Adrian Pracon fuit vers la plage et tente de regagner la rive à la nage. "A cause du poids de mes habits, j’ai failli me noyer" se souvient le jeune militant, qui choisit de regagner l’île.

Il raconte qu’il se trouve alors à une quinzaine de mètres du tueur et le supplie de ne pas tirer. Ce dernier baisse son arme et s’éloigne : "Ce que j’ai ressenti sur le moment était très étrange, il m’avait épargné." Mais le tueur revient, obligeant le jeune homme à faire le mort. "J’entendais le bruit de ses bottes à quelques mètres de moi, et j’entendais son souffle, raconte-il. Puis il a rechargé son arme et m’a tiré dans l’épaule". Adrian Pracon sera ensuite évacué par bateau.

"C’est dans ma tête que ça a fait des dégâts." A 15 ans, Jo Granli Kallset est à peine plus âgé que la plus jeune des victimes de la fusillade, Sharidyn Svebakk-Bohn, 14 ans. Il a croisé le tueur avant que celui ci ouvre le feu. "Il est venu vers nous, il était habillé comme un policier. Il avait tout l’équipement, le talkie-walkie, les armes, tout, se rappelle-t-il. Il a dit : ‘Je suis de la police, il y a un bateau au coin de l’île’, j’ai répondu : ‘Salut, nous sommes ici’, et deux secondes après il a tiré sur le rocher devant moi ; j’ai sauté à l’eau".

Jo Granli Kallset parle de "traque", de "massacre" avec ses jeunes amis dans le rôle des proies. "J’ai nagé environ une heure, et quand tout était presque terminé, j’ai nagé vers d’autres personnes qui s’étaient rassemblées et nous avons été pris en charge par un bateau". "Autour de moi tout le monde mourait", ajoute-t-il d’une petite voix devant l’hôpital Ulleval où il est venu voir sa petite amie, blessée par balle pendant la fusillade. "Elle n’a pas eu besoin de chirurgie lourde pour retirer la balle, maintenant elle a besoin de temps pour que cela guérisse", dit-il, sans vouloir révéler son nom. Quant à lui, "c’est dans [s]a tête que ça a fait des dégâts".

"Pourquoi la police tire sur nous ?" Le site Internet Atlantico relaye les témoignages de deux jeunes militantes qui ont raconté les événements sur leurs blogs. Lorsque les coups de feu éclatent, Prableen Kaur est désemparée : "Pourquoi la police tire sur nous ? Mais qu’est-ce qui se passe ?"

Kamzy, elle, s’enfuit vers la plage et n’hésite pas à se mettre à l’eau. "Je préfère mourir noyée que tuée d’une balle" écrit-elle. Après avoir parcouru une longue distance à la nage, elle est récupérée par un bateau venu aux secours des rescapés. Elle apprendra plus tard qu’Anders Breivik avait tiré dans leur direction depuis la berge.

"Deux cadavres étaient sur moi." Prableen Kaur se réfugie d’abord dans un bâtiment, avant de sauter par la fenêtre, paniquée. Elle se rend au bord de l’eau, signale qu’elle est toujours en vie sur les réseaux sociaux et passe plusieurs coups de téléphone à ses proches. "J’ai appelé maman au téléphone, et dit que ce n’était pas sûr qu’on se reverrait, raconte la jeune fille, mais que je ferais tout pour rester en sécurité."

Mais le tireur arrive. Refusant de nager, Prableen Kaur fait la morte. Au bout de une heure, elle décide de se lever. "J’étais couchée sur un cadavre. Deux cadavres étaient sur moi" raconte-t-elle. Apercevant au large un canot qui récupère les rescapés, elle se jette à l’eau. Toujours sous le choc, elle conclut : "Ce conte de fées (…) s’est transformé en cauchemar de la Norvège".

Le Monde.fr

Fri, 29 Jul 2011 13:33:00 +0200

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