"Le CICR ne fait pas ce genre de communiqué à la légère, il est très rare que nous donnions des chiffres. Si l’on parle d’au moins 800 victimes, c’est parce que nous étions à Duékoué le 31 mars et le 1er avril, et que ce sont nos équipes qui ont ramassé les corps, soit dans les maisons, soit à l’extérieur, pour les enterrer dans la dignité. Donc nous les avons comptés", précise Steven Anderson, un porte-parole du CICR, mettant de l’ordre dans les bilans disparates, allant d’une centaine de morts à plus d’un millier, diffusés par les ONG et les Nations unies depuis samedi. "Nous sommes devant un cas exceptionnel et une situation particulièrement choquante", ajoute-t-il. Un effroi partagé par tous les humanitaires qui ont eu connaissance des faits.
"S’il s’agit bien, comme c’est en train de se préciser, d’exécutions sommaires en masse commises en seulement deux jours, mardi 29 et mercredi 30 mars, on est vraiment devant un massacre de grande ampleur. Nos différentes sources sur le terrain ont dénombré à ce jour 816 morts. Mais on continue à découvrir des corps", explique Florent Geel, responsable Afrique à la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). "Ce n’est pas les 5 000 morts par jour du conflit rwandais, mais c’est vraiment très important. Pour vous donner un ordre d’idée, le massacre du stade de Conakry, en Guinée, qui avait choqué le monde entier en 2009, déclenché une enquête et provoqué la transition politique, c’est 157 morts", indique-t-il.
Tri entre les hommes et les femmes
Si les informations restent encore parcellaires et les interlocuteurs très prudents dans les informations qu’ils distillent, en raison de l’extrême tension qui règne encore dans cette région de la Côte d’Ivoire sujette aux conflits inter-ethniques, toutes les sources s’accordent sur le fait que la plupart des victimes sont de sexe masculin. Des hommes et des garçons, parfois âgés de trois à cinq ans. Ce qui confirmerait le récit de survivants qui racontent comment les bourreaux ont fait un tri, séparant les hommes des femmes. Certaines victimes ont été tuées par balle, d’autres à la machette, frappées ou brûlées vives. La majorité appartiendrait à l’ethnie Guéré, mais pas toutes.
Au lendemain du communiqué du CICR, et contrairement à toutes les ONG qui se sont refusées à désigner clairement un responsable du massacre, la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire a affirmé que "la plupart" des victimes avaient été "exécutées par les ‘dozos’ chasseurs traditionnels du Nord des FRCI Forces républicaines de Côte d’Ivoire", pro-Ouattara. "Il faut faire attention à ne pas tout lire à travers le conflit post-électoral. La région de Duékoué a déjà connu des massacres en 2005, c’est une région sujette aux conflits ethniques depuis très longtemps. Il faut découpler les enjeux locaux de l’enjeu national", met en garde François Danel. La FIDH évoque ainsi plusieurs responsables possibles dont un "coupeur de route", le chef d’une bande armée localisée dans un parc national à côté de Duékoué dont il resterait à prouver qu’il ait agi pour le compte des FRCI.
Jeudi, les humanitaires, prudents, appelaient de leur vœux une enquête indépendante, pariant que la situation, dans la région, mettrait du temps à se détendre, et les rescapés, à rentrer chez eux.
Terrorisés par la violence des massacres commis parfois sous leurs yeux, et la crainte qu’il y en ait d’autres, les rescapés et la plupart des habitants de la zone ont fui leurs maisons et leur quartier, pour se regrouper dans une mission catholique, à Duékoué. "C’est un endroit qui doit faire 800 mètres de long sur 800 mètres de large, où 30 000 personnes sont entassées dans des conditions d’insalubrité terrible", s’inquiète sur place François Danel, directeur général de l’ONG Action contre la faim. Une situation qu’il détaillait dans une vidéo tournée par et pour l’ONG, le 3 avril.
Le Monde.fr | 07 avril 2011 à 19h11, Mis à jour le 08.04.2011 à 11h47
Thu, 29 Mar 2012 00:52:00 +0200
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