Demandez à Moreno Ocampo où sont passés les Noirs d’Argentine, son pays d’origine !

Depuis son élection en 2003 comme procureur de la CPI, Moreno Ocampo a ouvert au total sept dossiers d’enquêtes assorties d’émission de mandats d’arrêts internationaux pour les unes, d’arrestations ou de condamnations effectives ou non encore effectives pour les autres. Ce qui est remarquable est que toutes les enquêtes du juge argentin se passent sur le sol africain. En un mot, l’Afrique est devenue le laboratoire d’expérimentation de la CPI, dont la compétence est pourtant de juger les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide commis sur toute la planète.

Les questions qu’on est tenté de se poser sont les suivantes : Ocampo est-il le justicier au profit des Africains? Sa mission en tant que procureur de la CPI est-elle de protéger seulement la vie des Noirs ? La CPI a-t-elle été créée pour protéger uniquement « l’humanité africaine » ? Si telle serait le cas, une façon pour nous d’émettre une hypothèse, demandons à Ocampo où sont passés les descendants des esclaves noirs dans son pays d’origine l’Argentine ? Est-il prêt à ouvrir une enquête sur l’histoire de leur invisibilité, voire même de leur disparition totale dans la société argentine ?

En effet historiens et anthropologues sont formels là-dessus : tout comme tous les autres pays de l’Amérique latine, l’Argentine connait et a connu une population noire issue de l’esclavage, qui était aussi pratiqué dans ce pays. Au 19e siècle, la capitale Buenos Aires, par exemple, connue comme la plus « européenne » de l’Amérique du Sud, avait selon les chercheures une population noire équivalent à 30% du total, et trois habitants sur dix y étaient noirs. Mais où sont passés ces Noirs ?

Les analystes parlent d’un processus d’extinction systématique de la communauté afro-argentine. Le sors de cette population aurait été scellé au 19e siècle avec une ferme détermination dans les plus hautes sphères du pouvoir politique, militaire, ecclésiastique et journalistique du pays. L’objectif clairement et publiquement affiché fut de construire une « Argentine blanche européenne ». Les lois et les décisions politiques s’y attelèrent. Celles-ci contribuèrent à la marginalisation de la population noire et favorisèrent à l’inverse l’arrivée massive d’immigrants blancs d’Europe à partir de 1850.

Mais la construction du mythe d’une « Argentine blanche aryenne » supposait surtout une politique systématique d’ « invisibilisation » ou d’extinction des Afro-argentins. Celle-ci fut faite de façon plus ou moins indirecte. L’Argentine du 19e siècle vit des guerres ravageuses : invasions anglaises, luttes d’indépendance contre l’Espagne, Guerre de la Tripe Alliance contre le Paraguay. Pour la classe politique argentine qui ambitionnait de se débarrasser des descendants d’esclaves, l’occasion était tout trouvée : les Noirs seront utilisés comme des chairs à canon dans ces conflits sanglants, où ils furent littéralement massacrés, voire même exterminés. A cela les historiens ajoutent l’épidémie de fièvre jaune qui ravagea Buenos Aires en 1871, mais qui surtout décima la population noire du fait des conditions de vie exécrables, où elle était confinée, et de l’indifférence des autorités politiques.

Depuis le 19e siècle, l’Argentine était devenue un laboratoire pour tous les partisans de la pureté raciale. C’est tout naturellement qu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, ses autorités acceptèrent d’accueillir sur leur sol les criminels de guerre nazis et fascistes qui fuyaient la justice en Europe. L’un des célèbres organisateurs des réseaux d’exfiltrations des nazis opérant au sein du Vatican fut le bishop autrichien Alois Hudal. Selon le chercheur italien Matteo Sanfilippo, Hudal adressa en 1948 au président argentin Juan Perón une demande de 5000 visas pour les soldats allemands et autrichiens. Au nombre des célèbres criminels nazis auxquels gîtes et couverts furent offerts en Argentine figurent Eduard Roschmann dénommé « le boucher de Riga », Adolf Eichmann, Erich Priebke, etc.
Selon l’écrivain argentin Miguel Rosenzvit, malgré les politiques de « blanchiment », de « nazisation» de l’Argentine, les survivants afro-argentins parvenaient à s’intégrer avec un succès relatif dans la société. L’auteur parle d’au moins 10% de la population argentine qui aujourd’hui encore a un ascendant afroargentin direct. Demandons à Ocampo, l’ami de Guillaume Soro, avec combien de noirs argentins il a fait son parcours scolaire, universitaire et professionnel. Il n’en connait point, parce qu’il a évolué dans une société argentine esclavagiste, raciste et ségrégationniste. Cet homme n’a connu le Noir dans sa vie qu’à travers le prisme dépréciateur et haineux d’une Argentine « blanche aryenne ».

En somme, Ocampo n’a cure du sort vécu par l’homme noir tant dans son pays qu’ailleurs dans le monde. Il ne lui est jamais venu à l’idée de faire réhabiliter « l’humanité africaine » piétinée depuis des siècles à travers des lois esclavagistes et racistes. D’ailleurs, la CPI qu’il sert est expressément limitée par le principe dit de « non-rétroactivité ». Elle ne juge que les faits survenus après sa création le 1er Juillet 2002. C’est dire que sont forclos aux yeux du droit onusien les crimes contre l’humanité commis massivement contre les Noirs durant les époques passées.
Si la carrière personnelle d’Ocampo et l’histoire de la CPI se jouent en Afrique, c’est parce que c’est sur ce continent qu’il y a gros à gagner en termes pécuniaires. Ceci est d’autant plus vrai que cet homme a été effleuré à un certain moment par l’idée de poursuivre les FARC, l’inénarrable guérilla colombienne, devant les tribunaux internationaux, et d’ouvrir la boîte à Pandore des crimes contre les Palestiniens. Mais il a vite fait d’abandonner ces dossiers, car ils ne rapportent rien. Il n’y a pas de mines d’or, de diamants et de coltan, de puits de pétrole en Palestine et en Colombie, dont il faut protéger « les droits de l’homme » qui les exploite au profit de l’Occident. C’est plus lucratif de demander justice pour les « six femmes dioulas d’Abobo » que le président Gbagbo aurait fait tuer.

Contrairement à l’espoir qu’elle avait suscité à sa création, la CPI s’est muée en une justice sélective et discriminatoire. Cette Cour tout comme le système onusien qui l’a créée est au service des intérêts de l’Occident. Sa mission est d’enfermer deux catégories d’Africains : d’une part les leaders africains qui refusent de se laisser inféoder à l’ouvrage occidental d’exploitation de l’Afrique, et de l’autre les anciens seigneurs de la guerre dont les occidentaux se sont servis comme des hommes de paille dans les guerres de rapines financées par eux en Afrique, mais devenus gênants à leurs yeux par la suite.

En Côte d’Ivoire, Dramane Ouattara, Soro Guillaume et leurs seigneurs de la guerre, clairement identifiés comme auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, ont pignon sur rue. Leurs crimes ne sont pas de vrais crimes, car commis au nom de la civilisation et des intérêts occidentaux. S’ils causent la mort d’Ivoiriens, c’est pour protéger la vie et garantir la survie de l’Occident. C’est une sorte de parité, de « trade-off », diabolique qui les exempte de toutes poursuites judicaires. Mais pour combien de temps !?

J. Z. Gadji
Business Consultant (London United Kingdom)

Tue, 12 Jun 2012 12:00:00 +0200

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