Entretien de Soro sur France 24: décryptage par Cebastien Gnahoré

Je suis resté stoïque et pantois devant mon ordinateur ce jeudi 5 juillet en revoyant la vidéo de l’entretien de Soro Guillaume sur la chaîne de télévision France 24, entretien réalisé le mercredi 4 juillet par le fameux Gauthier Rybinski qui avait accusé directement le Président Laurent Gbagbo d’avoir commis des crimes le 11 avril juste après sa “capturation”. J’ai dû faire usage de ma dernière énergie mentale pour aller jusqu’au bout de l’entretien entre les deux complices d’hier.
Décryptage:
En guise d’introduction, le journaliste présente Soro comme “Seigneur de guerre” d’abord avant de parler de ses activités politiques. L’ordre de présentation des différentes vestes de Soro n’est pas du tout gratuit. Souvenez-vous que Soro est d’abord et avant tout le chef d’une rébellion qui a endeuillé la Cote d’Ivoire le 19 septembre 2002. C’est cette première image indélébile qui reste collée à la peau de Soro Guillaume. L’intention est claire: rappeler au monde entier que Soro est d’abord et avant tout un chef de guerre.
La première question du journaliste est symptomatique et symbolique. Elle est relative aux soupçons de la Cour Pénale Internationale à l’encontre de Soro. “Il y a des soupçons à votre égard qu’on peut qualifier de…commanditaire de crimes de guerre. La Cour Pénale n’a encore lancé aucune action à votre encontre.
Cette question renforce l’idée de chef rebelle mentionnée en introduction par le journaliste et révèle à la fois l’information selon laquelle la CPI lancera sans aucun doute un mandat d’arrêt contre Soro: “la cour n’a encore lancé aucune action contre vous…”, comprenez ” mais elle le fera”.
Soro essaie de se justifier mais son langage corporel et sa voix sont moins rassurants que ceux du Soro habituel. Pire, dans son argumentation, Soro oublie lui-même complètement qu’il est à la base un chef rebelle comme l’a souligné plus tôt le journaliste et se limite à la crise post-électorale dans ses réponses. Il oublie également qu’il était le chef du MPCI et ses alliés qui ont déclenché le coup d’état en Côte d’Ivoire en 2002. Il omet aussi que la CPI a récemment confirmé qu’elle étendait ses enquêtes à la période de la rébellion de 2002! Soro a écrit “pourquoi je suis devenu rebelle”.
Le journaliste a le sourire au coin. Soro n’a rien compris.
Soro va plus loin en insistant sur le rôle de la Communauté Internationale dans la crise ivoirienne et mentionne les FRCI (de ouattara) pour essayer de se dédouaner des “soupçons” qui pèsent sur lui. Il décline la responsabilité entièrement sur la communauté internationale: “je dis bien la Communauté Internationale”. Le doigt pointé vers le journaliste est un signe de sentiment d’accusation qui génère l’agacement mal caché de Soro.
Soro veut faire croire que la crise ivoirienne a commencé après le deuxième tour des élections présidentielles alors qu’en réalité, elle part du 19 septembre 2002. L’introduction du journaliste, la question concernant la CPI et la période couverte par les enquêtes de la CPI en sont des preuves irréfutables.
Soro n’a vraiment rien compris.
L’autre point fort de cet entretien, c’est lorsque le journaliste parle subtilement de l’hypocrisie et de la duplicité légendaires de Soro. Concernant les cinq années que Soro a passées comme Premier Ministre sous Gbagbo, le journaliste dit ceci: “….. comment faisiez-vous pour cohabiter avec un homme dont vous ne partagiez absolument pas les convictions?“, en d’autres termes, “comment êtes-vous parvenu à mentir à Gbagbo pendant aussi temps, traître?“. Là encore soro se débat sans rien comprendre à la question. Il parle de sa feuille de route mais aussi et surtout révèle le fond de sa pensée. Soro avait pour mission d’utiliser tous les moyens pour emmener Gbagbo à organiser des élections, à n’importe quel prix! “J’ai toujours gardé le cap, et le cap pour moi, c’était d’organiser des élections………..validées par les Nations Unies!” dit-il.
Au cours de l’entretien Soro a fait plusieurs déclarations émanant de la démagogie et de la pure tautologie. Celle-ci a retenu mon attention: La Cote d’Ivoire, ”notre pays fait son entrée dans la démocratie“. Soro tente vainement d’expliquer la profonde fracture de la haine sociale symbolisée par les deux blocs rigides et irréductibles de la presse ivoirienne qui s’exprime soit en “pro-Ouattara” ou en “pro-Gbagbo”.
Sur ce point, Soro, l’élève de Gbagbo, non seulement s’auto-proclame démocrate et père de la démocratie en Côte d’Ivoire, mais aussi et surtout, il sous-estime le grave problème lié à la presse dans ce pays. Le journaliste, toujours avec son sourire au coin était visiblement gêné. Il s’interrogeait intérieurement : “Pour qui nous prend-il celui-là? Démocratie ou fusicratie? MPCI, MPIGO, etc….le patron officiel c’était qui alors?” Ce monologue intérieur du pauvre journaliste s’exprimait à l’extérieur par son hésitation sur les mots et son bégaiement soudain.
Cet entretien nous fait bizarrement penser à la fameuse théorie des “3 L” développée au cours de la crise par Charles Blé Goudé: ” ….. Ils vous Lèchent les bottes, ils vous Lâchent et ils vous Lynchent”.
La question est de savoir à quel niveau de cette théorie se trouve Soro au jour d’aujourd’hui.
Time will tell!

Cebastien Gnahoré

Tue, 10 Jul 2012 00:50:00 +0200

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