LA C.P.I. EST INCOMPÉTENTE POUR JUGER GBAGBO : LA CÔTE D’IVOIRE N’EST PAS PARTIE AUX STATUTS DE ROME

En droit international public, tous les actes posés par les dirigeants politiques d’un pays n’engagent pas nécessairement ce pays à l’extérieur. Car les traités sont soumis pour leur validité, comme les contrats le sont en droit privé, aux mêmes principes généraux de droit; à savoir la capacité du sujet, la licéité de l’objet, et la régularité du consentement. Dans le cas de la C.I., il y a un consentement inachevé et des irrégularités formelles issues de l’absence de ratification : c’est ce qu’on appelle dans le jargon les ratifications imparfaites. Parmi les éléments qui peuvent vicier un consentement en droit privé interne se trouve l’erreur, le dol, la violence et même la lésion. La codification du droit international (C.D.I.) n’interprète pas avec la même rigueur absolutiste ces conditions de validité du consentement, elle adopte une position médiane, qui malgré tout, donne les bases juridiques nécessaires pour affirmer que le consentement de la C.I. à été vicié pour motifs de violence (intimidation, contrainte).
Dans le premier cas qui vise la perfection du consentement pour la validité d’un traité, la constitution ivoirienne est sans ambiguïté : Pour qu’un traité naisse à la vie juridique en C.I., il doit faire l’objet d’une ratification par le parlement. Ces dispositions constitutionnelles qui servent de remparts contre les dérives anarchiques de l’exécutif sont propres à presque toutes les nations dites civilisées, la France et les Etats unis y compris. Aucun traité, né d’un arrangement politique en dérogation des dispositions impératives d’un Etat ne peut lui être opposable.
La jurisprudence qui a encore cour, après certaines nuances tardives, date de la sentence arbitrale rendue par le président Cleveland le 22 Mars 1883, dans l’affaire du traité de démarcation conclu en 1858 entre les républiques de Costa Rica et du Nicaragua : « Pour déterminer la validité d’un traité conclu au nom de l’Etat, il convient de s’en approcher aux lois fondamentales de cet Etat ».
C’est ainsi qu’on comprend pourquoi WOODROW WILSON, président américain de 1913-1921, et membre fondateur de la Société Des Nations (S.D.N.) avec ses « 14 points », n’a pu engager juridiquement les Etats unis dans la Société Des Nations. Le sénat américain, encore ancré dans les traditions isolationnistes de leurs pères fondateurs et du président Andrew JACKSON (dit l’homme du peuple 1828-1937), à considéré à tort peut être, les actes du président WOODROW WILSON comme participant d’une aventure solitaire, d’un homme en mal d’influence extérieure. Le sénat américain n’a pas ratifié le traité de la S.D.N. et les engagements du président furent nuls et de nul effets.
Pour des raisons pratiques, la sentence arbitrale du président CLEVELAND à connu des nuances apportées par la Convention de Vienne de 1969, en ses articles 46 et 47. Ces raisons sont les suivantes.
La première est qu’on ne peut pratiquement exiger à chaque pays de connaître les subtilités des constitutions des autres pays contractants (qui peuvent être nombreux ; l’O.N.U. a plus de 190 pays membres), sans prendre le risque de les inviter dans le débat politique interne ; sinon quelle serait l’utilité pratique de connaître les constitutions des autres quand l’interprétation de celles-ci resterait exclusivement dévolue à leurs juridictions internes ? C’est pour que ces pays contractants puissent ramener à l’ordre leurs cocontractants en cas de dérive (selon leurs interprétations des constitutions de ces autres pays souverains) que cette connaissance est recommandée. Cela fait craindre le danger de graves ingérences dans les affaires intérieures des autres pays en violation du principe sacro saint de l’égalité souveraine des Etats.
La deuxième crainte de la convention de Vienne était que certains pays, jouissant exclusivement du pouvoir d’interprétation de leurs constitutions, ne les violent eux mêmes à dessein pour créer une échappatoire pour se décharger de leurs obligations contractuelles futures.
Alors donc, pour que soit accueillie, une réclamation sur le fondement des articles 46 et 47 de la Convention de Vienne de 1969, il faut que le vice de consentement soit « …manifeste…et concerne une règle de …droit interne d’importance fondamentale. (46)» et que ce vice « …ait été notifié, avant l’expression de ce consentement, aux autres Etats ayants participé à la négociation. (47) ».
La subordination de la validité de tout traité international à une ratification parlementaire est une règle de droit interne fondamentale, parce que cette ratification par les élus est le témoignage substantiel mais aussi logique de l’engagement du peuple ; par opposition à un engagement solitaire de l’exécutif dont la représentativité a une force beaucoup plus symbolique, qu’elle ne rend compte des divergences sincères des peuples ; le président lui-même n’étant issu que d’une tendance qu’ il croit meilleur pour tous. Le parlement est aussi une gauge qui rend compte, après le décompte des voix parlementaires, du degré d’engagement du peuple, de sa sincérité. Beaucoup de pays occidentaux, dont la France, pour des traités à très grandes répercussions sociales (Traité de Maastricht, Projet de Constitution Européenne), sont constitutionnellement tenus de recourir au referendum, préférant la sincérité du choix populaire direct à la délégation. La ratification est un élément dont le caractère fondamental s’affirme seul, parce qu’il est le témoignage d’un engagement collective, la reconnaissance d’un destin national partagé, mais plus parce qu’il requiert au fond, donc fondamentalement, l’avis du peuple par ses délégués. Sans elle l’engagement est simplement déclaratoire, de principe et inachevé. C’est pour cela que la C.I., comme la France et les Etats unis, exige la ratification pour la validité de tout traité.
Pour les dispositions de l’article 47 qui exigent que soient informés les cocontractants, il n’indique pas qui doit les informer. Dans le silence de la loi nous apportons en appui tout mode de preuves, nos écrits qui n’ont cessé d’inonder les presses du monde. La C.P.I. est informée. Les réclamations de la C.I. sont donc légitimes et fondées en vertu de ce qui précède.
Au delà de ces irrégularités formelles, en quoi sommes nous justifiés à soutenir dans le fond que le consentement de la Cote d’Ivoire a été vicié pour motif de violence ? L’article 51 de la Convention de Vienne proclame en des termes catégoriques la nullité des traités conclus par la violence exercée sur les représentants : « L’expression du consentement d’un Etat à être lié par un traité qui a été obtenu par la contrainte exercée sur son représentant au moyens d’actes ou de menaces dirigées contre lui est dépourvu de tout effets juridiques. ». Le contexte législatif précise, que les menaces incluent toute atteinte à la vie privé ou public du représentant. Le Président Laurent GBAGBO et la C.I. subissaient, depuis plus d’un an des violences, qui s’affirmaient par l’exercice contre eux de pressions internationales (France), par les meurtres de proches (de BOGA DOUDOU, d’officiers militaires…par des rebelles), par la partition de fait du pays et par la séquestration de la moitié nord du pays ; quand le président a amorcé un début de reconnaissance de la C.P.I. Il a fallu cette attaque en C.I., pour que le pays endolori par la division pense sous des contraintes voilées (BLAISE COMPAORE) à faire le meilleur d’une mauvaise situation, en recourant à la C.P.I. La C.I. libre et souveraine n’a pas recouru à la C.P.I. Ce n’est que normal que tout contrat signé en temps de guerre éveille la suspicion légitime de tout homme sérieux. Nous pensons donc, en conformité avec les solutions juridiques que des cas historiques similaires nous apportent, que les violences exercées sur le Président GBAGBO étaient d’une gravité suffisante pour chavirer son jugement, et de nature à lui faire prendre des décisions lourdes de conséquences dans les limites que lui imposait une réalité passagère.
Ce large extrait instructif de NGUYEN QUOC DINH en dit long : «  François 1er, alors prisonnier de Charles Quint, fut contraint de signer le Traité de Madrid en 1526 lui cédant la Bourgogne ; mais il refusa de l’exécuter après sa libération en invoquant la violence exercée sur sa personne. En 1905, les Japonais occupant Seoul obligèrent les négociateurs coréens à signer le traité de protectorat…En dépit de son application effective pendant une longue période, la nullité de ce traité étant reconnue après la défaite japonaise, la Corée redevint un Etat indépendant. Le 15 Mars 1939, le président HACHA, chef de l’Etat Tchécoslovaque et son ministre des affaires étrangères furent contraints, à la suite de graves mesures d’intimidation, de conclure avec l’Allemagne hitlérienne un traité instituant le protectorat allemand sur la Bohême et la Moravie. Selon l’ambassadeur de France, le Président HACHA était alors très malade et n’était pas capable de résister aux pressions dont il était l’objet. La France et la Grande-Bretagne Co signataires avec l’Allemagne et L’Italie de l’accord de Munich de 1938 relatif au statut territorial de la Tchécoslovaquie adressèrent aussitôt des notes de protestation au gouvernement allemand pour marquer leur refus de reconnaître la validité dudit traité. Comme pour la Corée, en droit comme en fait, en dépit d’une effectivité éphémère, c’est sur la base de la nullité de ce traité, qu’après la défaite de l’Allemagne, la Tchécoslovaquie a récupéré les territoires conquis et recouvré son indépendance. Le Tribunal militaire international de Nuremberg s’est rallié à cette nullité fondé sur la violence dans son jugement du 1er Octobre 1946. Plus récemment, les représentants Tchécoslovaques ont été soumis à de très fortes pressions de la part des autorités soviétiques en vue de la conclusion du traité du 14 Octobre 1968 sur le stationnement des troupes du pacte de Varsovie. ». En 1969, suite à cette longue jurisprudence, la Convention de Vienne a été impérative en son article 52 « Est nul tout traité dont la conclusion a été obtenue par la menace, ou l’emploi de la force en violation des principes de droit international incorporée dans la chartre des Nations Unies. » En vertu de ce qui précède, la C.I. la n’est pas parti aux accords de Rome sur la C.P.I.
De l’éloquent extrait historique ci-dessus, nous pouvons retenir une chose: Aussi longtemps que le méchant est plus fort, sa règle s’applique, mais à sa chute, il perd tout. Pourtant J.J. Rousseau est sans équivoque sur le destin du plus fort: « Le plus fort n’est jamais assez fort pour rester toujours le maître à moins qu’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir. ». Là est la chute du tyran. Si par courtoisie on peut avoir un devoir d’obéissance, on ne peut jamais transformer sa force en droit; car c’est dans le droit que réside d’abord et seulement à l’état pur le principe de toute force authentique de l’esprit et des muscles des hommes.

SERY ZADI GBOZIAGNON
JURISTE, POLITOLOGUE, TRADUCTEUR (ANG/FRA).

 

Tue, 27 Mar 2012 01:23:00 +0200

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