Le prix de la félonie et de la traîtrise

Peut-on faire de la politique sans trahir ses convictions et les idéaux de son propre camp ? C’est la grande question qui assaille tous les Africains qui veulent voir loin en commençant par voir ce qui est devant eux.
Dans les sociétés africaines le traître est considéré comme une personne maléfique qui est perçue comme l’incarnation du diable. En définitive, la trahison touche aujourd’hui les relations humaines dans toutes les sphères de la société : la famille, l’amitié, la relation à plus puissant que soi, au souverain et même la relation à Dieu (puisqu’il peut s’agir d’une rupture avec la foi). La trahison modifie l’équilibre du monde.
Le traître brise l’ordre moral, social et pervertit les solidarités. La trahison est souvent causée par l’envie, la soif du pouvoir, l’ambition : la volonté de s’élever au dessus de sa condition, de sortir d’un état de dépendance, de s’affranchir d’une domination. En ce sens, elle est aussi un danger pour la société, pour sa cohésion et sa stabilité.
Nous observons aujourd’hui, sur la scène politique africaine, des hommes et des femmes qui se livrent, sans vergogne, à des transhumances politiques qui les font passer d’un parti à l’autre rien que pour être dans le cercle de celui qui est au pouvoir. Quels projets de société ont-ils à nous proposer pour renforcer le bonheur commun et le vivre ensemble ?
Leurs comportements nous font dire ici que la psychologie humaine est un champ de travail très vaste et que toutes les sensibilités méritent le même intérêt, si nous voulons trouver des explications cohérentes à la relation que chaque peuple entretient avec son univers mental et social. Nous voulons jeter un regard sur la traîtrise dans la vie humaine et en politique surtout, car c’est un domaine de la vie qui engage la vie et le futur des millions de personnes.
Cette démarche nous conduit, immédiatement, à des questionnements auxquels nous ne sommes pas certains d’avoir les réponses.
– Comment un homme normal, qui a été élu pour veiller au bien-être des habitants de son pays, peut-il signer un contrat complètement défavorable à son pays ?
– Comment peut-on être un chef d’État non pas au service de son pays, mais pour préserver les intérêts d’une tierce puissance dans le pays qu’on dirige ?
Le chef de l’État, agent étranger dans son propre pays, est la réalité la plus humiliante et la plus indigne des 50 ans d’indépendance des pays africains.
Nous sommes même arrivés à des situations invraisemblables en Afrique où des gouvernements ont accepté de réaliser des projets grandioses non pas dans l’intérêt du pays, mais pour les commissions financières juteuses qui seront empochées par les uns et les autres.
Le cas des surfacturations des complexes sucriers en Côte d’Ivoire dans les années 1970 reste un cas d’école dans lequel les complexes achetés par des pays voisins à 5 milliards de Francs CFA, ont été vendus à ce pays à 11 milliards de Francs CFA, et en bonus les auteurs de la surfacturation n’ont jamais été poursuivis en justice.
Dans un pays, lorsque le président élu par la majorité de ses concitoyens, s’appuie sur son groupe ethnique pour gouverner, tous ceux qui ne sont pas du bon groupe ethnique se sentent trahis.
Dans un tel système, la plupart des entreprises d’État et tous les ministères importants de souveraineté sont occupés par les membres de l’ethnie présidentielle, laissant aux autres, la condition féminine, la petite enfance, les sports et loisirs, la francophonie, le tourisme et l’artisanat.
Dans un tel système la promotion économique, sociale et professionnelle de ceux qui ne sont pas de l’ethnie au pouvoir est, parfois, durablement bloquée par l’arbitraire de ce système inique qui régit la vie des institutions et de l’État.
Il s’ensuit un sentiment de trahison, une frustration, une tristesse, une grande amertume et un ressentiment qui finit par gangrener le corps social de la nation et par conduire le pays à des violences incontrôlables.
Le Togo de EYADEMA avec les Kabyés, le Zaïre de MOBUTU avec les Ngbandis, la Côte d’Ivoire d’HOUPHOUËT-BOIGNY avec les Baoulés aux premiers rangs ainsi que le Rwanda d’HABYRIMANA avec les Hutus, illustrent parfaitement cette vision rétrograde de l’exercice du pouvoir politique au service d’un groupe contre le reste de la nation.
Nous vivons dans un monde d’impostures, un monde obscur et incertain que l’on dit entre chien et loup où la facilité, la médiocrité, la lâcheté, la corruption, la compromission, la forfaiture et la méchanceté gratuite ont pris de l’avance sur la raison, le bon sens, la justice, la paix. La simple fraternité humaine et le courage de vivre ensemble dans un monde qui nous appartient tous, sont devenus des rêves inaccessibles à notre génération.
Dans les temps anciens, on coupait la langue du menteur, on coupait la main du voleur et on pendait le faux témoin ou le lâche, car le lâche c’est celui qui renie sa propre parole et qui manque à son devoir d’homme. Être lâche, c’est manquer de courage mais aussi installer durablement le faux dans la vie commune.
Notre frère, le capitaine para-commando Isidore Noël Thomas SANKARA, fut trahi et tué par ceux qui prétendaient être ses amis, ses compagnons d’une révolution démocratique et populaire, ayant pour but la libération de leur pays de l’assujettissement au capital étranger. C’est aussi cela le visage de la félonie en politique.
Les contrats, dans les temps anciens, étaient conclus sur la base de la parole donnée. Observons simplement aujourd’hui l’engorgement des tribunaux pour les cas de contestation de signatures sur des documents écrits pour nous rendre compte que la modernité est parfois un immense recul dans la communauté des hommes. Pourquoi trahir est devenu, aujourd’hui, une seconde nature chez les êtres humains ?
Il est même arrivé des situations incroyables où la religion trahit son propre message. Le silence coupable de l’église catholique face au sort des Juifs pendant la guerre est sous nos yeux.
Les États unis n’ont-ils pas soutenu et permis aux Khmers rouges du Kampuchéa de siéger à l’ONU ?
Les USA, n’ont-ils pas vendu des armes à l’Iran qui était sous embargo international à la demande américaine ? La France, qui prétend être la patrie des droits de l’homme, n’a-t-elle pas formé, équipé et entraîné l’armée mono ethnique hutue, auteur du génocide rwandais ? Comme vous le constatez un pays peut trahir ses propres convictions et violer sa propre morale.
La vie sur terre nous donne souvent l’occasion de voir, de nos yeux, le mal ; cela nous fait apprécier le bien. La stupidité nous fait apprécier l’intelligence dans l’être humain. La félonie nous fait apprécier la sincérité des hommes et des nations. Les Africains ont, pour cela, beaucoup de considération pour les pays qui savent honorer la parole donnée.
C’est pourquoi nous voyons la nuit pour mieux apprécier le jour, le silence pour que la parole ait un sens, la maladie pour que la santé ait un sens, la guerre pour que la paix ait un sens, la mort pour mieux apprécier la vie et nous remercions tous Dieu de nous avoir donné la fatigue et les peines pour que le repos et la joie aient un sens.
La félonie est un acte de trahison d’un sujet envers son souverain ; dans le droit moderne, on peut l’assimiler à la haute trahison ou au crime contre l’intérêt national. C’est aussi l’image de l’infidélité, de la déloyauté et de la forfaiture. Accepter l’argent de l’étranger et prendre les armes contre son propre peuple est un acte indigne qui fait de vous un traître et un félon.
Exemple : La rébellion katangaise de Moïse TSHOMBÉ qui avait reçu l’argent et le soutien des Occidentaux pour déclencher le 11 juillet 1960, la sécession katangaise qui a affaibli le Congo et le gouvernement de Patrice LUMUMBA pour permettre l’arrivée d’un certain Joseph Désiré MOBUTU au pouvoir était une félonie et une forfaiture dont le Congo ne s’est pas encore remis jusqu’aujourd’hui.
Autres exemples : Pendant les années de plomb de l’apartheid, il y avait des Noirs qui, en échange d’un peu d’argent, collaboraient avec la police blanche raciste et criminelle pour dénoncer les nationalistes noirs et indiquer les lieux de réunions de ceux qui luttaient pour une société libre et juste pour tous. Comment un homme normal peut-il trahir sa propre cause et son propre avenir ? C’étaient des cas de trahisons et de forfaiture qui nous sidèrent et nous donnent froid dans le dos aujourd’hui encore.
Les 6000 Iraniens, rémunérés par la CIA, qui marchèrent le 19 août 1953 devant le Parlement Iranien pour exiger la démission du Premier ministre iranien le Dr MOSSADEGH, étaient des traîtres, des félons qui travaillaient sans le savoir contre les intérêts pétroliers de leur propre pays. Car, en échange, le pays a eu droit à la dictature du SHAH, qui a favorisé l’avènement de l’ayatollah KHOMEINY et l’institutionnalisation de l’intégrisme islamique en Iran de 1979 à ce jour.
Les rebelles ivoiriens qui, en complicité avec la France, ont déclenché une guerre absurde, pour tuer des innocents, violer et éventrer des femmes, piller les maisons et les ressources du pays, jeter des milliers de personnes sur les routes dans le seul but d’obtenir le départ de Laurent GBAGBO du pouvoir, ont posé un acte de forfaiture digne d’une félonie contre leur propre peuple.
Il va falloir, un jour, faire le bilan de cette rébellion pour se rendre compte qu’au final la partition de la Côte d’Ivoire a profité à ses voisins par le détournement des ressources du pays. Que cela a aussi affaibli la capacité de production de la Côte d’Ivoire pour, finalement, voir les rebelles siéger au gouvernement avec Laurent GBAGBO.
Même ceux qui ne sont pas des tifosi de GBAGBO Laurent reconnaissent, aujourd’hui, que les moyens qui ont été utilisés contre lui et son pays relèvent pitoyablement du brigandage et du gangstérisme.
L’histoire humaine est aussi une science dans laquelle rien n’est écrit à l’avance : Moïse TSHOMBÉ ne savait pas qu’il allait finir sa vie dans une prison en Algérie, MOBUTU ne savait pas qu’il allait être chassé du Zaïre pour aller mourir à l’étranger, Ahmadou AHIDJO n’imaginait pas mourir en exil et être enterré au Sénégal en dehors de son Cameroun natal.
Le président de l’UNITA, Jonas MALHEIRO SAVIMBI n’imaginait pas que la reconstruction de l’Angola allait se faire sans lui. HOUPHOUËT-BOIGNY n’imaginait pas, une seule seconde, que la France allait un jour, en complicité avec des pays voisins, favoriser la partition de la Côte d’Ivoire. Tous ces gens ont vu leurs certitudes vaciller sous leurs pieds avant de mourir. La félonie a toujours un prix. On ne trahit jamais sans conséquence, c’est une simple leçon de la vie humaine.
Le règne du dieu argent
Notre premier sentiment, en observant toutes les trahisons qui jalonnent notre vie nationale depuis les indépendances de nos pays africains, est une immense honte. La honte de nous rendre compte que le félon, le traître et les faussaires sont les propres fils de nos pays, qui vont s’allier à l’étranger pour trahir l’intérêt commun, celui de la nation.
La société africaine est aujourd’hui pervertie, le fils renie le père, la mère renie sa fille, la femme trompe son mari, le mari trahi abandonne femme et enfants pour refaire sa vie avec une femme plus jeune que sa propre fille.
Nous faisons tous le constat douloureux d’une société en perdition où les dirigeants politiques détournent l’argent public pour leurs petits intérêts égoïstes et mesquins.
Comment la bassesse, la fourberie, la félonie, la lâcheté, la perfidie, la duperie, la trahison et la forfaiture, ont-elles pu s’incruster aussi durablement dans cette société africaine qui, hier encore, avait réussi à survivre aux calamités de l’histoire (colonialisme, travaux forcés, impôts de capitation et humiliations diverses) grâce à sa force morale reposant sur le respect de l’autre par la parole donnée, le respect du bien public et le bouclier de la solidarité familiale ? Comment avons-nous tourné si facilement le dos à l’intelligence pour nous embourber aussi profondément dans la médiocrité ?
L’argent roi, l’argent devenu maître, a étouffé les énergies, dicté les extravagances et les faiblesses de notre société en ouvrant les portes à toutes les indécences et à tous les abus. L’argent, à tout prix, a mis en danger la culture authentique de nos peuples africains.
Cela débouche sur de moins en moins de liberté, moins de respect des uns envers les autres et met la famille déboussolée en hypothèque.
Verrès et Catilina surgissent de partout et il n’est même plus de Cicéron pour dénoncer les scandales qui s’accumulent. Néron plus arrogant que jamais s’est installé, ce qui annonce l’heure des martyrs…
Comme Caïn nous nous sommes retrouvés assassins de nos propres valeurs. Abel disparu, nous ne pouvons plus dormir.
L’œil est allumé dans notre nuit de honte et a conduit beaucoup d’entre nous à prendre le chemin difficile et douloureux de l’exil à l’étranger.
Telle est l’analyse que nous faisons de la situation de nos pays africains et de nos populations en ces heures difficiles où il est plus qu’urgent de reconstruire la confiance depuis la cellule familiale jusqu’au sommet de l’État.
Le prix de la félonie et de la traîtrise
La félonie est le contraire du courage, c’est une forfaiture. Pour clore ce chapitre nous voulons rapporter à tous ceux qui trahissent les masses africaines dans leur quête de liberté, de bonheur et de justice sociale. Nous leur faisons simplement don ici de l’histoire de NOURY Saïd.
Né dans une famille riche, NOURY Saïd, avait fait ses études à l’Académie militaire d’Istanbul. Opportuniste jusqu’au bout des doigts, il tomba entre les mains des anglais quand ceux-ci occupèrent Bassora pendant la première guerre mondiale. Il leur offrit ses services, c’est le propre des traîtres. Quelque mois plus tard, on le trouvait auprès du fameux colonel Thomas Edward LAWRENCE, plus connu sous le nom de LAWRENCE d’Arabie, fomentant "la révolte arabe entre 1916 et 1918".
Les anglais le mirent à la disposition de FAYSAL, fils du Chérif de la Mecque, qui devint, en 1921, Roi d’Irak. Dès 1930 sur la pression de Londres, il devenait premier ministre d’Irak, poste qu’il devait occuper pendant une longue période. Piètre orateur, parlant mal l’arabe, il détestait le Président égyptien Gamal Abdel NASSER qui l’accusait ouvertement d’être un agent au service de l’intelligence service britannique.
Les masses irakiennes le détestaient et priaient pour son malheur dans les mosquées. Car, dans la réalité, il dirigeait et orientait le gouvernement irakien dans le sens des intérêts britanniques, c’était un traite et un félon. Lors de la révolution irakienne du général Abdel Karim KASSEM le 14 juillet 1958, qui mit fin à la monarchie en Irak, NOURY Saïd, tenta de fuir en se déguisant en femme, mais reconnu il fut abattu. Son corps, traîné dans la ville de Bagdad, provoqua la joie et les applaudissements de la population en liesse .
Il fut jeté sous des voitures jusqu’à l’aplatir et à le rendre méconnaissable. Telle était, et est toujours, la haine des masses, contre la traîtrise et la félonie politique que nous connaissons au quotidien dans ce vaste tiers monde dont nous sommes les fils.
Nous rappelons ici pour mémoire qu’après la fuite de Jean-Claude DUVALIER, le peuple en colère avait détruit le Tombeau du père DUVALIER et que les restes mortuaires de feu le président François DUVALIER d’Haïti, furent traînés dans les rues de Port-au-Prince le 7 février 1986, avant d’être aspergés d’essence et brûlés dans une liesse populaire. Quant au président Samuel KANYON DOÉ du Liberia, il fut capturé, torturé, tué et découpé en morceaux comme un sanglier par ses opposants le 9 septembre 1990.
Nous n’approuvons pas ces méthodes macabres et expéditives, mais la félonie et la traîtrise se paient au prix fort, car très souvent, elles ne laissent pas d’autres choix aux foules enragées de douleurs et de souffrances, qui du jour au lendemain, brisent les chaînes de l’oppression et de la servitude .
Que tous ceux qui acceptent, aujourd’hui encore, d’être les agents des intérêts étrangers, ceux qui choisissent le chemin de la félonie et de la traîtrise contre leur peuple et leur propre pays se souviennent du sort que la foule en colère et la rue avaient réservé à NOURY Saïd, dans l’après-midi du lundi 14 juillet 1958, dans Bagdad en liesse.
Conclusion générale
Notre continent, l’Afrique, se trouve à un carrefour important de son histoire douloureuse dans laquelle les grandes et petites trahisons ont occupé une grande place. Il est temps d’affronter courageusement nos problèmes sans faux-fuyant pour arracher nos pays des mains des eunuques qui nous dirigent, pour que l’homme africain quitte les soutes froides et sombres de l’histoire.
Souvenons-nous qu’à l’ouverture du sommet des chefs d’États francophones de Cotonou du 2 au 4 décembre 1995, le président français, Jacques CHIRAC avait sollicité une minute de silence à la mémoire de son ami, le dictateur rwandais Juvénal HABYARIMANA, sans avoir un seul mot de compassion pour les milliers de morts du génocide rwandais, perpétré par l’armée mono ethnique hutue du défunt président HABYARIMANA. Quand les Rwandais parlent des complicités françaises dans le génocide qui a ravagé leur pays, nous voici devant une des évidences.
Cela ne nous étonne pas, car la France a toujours, par lâcheté et par traîtrise, honoré les dictateurs au détriment des peuples africains. C’est bizarre qu’aucun des chefs d’États africains présents n’ait élevé la moindre protestation devant un tel étalage de cynisme. Ce jour-là, les Africains découvraient effarés et avec tristesse qu’ils sont dirigés par des eunuques.
"Lorsque dans un moment de lucidité, l’on sait la direction définie, il nous appartient de la réaliser ou trahir". C’est ce que nous disait, hier encore, notre frère Frantz FANON, ce médecin psychiatre antillais qui en soignant les fous voulait aussi sauver les hommes. Il avait quitté son poste de médecin à l’hôpital psychiatrique de Blida pour rejoindre la lutte de libération du peuple algérien.
Dans son livre "Les damnés de la terre", il évoque ce qu’il appelle les "nègres blancs". Il désigne, par là, les dirigeants des anciennes colonies qui, bien que leur pays soit devenu indépendant, se comportent comme des laquais.
À cet égard nous pouvons regarder l’attitude des dirigeants politiques membres du réseau franco-africain, très souvent absents aux réunions des organisations africaines d’intégration économique et qui se précipitent à la table du président français comme des nègres blancs, des laquais, voire même comme des eunuques dévoués corps et âme à leur souverain.
Dans l’empire Ottoman et dans l’empire du Milieu, les eunuques qui étaient des hommes castrés chargés de la surveillance du harem impérial, mais aussi constituaient une redoutable garde rapprochée très dévouée à l’empereur, ne pouvant pas procréer et incapables de fonder une dynastie, haïssaient et méprisaient leur propre peuple envers lequel ils n’avaient aucun devoir.
Nous sommes dans le même cas de figure avec la plupart des élites politiques africaines de l’espace francophone, castrées, frappées de stérilité, incapables de féconder le bonheur commun et le vivre ensemble, elles se mettent au service de la France, méprisant leur peuple à qui elles ne doivent rien. Par lâcheté et par traîtrise, elles sont plus fidèles à la France qu’à leur propre pays.
Car ces dirigeants savent que le danger, contre leur régime, viendra du peuple et du suffrage universel qu’ils méprisent, ils ont donc renoncé à la souveraineté de leur pays et tueraient leur mère pour plaire à la France qui est la nation européenne qui a avalisé les élections truquées qui leur ont permis d’arriver au pouvoir ; ils ne doivent rien au peuple.
Voilà pourquoi ils retardent son progrès et son bonheur en l’enfonçant un peu plus, chaque jour que Dieu fait, dans l’obscurantisme et des aberrations de type stalinienne. Telle est la triste réalité qui découle du drame des trahisons successives que vivent les peuples africains.
Beaucoup d’Africains expliquent d’ailleurs les pillages qui accompagnent la chute de nos régimes politiques par un excès de colère populaire, qui s’attaque au symbole de richesse et d’opulence du régime déchu. Car disent-ils ce sont ces choses matérielles qui les rendent insensibles au sort de la majorité de leurs compatriotes. Le pillage, considéré par les populations comme une forme de redistribution démocratique, c’est aussi la réponse du petit peuple à la trahison des élites.
C’est justement pourquoi, très souvent, après le pillage, la populace en colère met le feu au domicile des membres de la nomenklatura pour exorciser la félonie, le diable et le mal dont ils sont porteurs, mal qui vit en eux et qui les a conduits au mépris, à la suffisance, et à la trahison des valeurs communes.
De HOUPHOUËT-BOIGNY à Ahmadou AHIDJO, de Joseph Désiré MOBUTU à Jean Bedel BOKASSA, de Maurice YAMÉOGO, à Étienne ÉYADEMA, de Blaise COMPAORÉ, à Denis SASSOU NGUESSO, de Idris DÉBY à Paul BIYA en passant par François BOZIZE et El Hadj Ali BONGO ODIMBA, nous vivons aujourd’hui encore le temps des eunuques. Une période qui marque le triomphe de la trahison, de la lâcheté et celui de l’arrogance de ceux qui représentent les intérêts étrangers dans leur propre pays.
Il faut que cela change ! En effet il nous faudra deux fois plus de courages, aujourd’hui, pour répondre à l’immense besoin de justice de nos populations africaines. D’une meilleure redistribution des biens, d’une organisation plus équitable de la société africaine, avec d’avantage de participation, une conception plus désintéressée du service public au profit de tous.
Il y a, aujourd’hui, des violations sélectives et massives des droits de l’homme qui affectent la société africaine dans son ensemble. Cela nous amène à exprimer ici le désir légitime pour la population : les médias et la politique d’une libre expression respectueuse des opinions des autres et des biens communs au service de tous et non de quelques-uns.
Par exemple, avoir aussi, chez nous, des routes praticables en toutes saisons, manger à sa faim, se soigner, boire de l’eau potable, avoir un logement décent, un travail honnête, une pension pour ses vieux jours, le respect des responsabilités familiales, scolariser ses enfants, car la victoire de l’Afrique sur l’analphabétisme est à ce prix.
Bref, tout ce qui fait que les enfants, les vieillards, les hommes, et les femmes d’un pays puissent mener une vie vraiment humaine. Nous faisons appel à nos amis européens, à nos élites politiques, à tous ceux qui disposent de la richesse, de la culture et du bon sens, pour qu’ils comprennent leur grave et urgente responsabilité.
Dans cette voie, nos élites politiques doivent être moins hautaines et méprisantes ; elles doivent éviter d’étaler l’or et les richesses acquis sur le dos et la sueur des populations. Il faut être moins suffisant, moins médiocre et très humble. L’humilité est un capital d’avenir dans la vie politique.
La clé de cette alternative passe par le suffrage universel. Il faut tourner le dos à la lâcheté, à l’arrogance, à la fourberie et aux mensonges pour embrasser le courage, le courage des peuples africains, dont le travail et l’ardeur au combat ont été piétinés, car au final, nous avons détruit l’ancienne maison, sans construire la nouvelle.
Nous sommes aujourd’hui au bord de la route, sous la pluie, sans toit, livrés à nous-mêmes, dans un monde d’égoïsme institutionnalisé. L’humilité et la fidélité aux combats de nos peuples africains, demeurent la clé des temps nouveaux. Comme l’écrivait si bien notre frère, le poète haïtien, Jacques Stéphane ALEXIS : "Nous resterons fidèles, jusqu’à plus ample démonstration, à la formule selon laquelle le peuple, pris dans sa nasse, est la seule source de toute culture vivante ; il en est en quelque sorte la base, le fondement sur lequel viennent rejaillir les apports des hommes de cultures".
C’est parce que nous avons très souvent été trahis que notre soif de justice et de reconnaissance est plus grande. Reconnaissance dans la redistribution, reconnaissance de la nation qui doit désormais être le partenaire de tous les citoyens pour se raccorder à elle-même afin de ne plus se trahir et conduire le peuple aux amers désillusions d’hier. C’est de cela qu’il s’agit.

Par Serge Nicolas NZI

Fri, 23 Apr 2010 09:49:00 +0200

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